| DÉPRÉCIER, verbe trans. A.− [L'obj. désigne une chose, le plus souvent concr., ayant une valeur marchande] 1. [Le suj. désigne gén. une chose] Faire baisser la valeur de (quelque chose), diminuer sa valeur. Des billets au porteur trop multipliés déprécient les monnaies en général (Say, Écon. pol.,1832, p. 310).Il fallait s'attendre pour l'hiver à une augmentation de son activité sur l'étendue des vignes dépréciées par le mildiou qu'il achèterait pour peu aux vignerons ruinés (Hamp, Marée,1908, p. 142). − Emploi pronom. à sens passif. Perdre de sa valeur. Le premier effet, l'effet inévitable de la multiplication des valeurs est de les avilir : plus une marchandise abonde, plus elle perd à l'échange et se déprécie commercialement (Proudhon, Syst. contrad. écon.,t. 1, 1846, p. 62): 1. Le vieux n'en dormait plus. Cette terre que son père, son grand-père, avaient convoitée si fort et si durement gagnée! Cette terre possédée, gardée jalousement comme une femme à soi! La voir s'émietter ainsi dans les procès, se déprécier, passer aux bras d'un autre, d'un voisin, pour la moitié de son prix!
Zola, La Terre,1887, p. 330. 2. [Le suj. désigne une pers.] Rabaisser la valeur de (quelque chose), porter des jugements défavorables sur. L'un dépréciait la marchandise dont l'autre exaltait toutes les beautés (Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 159).Il dépréciait mon boulot pour me faire marner gratuitement (Céline, Mort à crédit,1936, p. 170): 2. Il s'était arrêté, il dépréciait la vache. Ça n'était pas bâti, ça manquait de reins, enfin un animal qui avait souffert et qu'on nourrirait deux ans à perte. Ensuite, il prétendit qu'elle était blessée au pied, ce qui n'était pas vrai.
Zola, La Terre,1887, p. 174. B.− P. métaph. ou au fig. [L'obj. désigne une chose concr. ou abstr., plus rarement une pers., en tant qu'elles ont une certaine valeur morale ou intellectuelle; le suj. désigne une pers.] Rabaisser (la valeur ou le mérite de); porter ou exprimer un jugement défavorable sur. Les enfants ont toujours une tendance soit à déprécier, soit à exalter leurs parents (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 771): 3. Après deux ou trois phrases banales, elle commença par déprécier légèrement ses convives, ce qui était le mettre au-dessus d'eux. Il ne manqua pas de dénigrer un peu les autres femmes, manière habile de lui adresser des compliments.
Flaubert, L'Éducation sentimentale,1869, p. 185. 4. Joanny, en l'écoutant, croyait voir l'envers de la vie. Les joies mondaines, la richesse, la gloire même, devenaient méprisables et insupportables. Elle remuait en lui tant de pensées, qu'il ne lui en voulait pas de déprécier les choses qu'il estimait le plus.
Larbaud, Fermina Marquez,1911, p. 113. − Emploi pronom. réfl. Abaisser soi-même sa propre valeur. Elle s'accusait elle-même, se dépréciait, se déniait toute valeur, et supprimait sa raison d'être, et ne se reconnaissait plus de vertu (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1077). Rem. On rencontre ds la docum. a) Le part. passé adj. déprécié, ée. Qui a perdu de sa valeur. Affluence d'une monnaie d'argent incommode et dépréciée (Doc. hist. contemp., 1876, p. 141). b) Le verbe trans. désapprécier. Anton. de apprécier. Désappréciant le moi, nous surestimons du même coup la situation à la hauteur de laquelle nous ne pouvons réussir à nous hausser (J. Vuillemin, Essai signif. mort, 1949, p. 216). Prononc. et Orth. : [depʀesje], (je) déprécie [depʀesi]. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1762 (Ac.). Empr. au b. lat. depretiare « déprécier » (cf. dépriser) écrit avec un c, p. anal. avec apprécier*; cf. aussi dépriser. Fréq. abs. littér. : 165. DÉR. Dépréciateur, trice, adj. et subst.(Personne) qui déprécie, qui a tendance à déprécier, rabaisser, dénigrer. Chenavard, qui est dépréciateur par excellence, a dit que c'était [le Natoire] une chose capitale (Balzac, Lettres Étr.,t. 3, 1850, p. 263).Aimons ceux qui admirent, évitons les détracteurs, les insulteurs, les dépréciateurs de profession (Amiel, Journal,1866, p. 95).− [depʀesjatœ:ʀ], fém. [-tʀis]. Ds Ac. 1932. − 1reattest. 1789 (Réimpression de l'Ancien Moniteur, II, 224 b d'apr. Th. Ranft ds Z. fr. Spr. Lit., t. 35, p. 135); du rad. de déprécier, suff. -(at)eur2*. − Fréq. abs. littér. : 5. |