| DÉMÉNAGER, verbe trans. A.− Emploi trans. Transporter ses meubles et affaires d'un logement que l'on quitte dans un autre où l'on s'installe. Il a déménagé tous ses meubles, tous ses livres (Ac.1835-1932) : 1. Comme un appartement vide aux sales plafonds,
Aux murs nus, écorchés par les clous des peintures,
D'où sont déménagés les meubles, les tentures,
Où le sol est jonché de paille et de chiffons,
Ainsi, dévasté par les destins, noirs bouffons,
Mon esprit s'est rempli d'échos, de clartés dures.
Cros, Le Coffret de santal,1873, p. 104. − P. ext. Déménager un meuble, une pièce. Vider (le meuble, la pièce) de tout ce qu'il contient; changer (le meuble) de place. Déménager une bibliothèque, un grenier. Brénugat passa deux longues journées à déménager ses meubles, à planter des clous dans les murs, à disposer des rayonnages (Duhamel, Désert Bièvres,1937, p. 121). − P. méton. de l'obj., fam. Déménager une maison. La vider de ses meubles, de ses éléments. Ainsi, on déménage la maison... on force les portes, on brise les serrures, on éventre des murs et des caisses... et tu n'entends rien? (Mirbeau, Journal femme ch.,1900, p. 367). B.− Emploi abs. 1. Changer de logement. Nous avons déménagé. La fin du terme approche, il faut penser à déménager (Ac.1835-1932).Laissant là sa petite maison, emportant ses meubles et son mari dérisoire, elle déménagea (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 78): 2. ... je suis mis en demeure, par justice, de déménager de Chaillot, où j'ai une bibliothèque de 4 000 volumes précieux et le mobilier fantastique dont on a tant causé, ...
Balzac, Correspondance,1839, p. 591. − Loc. fam. a) Déménager à la cloche de bois (cf. Ac. 1932).Partir furtivement et sans payer ,,en tamponnant la clochette d'éveil adaptée aux portes de beaucoup d'hôtels garnis`` (Larch. 1880). La duchesse croit toujours que les littérateurs vivent d'expédients, déménagent à la cloche de bois (Montherl., Pte Inf. Castille,1929, p. 588). b) Déménager par la cheminée. ,,Brûler ses meubles lorsqu'on a reçu congé`` (Delvau 1883). Rodolphe appelait cette manière de se chauffer, déménager par la cheminée (Murger, Scènes vie boh.,1851, p. 104). 2. P. ext. et fam. Quitter rapidement un lieu. Faire déménager qqn. Qu'est-ce que vous fichez encore là? Est-ce que je ne vous ai pas dit de déménager? Allez, allez, foutez-moi le camp et promptement (Courteline, Train 8 h 47,1888, 1repart., 6, p. 73). 3. Au fig. [Gén. au prés. avec valeur imperf.] Sa tête, sa raison déménage; il déménage. La raison quitte quelqu'un, il devient fou. Je sens que ma tête est faible, et que la raison pourrait déménager avant la fin du mois (About, Roi mont.,1857, p. 135): 3. ... lorsqu'ils le voyaient arriver, les bras ballants, l'air hébété, répondant à peine, comme envahi par un mal incurable. − Il baisse, il baisse, murmuraient-ils. À quarante-quatre ans, c'est inconcevable. La tête finira par déménager.
Zola, La Conquête de Plassans,1874, p. 1073. Rem. Selon les gramm. du xixes., déménager, en emploi abs., pouvait se construire avec les auxil. avoir et être selon qu'on voulait exprimer une action s'étant passée à l'époque dont on parle : Nous avons déménagé hier (Ac. 1835, 1878) ou qu'on voulait exprimer l'état résultant d'une action antérieurement accomplie. Vous êtes donc déménagée? − Oui, répondit Jeanne, depuis huit jours (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 164). L'usage actuel ne connaît plus guère dans ces cas que l'auxil. avoir. Prononc. et Orth. : [demenaʒe], (je) déménage [demena:ʒ]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. a) 1262 desmanagier trans. « porter hors de la maison » (Rutebeuf, La Complainte Rutebeuf, 92 ds
Œuvres complètes, éd. E. Faral, t. 1, p. 556), attest. isolée; 1611 desmenager « transporter (des objets) d'un logement dans un autre » (Cotgr.); b) 1764 déménager une maison (Voltaire, Jeannot et Colin ds Littré); 2. a) 1668 intrans. « changer de logement » (La Fontaine, Fables, III, 8 ds
Œuvres, éd. H. Régnier, t. 1, p. 227); b) 1694 « quitter (sous la contrainte) le lieu où l'on est » (Ac.); 3. 1798 déménager la tête (Comte Rœderer ds Fr. mod., t. 14, p. 53); 1808 « déraisonner (en parlant de la tête, de la raison) » (Hautel); 1835 « id. (d'une personne) » (Ac.). Dénom. de ménage*; préf. dé-*. Fréq. abs. littér. : 396 (déménageant : 13). Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 193, b) 936; xxes. : a) 621, b) 642. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 218. − Rog. 1965, p. 81. |