| DÉMARRER, verbe. A.− Emploi trans. 1. MAR. [L'obj. désigne un bateau, un canon] Détacher ce qui est amarré, notamment pour appareiller. Nous démarrâmes le canot plat et, le poussant avec des gaules au travers des tiges froissées (...), nous recueillîmes nos victuailles [du gibier d'eau] (Gide, Paludes,1895, p. 135).Démarrer un bâtiment, des canons (DG). − P. anal., fam. On avait un putain de boulot pour démarrer le matériel, sortir notre moteur du fourgon (Céline, Mort à crédit,1936, p. 572). − Emploi pronom. [En parlant d'un bateau] Rompre ses amarres. Le vent était si fort que plusieurs bâtiments se sont démarrés (Ac.1932). Rem. On relève un emploi métaph. du part. passé démarré. Qui s'en va après que les amarres ont été détachées. Sur un firmament de lait, de gros nuages démarrés s'en allaient à la dérive (Duhamel, Terre promise, 1934, p. 225). 2. P. ext. Mettre en mouvement un véhicule. Le cheval derrière lui démarra la longue voiture (Zola, Terre,1887, p. 125).Fréq. au xxes.Démarrer le moteur (d'une voiture), une voiture (cf. Rob.). − Mod., fig. et fam. Mettre en marche quelque chose, commencer. Démarrer une entreprise, une campagne électorale, une émission radiophonique : 1. L'apéritif X, encore inconnu et démarrant exclusivement sa publicité sur Radio-Luxembourg avec « L'Homme des vœux » a vu en quelques semaines ses stocks littéralement dévalisés...
Weinand, Qq. aspects de la public. radiophonique,1964, p. 24. Rem. Sens attesté ds DG, Rob., Dub. 1967. Lar. Lang. fr. ne mentionne que le fig. L'emploi trans. p. ext. relativement récent est condamné par les puristes − tout comme l'emploi trans. de débuter − mais est fréquemment relevé dans la presse parlée ou écrite (cf. Gilb. 1971, Dupré 1972). B.− Emploi intrans. 1. MAR. [Le suj. désigne un bateau] Quitter l'amarrage, sortir du port après avoir largué ses amarres. Le navire démarra par un beau temps (Ac.1798-1932).P. anal. Rompre ses amarres. Le vent était si fort que plusieurs bâtiments ont démarré (Ac.1835-1932) : 2. ... un ronflement infernal ébranlait les flancs du navire; puis un raclement de ferraille domina la dispute; l'ancre était levée; les oscillations s'amplifièrent; il y eut partout un brusque silence : le paquebot venait de démarrer, le paquebot s'élançait dans la nuit!
Martin du Gard, Les Thibault,La Mort du père, 1929, p. 1352. − P. ext., fam. [Gén. avec une négation] Démarrer de.Sortir d'une place, d'un lieu. Ne démarrez pas de là; depuis qu'il demeure dans cette maison, il n'en a pas démarré (Ac.1798-1932).Elle [Suzanne] s'entichait d'un ménage, elle ne démarrait plus de chez une des dames de la ville (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 18): 3. Cette fugacité des êtres qui ne sont pas connus de nous, qui nous forcent à démarrer de la vie habituelle où les femmes que nous fréquentons finissent par dévoiler leurs tares, nous met dans cet état de poursuite où rien n'arrête plus l'imagination.
Proust, À l'ombre des jeunes filles en fleurs,1918, p. 796. Rem. On relève un emploi fig. ds les dict. Ne pas démarrer d'une idée, d'un projet « ne pas en démordre » (cf. Lar. 19e-20e, Rob., Quillet 1965). 2. [Le suj. désigne un cheval attelé, une voiture hippomobile ou à moteur] Se mettre en marche, commencer à rouler. L'auto, le train, la voiture démarre; faire démarrer sa voiture. La voiture ne démarre pas. Coup de fouet; une ruade (Martin du G., J. Barois,1913, p. 450): 4. N'importe où vous allez − mettons dans une gare −
On vous dit : tel train part
À sept heures vingt-cinq, qui souvent ne démarre
Qu'à huit heures un quart.
Ponchon, La Muse au cabaret,Le Sens de l'heure, 1920, p. 127. − P. méton. [Le suj. désigne le conducteur de la voiture] Faire partir. Il s'installa, embraya, démarra, sans s'occuper de Julot, qui dut courir après la voiture (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 242).Démarrer au feu vert (Camus, Chute,1956, p. 1499). ♦ SP. Accélérer brusquement lors d'une course pour distancer ses adversaires (cf. démarrage ex. 2). 3. Au fig. a) Se mettre en action (cf. démarrage ex. 3). − [P. anal. avec un mécanisme qui se met en mouvement] Et voilà. Maintenant le ressort est bandé. Cela n'a plus qu'à se dérouler tout seul. C'est cela qui est commode dans la tragédie, on donne le petit coup de pouce pour que cela démarre (Anouilh, Antig.,1946, p. 165). b) Fam. Commencer à réussir, à acquérir de la notoriété. Démarrer doucement. Eh bien, dit Martine, te voilà dépanné. Tu vas démarrer en flèche maintenant (Queneau, Loin Rueil 1944 p 165) Prononc. et Orth. : [demaʀe], (je) démarre [dema:ʀ]. Ds Ac. 1694-1740 s.v. démarer; ds Ac. 1762-1932, sous la forme moderne. Étymol. et Hist. [Ca 1345 desamarrer « rompre les amarres (d'un bateau) » (Coutumier d'Oléron, éd. Ch. Bémont, p. 328)]. A. Verbe trans. 1. 1491 se desmarer « rompre ses amarres (d'un bateau) » ([Claude de Seyssel], Orose, vol. 1, fo138 ds Gdf. Compl.); 2. 1572 mar. demarer (Ronsard, La Franciade, 1202 ds
Œuvres complètes, éd. P. Laumonier, t. 16, p. 89); 3. a) 1694 « mettre en mouvement (une voiture, etc.) » (Ac.); b) 1927 « faire fonctionner (un moteur) » (Champly, Nouv. Encyclop. prat., t. 4, p. 167); 4. 1955 « commencer (une entreprise, un travail) » (Rob.). B. Verbe intrans. 1. 1546 desmarer mar. (Convention entre le comte d'Eu et les habitants du Tréport ds Jal); 2. 1623 démarrer de « partir de » (Sorel, Hist. comique de Francion, éd. E. Roy, t. 2, p. 207, 21); 3. a) ca 1820 « commencer à rouler (de tout moyen de locomotion) » (Joubert ds Dochez); b) 1905 « commencer à fonctionner (d'un moteur) » (Haton de La Goupillière, Exploitation mines, t. 2, p. 634); 4. 1933 au fig. « commencer à réussir » (Malègue, Augustin, t. 1, p. 107). Formé comme anton. d'amarrer*; préf. dé-*. Fréq. abs. littér. : 180. Bbg. Ac (L') fr. reprend la publ. de ses mises en garde. Déf. Lang. fr. 1973, no66, p. 4 − Conseils (Les) d'Hebdo-Langage. Ibid. 1973, no68, p. 3. − Georgin (R.). Contestations. Ibid. 1969, no47, pp. 4-6. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 64, 166. − Rog. 1965, p. 98. |