| DÉLAVER, verbe trans. A.− Emploi trans. 1. DESSIN. Enlever ou atténuer par l'effet de l'eau une couleur étendue sur papier ou sur toile. Délaver une aquarelle. Synon. décolorer. − P. ext. Enlever ou atténuer par l'effet d'une substance appropriée ou de l'eau atmosphérique (une couleur étendue sur toile ou donnée par la nature). Toute la plaine était vide, à travers une poussière d'eau qui délavait les formes proches, les silhouettes d'arbres isolés (Genevoix, Raboliot,1925, p. 98): 1. ... un beau portrait de Napoléon au pont d'Arcole par Gros, délavé dans cette huile couleur d'ambre qu'affectionnait le pinceau de Rubens, ...
Goncourt, Journal,1886, p. 619. Rem. On rencontre ds la docum. le subst. fém. délavure. Couleur, matière délavée. Liverdun. J'aime ce paysage où les délavures de la terre coulent à travers l'herbe des tons ocreux (Gide, Journal, 1906, p. 197). − P. métaph. : 2. Nous avons délavé nos malheureuses têtes
D'un tel fatras d'ordure et de raisonnement,
Nous voici désormais, ô reine des prophètes,
Plus clairs que l'eau du puits de l'Ancien Testament.
Péguy, La Tapisserie de Notre-Dame,1913, p. 691. − Au fig. Faire perdre de sa vigueur, amollir. Vous autres Français, vous ne comprenez pas la vertu d'un cœur du Tibre; l'eau de votre pays délave le cœur (Lamartine, Nouv. Confid.,1851, p. 222). 2. Imprégner d'eau, détremper. Il entassait sa fenaison pour qu'elle ne fût pas délavée par l'eau (Lamartine, Tailleur pierre,1851, p. 445): 3. ... le moindre mal qui puisse en résulter, [d'obstruer complètement le passage des eaux derrière le revêtement d'un souterrain] c'est qu'elles délavent le mortier avant sa prise complète...
Ch. Bricka, Cours de chemins de fer,t. 1, 1894, p. 203. B.− Emploi pronom. 1. À sens passif a) Perdre (de) sa couleur sous l'effet de l'humidité, de l'eau. Cette peinture qu'elles [les poulettes] se fourrent sur la bouche, les joues, les yeux, et qui se délave sous les baisers (R. Ikor ds Rob.Suppl.1970). b) S'imprégner d'eau. Ce procédé serait même utilisable pour des bétons immergés, le colgrout ne se délavant pas dans l'eau (J. Cléret de Langavant, Ciments et bétons,1953, p. 185). 2. Au sens réfl., rare. Se laver, se purifier, Ô gorgé d'amertume, Dégorge-toi, Souillé de cette écume, Délave-toi (Péguy, Quatrains,1914, p. 482). Prononc. et Orth. : [delave], (je) délave [dela:v]. Ds Ac. 1878 et 1932. Étymol. et Hist. a) 2emoitié xives. « laver, purifier » (E. Deschamps, Miroir de mariage, éd. G. Raynaud, 6516, t. 9, p. 213, v. aussi Gdf.) − 1522 se délaver « se laver les mains » (J. Bouchet, ibid.); b) 1622 « pâlir la couleur » (R. François, Merveilles de nature, Rouen, p. 251). Dér. de laver*; préf. dé-*; en a. fr. et m. fr. deslavé « qui n'a pas été lavé, sale » (ca 1180, A. de Paris, Alexandre, éd. in Elliott Monographs, branche IV, 1023). Fréq. abs. littér. : 6. DÉR. Délavage, subst. masc.a) Dessin, B.-A. Action d'enlever ou d'atténuer par l'effet de l'eau ou d'une substance appropriée; résultat de cette action. C'est peint, cela, pâlement, dans un délavage d'huile ambrée, où les couleurs ont quelque chose des couleurs amorties d'insectes pris dans un morceau d'ambre (Goncourt, Journal,1894, p. 590).P. métaph. La confession, qui porte ce nom grandiose de Sacrement de Pénitence, est devenue, dans le coulage et le délavage actuel du Christianisme, un vulnéraire... parfaitement incolore et neutre (Bloy, Le Désespéré,1886, p. 201).b) Technol. Action d'imprégner, fait de s'imprégner d'eau; résultat de cette action. Le ciment à la gaize est remarquablement gras, il donne des bétons et mortiers résistant aux délavages (Cléret de Langavant, Ciments et bétons,1953, p. 139).− [delava:ʒ]. Ds Ac. 1878 et 1932. − 1reattest. 1838 (Ac. Compl. 1842); de délaver, suff. -age*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Gohin 1903, p. 376. |