| DÉGUISER, verbe trans. I.− [À propos d'une pers. ou d'un trait (du comportement) hum.] A.− Transformer l'apparence extérieure à l'aide d'un costume − ou d'un élément de costume − de manière à (se) rendre méconnaissable. 1. [Notamment pour le carnaval, un bal masqué, etc.] (Se) vêtir d'un costume d'emprunt, d'un vêtement appartenant à une certaine époque, à une certaine catégorie professionnelle ou sociale, à un personnage imaginaire, etc. (Quasi-)synon. travestir.Ils se déguisèrent en moines de Saint François. Hélène (...) ainsi vêtue, semblait un jeune frère novice (Stendhal, Abbesse Castro,1839, p. 169).Au bal des jeunes : − Je me déguiserai en arbre de Noël (Barrès, Cahiers,t. 13, 1921-22, p. 214): 1. ... à la fin du carnaval, (...). Toute la ville se déguise, à peine reste-t-il aux fenêtres des spectateurs sans masque pour regarder ceux qui en ont; ...
Staël, Corinne,t. 2, 1807, p. 85. 2. SPECTACLES. (Se) vêtir d'un costume de scène adapté à un rôle, à un personnage : 2. m. de solanges. − C'est assez difficile d'improviser.
dormeuil. − Non, puisqu'on dit tout ce qui vous passe par la tête; mais il faut de bons costumes. Mon cousin de Courcelles, lui, se déguisait toujours si bien qu'on ne le reconnaissait pas. Il s'était chargé aussi de mettre le rouge aux dames qui jouaient; ...
Leclercq, Proverbes dram.,La Manie des proverbes, 1835, 2, p. 18. − P. ext. Transformer la physionomie d'un acteur, changer ses traits par un maquillage approprié au personnage qu'il s'agit de représenter. (Quasi-)synon. farder, maquiller.Le maquillage qui déguise nos figures (Colette, L'Envers du music-hall,1913, p. 60). 3. Fam., p. iron. [L'effet produit étant généralement involontaire] (Se) vêtir d'un vêtement bizarre, inadapté à la situation présente et qui produit un effet comique, enlaidit. (Quasi-)synon. (s')accoutrer*, (s')affubler.Il n'est pas de paysan qui ne soit assuré de lui-même par sa blouse bleue; mais s'il se déguise en citadin, nous voyons alors tout à fait autre chose (Alain, Propos,1923, p. 516): 3. ... Siegfried (...) de chacun de ses plongeons en Allemagne rapportait un vêtement qui le déguisait un peu plus. Lui, qui ne portait que du linge blanc, s'enveloppa d'un tricot mauve, d'un caleçon rose, de genouillères vert véronèse, s'armant pour je ne sais quel tournoi avec l'arc-en-ciel.
Giraudoux, Siegfried et le Limousin,1922, p. 98. − P. plaisant., arg. [P. allus. à la rapidité du cerf] Se déguiser (en cerf). Se déguiser en courant d'air. S'en aller rapidement, s'enfuir, disparaître. Là-dessus, je me déguise en courant d'air et je fous mon petit camp (Vercel, Cap. Conan,1934, p. 80). 4. Par affaiblissement. Cacher, dissimuler (volontairement ou involontairement) par un vêtement quelconque les caractéristiques physiques d'une personne, les formes du corps. Laissez-moi déguiser l'exiguïté de mes jambes sous le pantalon large (Karr, Sous tilleuls,1832, p. 12).La jupe, enflée encore sous les reins, déguisait les formes en les exagérant et voilait la réalité sous son image amplifiée (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 51). B.− P. métaph. ou au fig. 1. [Le suj. désigne gén. une pers. ou un mode d'expression] Cacher, transformer (généralement volontairement) un aspect de sa personnalité. Déguiser son ambition, son écriture, son énervement, le motif de. Les poltrons, qui chantent pour déguiser leur peur (Chamfort, Caract. et anecd.,1794, p. 147).Une voix au timbre enfantin qu'il cherchait à grossir pour la déguiser (Gautier, Fracasse,1863, p. 237): 4. ... l'amour, (...) n'est qu'un sentiment de plaisir. L'égoïsme est au fond de tout acte humain, de quelque apparence ou de quelque nom qu'on veuille le couvrir, et ces expressions superbes de dévouement, d'abnégation, d'immolation de soi-même, ne servent qu'à déguiser nos vrais penchans sous une pompe qui flatte notre orgueil.
Lacordaire, Conf. de Notre-Dame,1848, p. 181. − En partic. Déguiser (qqc.) du nom de, sous le nom de. (Quasi-)synon. décorer du nom de : 5. Celui qui déguise la tyrannie, la protection ou même les bienfaits, sous l'air et le nom de l'amitié, me rappelle ce prêtre scélérat qui empoisonnait dans une hostie.
Chamfort, Maximes et pensées,1794, p. 55. − Absol. (Savoir) déguiser. Jamais je ne déguise (...) Aussi, pour m'achever de peindre avec franchise, Je suis taquin, grondeur sans trop savoir pourquoi (É. Augier, La Ciguë,1844, p. 58). 2. Dissimuler, dénaturer, falsifier (une chose abstraite). a) [Le suj. désigne une pers.] Emploi pronom. Se déguiser qqc. Se cacher à soi-même une vérité. Il ne faut pas se le déguiser, les grands états ont de grands désavantages (Constant, Esprit conquête,1813, p. 174). b) [Le suj. désigne une chose] L'argot n'est autre chose qu'un vestiaire où la langue, (...) se déguise. Elle s'y revêt de mots masques et de métaphores haillons (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 193).L'amour des faibles déguise un besoin de domination très primitif (Mounier, Traité caract.,1946, p. 512): 6. Dans cette mascarade immense des vivants
Nul ne parle à son gré ni ne marche à sa guise;
Faite pour révéler, la parole déguise,
Et la face n'est plus qu'un masque aux traits savants.
Sully Prudhomme, Les Solitudes,Dernière solitude, 1869, p. 109. II.− P. anal. [À propos d'une chose concr.] (Se) cacher sous une apparence, généralement plus flatteuse que l'apparence habituelle. Le jeune architecte avait eu l'honnêteté et le courage de ne pas le [le fer] déguiser sous une couche de badigeon, imitant la pierre ou le bois (Zola, Bonh. dames,1883, p. 626).Planches qui se déguisent en marbre (Colette, La Jumelle noire,1938, p. 45). − Spéc., ART CULIN. ♦ CONFISERIE. La pomme se déguise en beau fruit déguisé (Prévert, Paroles,1946, p. 280).P. métaph. La vie est quelque chose de si abominable qu'il faut la déguiser pour l'avaler. Si on ne la sucre pas avec une drogue extraordinaire, le cœur vous manque! (Flaub., Corresp.,1878, p. 105). ♦ GASTR. Plusieurs viandes (...), qu'un cuistot (...), déguisait sous des sauces savamment immondes (Vercors, Silence mer,1942, p. 15). Prononc. et Orth. : [degize], (je me) déguise [degi:z]. Ds Ac. 1694 sous l'anc. forme desguiser; ds Ac. 1718 sous cette forme et sous la forme mod.; ds Ac. 1740-1932 uniquement sous la forme moderne. Étymol. et Hist. 1155 soi desguiser « changer ses vêtements, son aspect de manière à se rendre méconnaissable » (Wace, Brut, éd. I. Arnold, 12263); 1553 p. métaph. déguiser [sa vie] (P. de Ronsard, Elegie à M. A. de Muret, éd. P. Laumonier, V, p. 230, 120). Dér. de guise*; préf. dé-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 573. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 255, b) 809; xxes. : a) 409, b) 684. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 273. − Walt. 1885, p. 100. |