| DÉFAILLANCE, subst. fém. A.− [Le compl. prép. désigne un inanimé concr.] Absence, déperdition d'une chose. MmeBertrand avait pris le parti de s'installer de son côté, avec sa fille, ce qui certainement amenait une grande défaillance de budget (Gide, Si le grain,1924, p. 480). − En partic. Disparition momentanée des manifestations habituelles d'un phénomène physique généralement cyclique. Celui qui vit de lumière (...) qui est plus intimement associé aux défaillances, aux éclipses du jour, à ses résurrections (Michelet, Oiseau,1856, p. 132): 1. Mais le soleil, sujet à de capricieuses absences, néglige souvent de notifier ses commandements : il n'est pas là pendant la nuit, il n'est pas là aux jours de brume. Les hommes ont donc été dans l'obligation de mesurer le temps et de définir les heures par des expédients, propres à suppléer aux défaillances de l'astre régulateur.
Faral, La Vie quotidienne au temps de St Louis,1942, p. 20. B.− [Le compl. prép. désigne une pers., p. méton. une partie du corps, un trait de caractère, une qualité intellectuelle ou mor.] 1. [À propos de la nature physique d'une pers.] a) Amoindrissement ou interruption des fonctions d'un organe, d'un organisme, ayant généralement des causes pathologiques. La santé est de beaucoup dans la carrière d'un homme (...) cette force du corps sans défaillance (Goncourt, Journal,1863, p. 1334). b) Spéc., MÉD. Défaillance du cœur, défaillance cardiaque (cf. anesthésie ex. 1).(Quasi-)synon. insuffisance cardiaque (d'apr. Méd. Biol. t. 1 1970). − P. méton. Ralentissement soudain, plus ou moins marqué, du rythme cardiaque, constituant le premier degré de la syncope et s'accompagnant d'une diminution de la respiration, d'une perte de conscience. (Quasi-) synon. évanouissement, syncope.Les jambes allongées, la tête appuyée au dossier, les mains pendantes, le visage pâle, les yeux hébétés, absolument comme s'il allait tomber en défaillance (Balzac, Splend. et mis.,1847, p. 489).Lisa a une sorte de défaillance. (...) elle s'évanouit (Camus, Possédés,1959, p. 1094). 2. [À propos de la vie mor. et intellectuelle d'une pers.] a) Affaiblissement ou disparition d'une qualité d'ordre intellectuel, moral ou affectif. Défaillances morales; soudaine défaillance; défaillance(s) de l'âme, (la) mémoire, la nature humaine; tomber en défaillance. (Quasi-)synon. s'affaiblir, disparaître.C'est alors qu'on en veut à cette cruelle espérance (...) que tout projet de félicité s'évanouit et que toute idée de bonheur tombe en défaillance (Chênedollé, Journal,1804, p. 6).Ce ministre étrange, qui donc l'avait choisi, ou plutôt subi par défaillance de volonté (Clemenceau, Vers réparation,1899, p. 259): 2. C'est justement de ne rien vouloir, de ne rien faire que de petit, c'est d'une défaillance de désir et d'amour qui ne supprime point son orgueilleuse susceptibilité, c'est de vouloir et de ne pas faire qu'il est coupable.
Blondel, L'Action,1893, p. 368. b) P. ext., absol. Relâchement ou abandon de l'ensemble des forces morales d'une personne, se traduisant par une attitude de défaitisme, de renoncement. Moment(s) de défaillance. Pascal eut une heure de défaillance, de désespérance absolue. Il se demandait à quoi bon lutter (Zola, DrPascal,1893, p. 99).Sa tristesse (...) son sentiment de faiblesse et de défaillance l'ont amenée à prendre de mauvaises habitudes (Janet, Obsess. et psychasth.,1903, p. 106): 3. Mais il arrive aussi quelquefois que la défaillance est générale, c'est-à-dire que le pouvoir personnel abdique entièrement, et lâche en même temps les rênes à toutes nos facultés.
T. Jouffroy, Mél. philos.,1833, p. 251. − P. méton. Erreur, faute commise sous l'effet d'un relâchement ou d'un abandon des forces morales. Tes faiblesses, tes défaillances, tes ennuis, tes fautes (Amiel, Journal,1866, p. 427).Elle céda et fut profondément dégoûtée. (...) elle raconta à ses camarades sa défaillance, qu'elle regrettait (Huysmans, Marthe,1876, p. 27). C.− [Le compl. désigne des productions de l'activité hum.] 1. [Le compl. désigne une machine, un instrument] Perte (momentanée ou non) des qualités requises pour remplir une fonction. Défaillance mécanique. Défaillance du train au milieu de la côte (Romains, Vie unan.,1908, p. 211).De telles machines (...) sont incapables de la moindre défaillance, de la moindre erreur (Admin. P. et T.,1964, p. 41). − P. plais. Nous dansions sur les défaillances d'une clarinette (Sagan, Bonjour tristesse,1954, p. 48). 2. [Le compl. désigne une instit., un système soc.] Perte d'efficacité nuisant à la bonne marche de l'entreprise; erreur, faute commise à la suite de cette perte d'efficacité. L'ordonnancement des opérations de la paye, dont la moindre défaillance risque de se réfléchir sur le comportement du personnel (Villemer, Organ. industr.,1947, p. 170).On pourrait (...) déplorer (...) d'inadmissibles défaillances dans le système hôtelier (Le Figaro,19-20 janv. 1952, p. 8, col. 3). 3. [Le compl. désigne une œuvre littér. ou artistique] Point faible ou baisse de qualité d'une œuvre. Ce vaste roman [La guerre et la paix] n'a pas une défaillance. Chaque personnage est saisi dans son épaisseur humaine, son individualité bien marquée (Chardonne, Ciel,1959, p. 174): 4. Mais qu'arrive l'art romain, que se perde ce sens aigu de la qualité pour ne plus subsister que le principe de l'imitation, aboutissant au naturalisme, ou celui de la correction formelle, menant à l'académisme, et l'art occidental connaîtra sa première défaillance devant les dangers qui le guettent.
Huyghe, Dialogue avec le visible,1955, p. 242. Rem. On rencontre dans la docum. défaillement, subst. masc. Synon. de défaillance. Je me souviens du défaillement que j'eus le premier jour, quand (...) je m'aperçus qu'il n'avait pas de main droite (Gide, Journal, 1915, p. 525). Attesté aussi ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Littré, Guérin 1892, Lar. 19e, Lar. Lang. fr., Quillet. Prononc. et Orth. : [defajɑ
̃:s]. Ds Ac. 1694, s.v. deffaillance; ds Ac. 1718-1932 sous la forme mod. (cf. dé-1). Étymol. et Hist. Ca 1190 défailance « manque, défaut » (Sermons St Bernard, 113, 14 ds T.-L.); 1540 « perte subite des forces physiques » (N. Herberay des Essars, Amadis de Gaule, éd. H. Vaganay, 67). Dér. de défaillir*; suff. -ance*. Fréq. abs. littér. : 794. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 348, b) 1 008; xxes. : a) 1 590, b) 1 582. |