| DÉCOURAGER, verbe trans. A.− Décourager qqn.Abattre l'énergie physique ou morale. Que de fois ailleurs je l'ai entendue, cette chanson! Mais pourquoi ce soir me décourage-t-elle? (Barrès, Jardin Bérén.,1891, p. 139): 1. Conan s'ennuie. (...) Parfois il se lève, s'en va à la fenêtre, fixe longuement la rue vide et revient à mon bureau brouiller mes papiers d'un doigt dégoûté et las. Il sait mettre dans tous ses gestes une veulerie telle, il en rayonne une telle puissance de flemme qu'il décourage même mon gendarme, cependant zélé.
Vercel, Capitaine Conan,1934, p. 173. − Expr. Se laisser décourager. Je ne me laisserai pas décourager par les paroles impies de cet enfant du siècle (Sand, Lélia,1833, p. 277): 2. Visite attendue de François Berthault, toujours très sympathique et qui travaille sans se laisser décourager par le très petit nombre de lecteurs obtenus en six ans, et qui ne paraît pas disposé à se laisser exploiter par la vie littéraire.
Larbaud, Journal,1931, p. 252. − Emploi pronom. réfl. Perdre courage. Un des médecins français (...) est mort victime de son dévouement. Les autres ne se découragent pas et redoublent de zèle (Latouche, L'Héritier, Lettres amans,1821, p. 142). − Emploi abs. Ôter tout courage. Dans l'existence nomade que je mène, il y a quelque chose de sublime qui exalte et décourage à la fois (Tharaud, Fête arabe,1912, p. 274). B.− Décourager qqn de qqc.Ôter l'envie, le désir d'entreprendre une action, de gagner quelque chose. Synon. dégoûter de, dissuader de.Un certain bavardage indolent use l'esprit et décourage des efforts énergiques (Staël, Allemagne,t. 1, 1810, p. 139): 3. Été au cimetière Montmartre. C'est une mélancolie qui tombe presque aussitôt dans le vaudeville par le niais bourgeois de la douleur. − Rien ne vous décourage de l'immortalité comme cet exemple de la mort. L'on se sent gagné de l'indifférence pour la survie de son nom...
Goncourt, Journal,1855, p. 210. C.− Décourager qqc. 1. User, détruire, supprimer un acte de volonté, un sentiment, un trait de caractère. Il y a tant d'êtres en ce monde qui ne songent pas à autre chose qu'à décourager le divin dans leur âme (Maeterlinck, Trésor humbles,1896, p. 208).Avec une impétuosité de goujatisme qui décourage notre admiration (Bloy, Journal,1902, p. 83): 4. ... le jeune Stamply se montra on ne peut plus rebelle aux bienfaits de l'éducation (...) Il découragea successivement la patience de trois précepteurs, qui, de guerre lasse, lâchèrent la partie après y avoir perdu leur latin. Découragé lui-même, le père Stamply se décida à placer son fils dans un des lycées de Paris...
Sandeau, Mllede La Seiglière,1848, p. 12. 2. Arrêter le développement, l'essor d'un mouvement, d'une action. Synon. empêcher : 5. ... ici qui se sent la force de lutter? On escalade des rochers, on ne peut pas toujours piétiner dans la boue. Ici tout décourage le vol en droite ligne d'un esprit qui tend à l'avenir.
Balzac, Louis Lambert,1832, p. 126. Rem. On rencontre ds la docum. l'adj. décourageable. Qui se laisse décourager, qui renonce facilement à tout effort, tout espoir. À petites doses, je mettais au courant ma mère, des réflexions que je récoltais, que ça me semblait pas très brillant toutes mes perspectives... Elle était pas décourageable... Elle faisait maintenant des autres projets, pour elle-même alors, pour une entreprise toute nouvelle, toujours beaucoup plus laborieuse (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 361). Prononc. et Orth. : [dekuʀaʒe], (je) décourage [dekuʀa:ʒ]. Ds Ac. 1694-1932. Fait partie des verbes qui, devant o, a dans la conjug., intercalent e pour conserver la prononc. [ʒ] : nous décourageons, il découragea. Étymol. et Hist. 1165-70 descoragier (B. de Ste-Maure, Troie, 16241 ds T.-L.). Dér. de courage*; préf. dé-*; dés. -er. Fréq. abs. littér. : 696. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 892, b) 976; xxes. : a) 1 067, b) 1 033. Bbg. Pauli 1921, p. 82 (s.v. décourageur). − Quem. 2es. t. 3 1972 (s.v. décourageable). |