| DÉCOUPER, verbe trans. A.− [Le compl. désigne un obj. considéré comme un tout] 1. Couper en morceaux généralement suivant certaines règles. Découper un gâteau, un poulet, de la viande; découper du carton, une étoffe; découper en lanières, en tranches. Ce Joseph découpe un canard comme s'il jouait du violon (Renard, Journal,1898, p. 476). − Absol. Couteau, planche à découper : 1. La bonne apportait un morceau de veau rôti. De ses mains tremblantes, il découpa; et il n'avait plus son coup d'œil juste, son autorité à peser les parts.
Zola, Au Bonheur des dames,1883, p. 591. 2. Spéc. Façonner, travailler une matière ou un objet à l'aide d'un instrument tranchant : 2. Il occupait ses loisirs à découper, au moyen d'une fine scie mécanique, des couvercles de boîtes à cigares. Il en faisait des horloges, des coffrets, des jardinières, toutes sortes de petits meubles étranges.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, L'Héritage, 1884, p. 526. 3. Au fig. Diviser en plusieurs parties ce qui a une continuité dans l'espace ou le temps, ce qui constitue un ensemble concret ou abstrait. Je considère comme impossible de découper ce livre en feuilletons (Hugo, Corresp.,1866, p. 531).De petits ports intérieurs découpent les ports principaux (Flaub., Tentation,1874, p. 22): 3. Toute matière historique peut être distribuée suivant trois espèces d'ordres différents : l'ordre chronologique (ordre des temps), − l'ordre géographique (ordre des lieux, qui souvent coïncide avec l'ordre des nations), − l'ordre des espèces d'actes appelé d'ordinaire ordre logique. Il est impossible de suivre exclusivement l'un de ces ordres : dans tout exposé chronologique il faut découper des tranches géographiques ou logiques, passer d'un pays à l'autre et d'une espèce de faits à une autre et inversement.
Langlois, Seignobos, Introd. aux ét. hist.,1898, p. 203. − Emploi pronom. Elle [une fontaine] se partage en deux nappes, et se découpe, se fend en franges vacillantes et minces comme l'air (Baudel., Salon,1845, p. 17). B.− [Le compl. désigne une partie d'un tout] 1. Détacher une partie d'un tout en coupant. Découper une aile de poulet, un article de journal. Ces trois mots, l'expéditeur inconnu avait pu les découper d'un bloc dans le journal (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 432). − P. métaph. Une scène est un tout indivisible où l'on ne peut découper des termes, isoler des rapports que par abstraction (Marcel, Journal,1919, p. 191). 2. Dégager une chose d'un ensemble en la coupant suivant un contour précis. Découper des images, un patron. Le drapeau américain lui a donné beaucoup de mal, à cause des étoiles qu'elle a été obligée de découper dans une robe (Green, Journal,1945, p. 233). 3. Au fig. Faire apparaître une forme avec des contours nets (comme détachée d'un ensemble par ailleurs uniforme) : 4. ... les mâts et les vergues découpaient leurs grandes lignes sur le ciel de la nuit; les étoiles étaient voilées, l'air calme et lourd, la mer inerte. Les mornes de Moorea dessinaient en noir sur l'eau leurs silhouettes renversées; ...
Loti, Le Mariage de Loti,1882, p. 170. ♦ Abstr. Une imagination trop forte particulièrement (dans le même sens qu'on dit une vue ou une lunette trop forte) détache, découpe trop les objets, les rapproche et les tire à soi dans une saillie qui éblouit, qui offense parfois le regard plutôt que de le reposer et de le réjouir (Sainte-Beuve, Chateaubriand et son groupe littér. sous l'Empire, t. 1, 1860, p. 208). − Emploi pronom. Apparaître avec des contours nets. Synon. se détacher.Dans la pénombre, sur l'oreiller blanc, son profil de prince persan se découpait avec la finesse d'une matière ciselée (Martin du G., Confid. afric.,1931, p. 1108). Rem. On rencontre ds la docum. a) Découpailler, verbe trans., néol. Découper en petits morceaux. Pour redonner aux clients le goût du ciselé, j'aurais découpaillé la lune (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 194). b) Découpoir, subst. masc., technol. Instrument servant à découper. La pointe-guide et le découpoir montant régulièrement pendant que le modèle et le bloc tournent sur eux-mêmes (Nosban, Manuel menuisier, t. 2, 1857, p. 240). Prononc. et Orth. : [dekupe], (je) découpe [dekup]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Ca 1150 descolper « couper en morceaux » (Wace, St Nicolas, éd. E. Ronsjö, 1139); 1811 absol. « trancher (de la viande) » (Jouy, Hermite, t. 1, p. 219); 1917 cin. (Le Film, 26 nov. ds Giraud); 2. a) début xiiies. adj, cauces decaupees (Amadas et Ydoine, éd. J. R. Reinhard, 3757); ca 1268 decauper « couper régulièrement en suivant un tracé » (E. Boileau, Métiers, 298 ds T.-L.); 1814 bot. adj. feuille découpée (Nysten); 1814 « dont le contour présente des entailles nombreuses (d'une côte, d'un sommet) » (Bern. de St-P., Harm. nat., p. 171); b) 1694 découper une image, une figure (Ac.); 3. 1836 « détacher en coupant (une aile de poulet, etc.) » (Balzac, Corresp., p. 100); 4. 1803 se découper « se détacher sur un fond avec des contours nets » (Chateaub., Génie, t. 2, p. 157); 1826 découper « détacher, profiler sur un fond » (Hugo, Bug-Jargal, p. 94); 5. 1877 « effectuer le découpage d'une pièce métallique » (A. Brongniart, Traité des arts céramiques, p. 125). Dér. de couper*; préf. dé-*. Fréq. abs. littér. : 766. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 482, b) 1 499; xxes. : a) 1 554, b) 1 105. Bbg. Darm. 1877, p. 113 (s.v. découpoir). − Uren (O.). Le Vocab. du cin. fr. Fr. mod. 1952, t. 20, p. 207. |