| DÉCOLORER, verbe trans. A.− Priver de couleur; altérer, affadir les couleurs. Le séjour (...) d'une feuille dans l'alcool décolore complètement les chloroplastes (Plantefol, Bot. et biol. végét.,t. 1, 1931, p. 49).Ce que je reproche à l'été, c'est son impitoyable lumière qui décolore tout ce qu'elle touche (Green, Journal,1934, p. 233). − Emploi pronom. Perdre sa couleur, pâlir. Les lèvres se décoloraient, passaient à un rose blême (Zola, DrPascal,1893, p. 215).Le saphir se décolore par l'action de la chaleur (Lapparent, Minér.,1899, p. 508): 1. ... je suis arrivé ici à l'heure où la nuit se décolore autour d'une poignée d'étoiles tandis que le désert fonce un peu.
Camus, L'Exil et le Royaume,1957, p. 1589. ♦ [Avec un pron. réfl. indir. remplaçant l'adj. poss. lorsque l'obj. dir. désigne une partie du corps] Se décolorer les cheveux. Rem. Attesté ds Rob., Lar. Lang. fr. B.− Au fig. 1. Altérer, modifier la couleur de quelque chose. Mon imagination colorait et décolorait quelquefois mes illusions (Staël, Corinne,t. 2, 1807, p. 410). 2. Priver de beauté, d'éclat; priver de signification. Mes jours, que le deuil décolore, Glissent avant d'être comptés (Lamart., Harm.,1830, p. 426): 2. L'âge d'innocence a sa poésie, l'âge mûr a la sienne, et telle est la supériorité de celle-ci, qu'en se révélant à nous, elle flétrit, elle décolore, elle anéantit le charme de la première.
Jouffroy, Mél. philos.,1833, p. 320. − Emploi pronom. Perdre son éclat. Tous les événements de l'existence qui, autrefois, resplendissaient à mes yeux comme des aurores, me semblent se décolorer (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Suicides, 1883, p. 824). − En partic., dans les domaines de l'expr. artistique. Décolorer le style. ♦ Emploi pronom. Toutes les expressions d'Homère se décolorent et deviennent froides, muettes et sourdes (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 487): 3. ... restituer leur sens plein à quelques mots français, comme droiture et probité, que nous avons laissé se décolorer dans le magasin des accessoires romantiques!
Martin du Gard, Jean Barois,1913, p. 326. Prononc. et Orth. : [dekɔlɔ
ʀe], (je) décolore [dekɔlɔ:ʀ]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1100 desculurez « qui a perdu ses couleurs » (Roland, éd. J. Bédier, 2218); 1165-70 pronom. « pâlir » (Chrétien de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 535); 1520 decolorer (Michel de Tours, trad. de Suétone, II, 57 rods Hug.); 1792 propriété décolorante (Annales de chimie, t. 13, p. 223); 1890 subst. un décolorant (DG). Dér. de colorer*; préf. dé-*; la forme mod. décolorer est prob. refaite sur le lat. decolorare « décolorer ». Fréq. abs. littér. : 108. |