| DURANT, prép.;DURANT QUE, loc. conj. I.− Durant, prép. de temps, antéposée ou, plus rarement, postposée. A.− Cour., lang. soutenue [Fonction sémantique du groupe nominal] Durant + subst. (ou substitut de subst.) compl. circ. de durée.Marque le cadre temporel à l'intérieur duquel se situe un procès. 1. [Il exprime la durée sur laquelle s'étend un procès] Tout au long de (l'espace de temps), pendant toute la durée de. a) [Il exprime la durée continue couverte par le déroulement d'un procès se prolongeant en état (l'idée dominante est celle de continuité)]
α) Durant + subst. exprimant un espace de temps.[Le subst. est accompagné d'un déterminatif déf.] . Durant l'été, l'hiver; durant cette heure de..., ce jour de..., ce temps de..., etc. Durant les longues heures de l'étude (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 185).Durant cette heure de tête-à-tête avec lui (Abellio, Pacifiques,1946, p. 39): 1. Je suis l'enfant de l'air, un sylphe, moins qu'un rêve,
Fils du printemps qui naît, du matin qui se lève,
L'hôte du clair foyer durant les nuits d'hiver ...
Hugo, Odes et ballades,Le Sylphe, 1828, p. 440. − [Le subst. est accompagné d'un quantificateur précis] Durant une heure, un an, un bon quart d'heure; et cela durant une dizaine d'années. Durant les quatre années de mon pèlerinage, je crois avoir parcouru près de 600 milles (Crèvecœur, Voyage,t. 2, 1801, p. 248).Bénissant Dieu de se voir mourir dans la maison des saints où il avait vécu durant trente-sept ans (Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 4, 1859, p. 231). − [Le subst. est accompagné d'un quantificateur vague] Durant des années, durant quelque temps. Elle se perdait ainsi durant des jours dans ses rêves (Renan, Souv. enf.,1883, p. 44): 2. Chaque jour, Costals ne pensait que durant quelques instants à ce mariage, au réveil, et puis il en quittait l'idée comme on dépose un fardeau trop lourd, ajournant de décider quoi que ce fût.
Montherlant, Le Démon du bien,1937, p. 1257. − [Le subst. est accompagné d'un déterminatif exprimant la totalité] ♦ Subst. au sing. Durant (toute) la journée, (tout) le jour, (toute) la nuit, (toute) la soirée. Durant toute la matinée du 1erseptembre, la 5earmée continua de me préoccuper vivement (Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 360). ♦ Subst. au plur. Durant x mois entiers, des nuits entières : 3. ... et il [Hippolyte] nageait à sec sur le carreau en se débattant et en se lamentant. Pour les enfants ces jeux-là sont tout un drame, toute une fiction scénique (...) qu'ils miment et rêvent durant des heures entières, et dont l'illusion les gagne et les saisit véritablement.
Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 251.
β) Durant + subst. (de forme ou de valeur déverbale et durative) désignantDurant + subst. (de forme ou de valeur déverbale et durative) désignant une action.Durant (tout) le repas, la messe, la cérémonie, la scène, le sommeil, la bataille. Corrections faites durant les répétitions (Balzac, Corresp.,1842, p. 440).Durant + subst. (de forme ou de valeur déverbale et durative) désignant un état ou une situation.Durant le séjour, sa convalescence, sa captivité : 4. Du côté de Fine, qui nous manifestait une trop vive sympathie et qui, selon notre mère, avait, durant son absence, scandaleusement dilapidé le contenu de ses armoires, Folcoche tenta vainement une diversion.
H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 132. Durant + subst. (de forme ou de valeur déverbale et durative) désignant un phénomène.Durant l'orage, la sécheresse. Les eaux, durant la crue, viennent battre le pied des murs, paraît-il (Gide, Retour du Tchad,1928, p. 872):5. ... il [l'Isard] gagne un de ces plateaux étroits, en pente à la base des pics, au midi, où l'épaisseur de l'aiguille empêche la neige d'être fouettée, et il se gare durant toute la tourmente.
Pesquidoux, Chez nous,1921, p. 33. b) [Il exprime le cadre de l'itération d'un procès; l'idée dominante est celle de répétition, de fréquence, d'habitude] Durant vingt ans, à chaque sonnerie du facteur, M. de Coantré avait vu une onde d'anxiété passer sur le visage de sa mère (Montherl., Célibataires,1934, p. 785): 6. C'est dans cet endroit que, durant près de dix-huit mois, j'ai joui de la satisfaction inappréciable d'assister régulièrement deux fois la semaine à des séances si précieuses (...) par la présence de l'Empereur...
Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 803. 2. [Il exprime l'espace de temps au cours duquel survient, se manifeste, a lieu un procès] Au cours de, à l'époque de, pendant la période de. a) Durant + subst. déterminé désignant une période, un espace de temps.Durant la guerre, la Révolution, le XVIIesiècle, le tertiaire, l'ère victorienne. Durant cette révolution [la Fronde] on vivait dans la rue comme en 1792 (Chateaubr., Vie de Rancé,1844, p. 29). b) Durant + subst. exprimant un procès d'aspect duratif ou l'espace-temps où se situe l'action principale.J'entrepris un long voyage, durant lequel je passai dans ce village dont vous m'avez parlé hier (Genlis, Chev. Cygne, t. 2, 1795, p. 35).En partic. [Dans une phrase négative ou restrictive (p. ex. avec ne ... pas, ne ... que)] Cf. aussi de1exprimant la durée : de ma vie je n'ai tant ri.Philippe Auguste se crut assez puissant pour n'avoir pas besoin durant sa vie de présenter au sacre son fils Louis VIII (Chateaubr., Ét. ou Discours hist.,t. 3, 1831, p. 293).Elle se trouvait dans cette pièce où elle n'avait pénétré qu'une seule fois durant sa vie (Mauriac, Myst. Frontenac,1933, p. 279). − [Le subst. exprime notamment]
α) [Une distance parcourue ou à parcourir] Sur une étendue de, un parcours de, une longueur de. Durant (tout) le chemin, le trajet, le voyage, la traversée, (x) kilomètres, des lieues. Ils échangèrent peu de paroles durant la route (Theuriet, Mais. deux barbeaux,1879, p. 147).Ils marchèrent donc en cahotant durant une cinquantaine de mètres (Montherl., Pitié femmes,1936, p. 1165): 7. Tous les cent mètres, une barrière à bascule, dont les poids sont remplacés par de grosses pierres. Elles portent, peintes en blanc, les initiales du propriétaire, et ces initiales, qui sont souvent les mêmes durant des kilomètres, nous rappellent que nous sommes ici en terre quasi féodale.
H. Bazin, Vipère au poing,1948, p. 141.
β) [L'étendue d'un texte, d'une énonciation écrite ou orale (lang. soutenue)] Durant (tout) le récit, le dialogue; (x) pages, des pages. Restait « l'article de l'utilité ». Il en dissertait durant cinq pages (Guéhenno, Jean-Jacques,1950, p. 230): 8. Tous les mouvements par lesquels passait l'homme avant de commettre son acte, et la technique de cet acte, étaient minutieusement décrits, durant une soixantaine de pages.
Montherlant, Pitié pour les femmes,1936, p. 1131. B.− [Construction de la préposition et du groupe nominal qu'il commande] 1. [La préposition à l'intérieur du syntagme nominal] a) [Durant peut se combiner avec un adverbe de temps (rare).] Durant longtemps. « I can't speak english » est la seule phrase que durant longtemps je pus dire (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1190). b) [Durant peut alterner, en variante stylistique]
α) [avec pendant (concomitance). ] Pendant la paix/ durant la guerre. Ils trouvaient en lui un arbitre pendant la paix, et un chef durant la guerre (Chateaubr., Essai Révol.,t. 1, 1797, p. 283, 284): 9. Pendant quelques mois (et non durant deux ou trois années) Jean-Jacques habita chez son oncle. C'est dans cet intervalle sans doute qu'il faut placer ses premières amours, celles pour la petite MlleGoton...
Guéhenno, Jean-Jacques,1948, préf., p. 30.
β) [avec la construction non prépositionnelle :] 10. Ma retraite favorite, lorsque je voulois méditer durant le jour, étoit la cabane grillée du grand mât de notre navire (...) La nuit, renfermé dans ma couche étroite, je prêtois l'oreille au bruit de l'eau qui couloit le long du bord...
Chateaubriand, Les Natchez,1826, p. 228. 2. [Place de la préposition] a) [Sa place normale est l'antéposition; celle-ci est obligatoire lorsque durant se combine avec un pronom, en particulier un pronom relatif] J'ai laissé passer une semaine, durant laquelle je me suis répété cent fois : « À quoi bon ressusciter ce passé? (Bourget, Actes suivent,1926, p. 20).Le génie ne s'amena que quatre jours plus tard, durant lesquels l'artillerie allemande eut tout le temps de faire sauter ledit pont (Gide, Journal,1944, p. 266). b) [Cas de postposition] Dans un nombre limité de cas la postposition marque avec insistance la durée où l'itération continue, la simultanéité complète.
α) [La postposition souligne la durée ininterrompue d'un procès, d'un état] Pendant toute la durée de. − [Le subst. exprimant un espace de temps et déterminé par un quantificateur précis] Une heure, une semaine durant, deux mois durant. [Action.] Ce chaste couple, qui avoit, vingt ans durant, cheminé dans le même sentier (Balzac, Annette,t. 1, 1824, p. 21).On m'a bistourisé les deux bras, une pleine demi-heure durant (Gide, Journal,1941, p. 103).[État.] Huit jours durant l'intrépide Tartarin ne quitta pas la ville haute (A. Daudet, Tartarin de Tarascon,1872, p. 82).Ils étaient tous les deux restés isolés dans un coin un bon quart d'heure durant (Abellio, Pacifiques,1946, p. 234). ♦ [par un art. ou adj. indéf.] Des heures durant. Il m'est arrivé − des trimestres durant − de ne pas me déshabiller (Vallès, Réfract.,1865, p. 51). − Syntagmes fréq. [apr. vocab. de la division du temps; apr. vie] La nuit durant, ma vie durant. Il fit vœu (...) d'observer le maigre tous les mercredis et de déjeuner à l'eau tous les vendredis et les samedis, sa vie durant (France, J. d'Arc,t. 1, 1908, p. 177). ♦ Vieilli. La basse-cour, où remuaient tout le jour durant des troupeaux de poules (Fromentin, Dominique,1863, p. 19).
β) [La construction exprime le cadre temporel d'une itération régulière et sans faille] − [L'itération peut être précisée par le contexte] Plus riche celui-là qui peine l'année durant contre le roc et brûle une fois l'an le fruit de son travail pour en tirer l'éclat de lumière, que celui-là qui tous les jours reçoit, venus d'ailleurs, des fruits qui n'ont rien exigé de lui (Saint-Exupéry, Citad.,1944, p. 755). Rem. On rencontre chez Chateaubr. durant postposé et accordé avec le subst. comme un adj. var. Dans une autre vie une séparation qui me tue, n'en continuera pas moins l'éternité durante (Natchez, 1826, p. 436). 3. [Construction du syntagme prépositionnel] a) [Le compl. prép. est souvent antéposé au verbe (mise en relief, valeur d'insistance ou styl.)] Sur la tombe attaché, durant trois jours il pleure (Baour-Lormian, Ossian,1827, p. 40).Et durant plus d'une minute, il se prit à songer aux capucins de Hunebourg (Erckmann-Chatrian, Ami Fritz,1864, p. 19). b) [Il figure parfois dans une phrase sans verbe] Conversation nourrie durant trois bonnes heures; entente profonde (Gide, Journal,1946, p. 304). − En partic. [Le compl. peut se rattacher à un subst. déverbal] Il emprunterait au successeur de son père la somme nécessaire à son séjour durant un an (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 155). c) [Le rapport peut être suggéré par le contexte] Un jeune étudiant en médecine, camarade d'Emmanuel durant les années de collège (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 159). II.− Vieilli, lang. soutenue. Durant que, loc. conj. A.− Valeur temporelle. [Pour exprimer la concomitance de deux procès se déroulant parallèlement ou la simultanéité partielle (la durée du procès « principal » coïncide en partie avec celle du procès de la subordonnée)] Pendant tout le temps que, aussi longtemps que. 1. Durant que a) [Concomitance. (Parallélisme des temps principal/ subordonné)] Pendant tout le temps que. ♦ [Au passé] Durant qu'on livrait ces combats, la révolution civile et politique suivait parallèlement la révolution militaire (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 600).Je ne sais à quoi je pensais, durant que cette femme parlait (Jouhandeau, M. Godeau,1926, p. 234). ♦ [Au présent] Et elle continue, ainsi, de lire, durant qu'il dort, et que le violon chante (H. Bataille, Maman Colibri,1904, III, 9, p. 26): 11. J'ai sous les yeux, durant que je travaille, − à la fois modèle, encouragement et source inépuisable d'inspiration, − une étude que Raphaël dessina lorsqu'il préparait l'Apollon et Marsyas.
Bloch, Destin du Siècle,1931, p. 51. − Durant que (...) et que. Durant qu'il était vivant et que j'étais fort jeune, j'ai un peu connu M. Guillaume Pauthier (France, Vie littér.,1891, p. 79). b) [Simultanéité partielle] Pendant que. On racontait même que, durant qu'il jouait à la paume (...) un serviteur suborné lui avait passé sur le cou ses mains frottées de poison (Barante, Hist. ducs Bourg.,1821-24, t. 4, p. 114): 12. Ce fut durant que je travaillais, alignant en paix des chiffres sur le papier que cette pensée pour la première fois me remplit comme un sombre éclair : maintenant je fais ceci, et tout à l'heure je ferai telle autre chose; ...
Claudel, La Ville,1901, I, p. 431. 2. Durant (...) que, loc. disjointe. Pendant (...) que. a) Durant + quantificateur + subst. + que. b) Durant + (tout le temps) + que. Rem. Dans les constr. disjointes, que peut s'analyser comme un pronom ou adv. relatif circonstanciel; il est pron. relatif comp. d'obj. direct dans une phrase comme celle-ci : Comme je m'étais, en jouant, déchiré la paupière, durant le temps que je me crus enlaidi, je découvris un rapport entre la dernière place que j'occupais dans toutes les compositions et ma triste mine (Mauriac, Journal 2, 1937, p. 190). B.− Très rare, vx, valeur adversative. [Pour introduire une subordonnée d'opposition] Tandis que, alors que : 13. ... mon ami me contait (...) les vers qu'il adressait alors à deux jeunes ladies, devenues vieilles à l'ombre des tours de Westminster; tours qu'il retrouvait debout comme il les avait laissées, durant qu'à leur base s'étaient ensevelies les illusions et les heures de sa jeunesse.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 1, 1848, p. 486. Prononc. et Orth. : [dyʀ
ɑ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1260 durant ledit terme (E. Boileau, Métiers, éd. R. de Lespinasse et F. Bonnardot, I, XL, X, p. 78). Part. prés. de durer*; d'abord verbe d'une proposition participiale et comme tel placé généralement après le mot auquel il se rapporte (cf. xiiies. le mariage durant, Ph. de Beaumanoir, XII, 10 d'apr. DG), durant a été ressenti comme prép. dès lors qu'il a été, par calque sur la constr. lat. de l'ablatif absolu dans la lang. jur., antéposé à ce mot; cf. évolution analogue pour pendant*. Fréq. abs. littér. : 4 183. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 383, b) 3 850; xxes. : a) 6 170, b) 6 568. Bbg. Mounin (G.). Le Fonctionnement du lang. vu à travers un fait de synt. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1975, t. 13, no1, p. 273. |