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DRU, DRUE, adj. et adv.
I.− Emploi adj.
A.− [En parlant de végétaux] Qui a des pousses nombreuses, serrées et vigoureuses. Herbe drue, blé dru; arbre, feuillage dru; une végétation épaisse et drue. Ils [les ruisselets] se cachaient sous les taillis drus où seuls les lièvres pouvaient les suivre (Kahn, Conte or et sil.,1898, p. 95):
1. Les faucheurs taillent des couloirs dans les champs de blé. La moisson est drue sur la terre : on dirait que toutes les tiges sont bâties en fer. Giono, Poids du ciel,1938, p. 45.
P. métaph. L'enfant (...) avait poussé dru, en mauvaise herbe (Zola, Terre,1887, p. 39).Parfois les mauvais désirs poussent plus drus dans un cœur labouré par la contrition (Mauriac, Fleuve de feu,1923, p. 189).
B.− P. anal.
1. Dont les éléments constituants sont nombreux et resserrés (dans l'espace ou dans le temps).
a) [En parlant du système pileux] Barbe, moustache drue; cheveux, sourcils drus. Une de ces figures dont le poil dru et noir repousse aussitôt que le rasoir y a passé (Jammes, Mém.,1922, p. 90).
b) [En parlant des phénomènes atmosphériques] Averse drue. La neige se mit à tomber par rafales drues, rapides, épaisses (Peyré, Matterhorn,1939, p. 278).La pluie s'est mise à tomber de plus en plus drue (Butor, Modif.,1957, p. 124).
2. Qui est répété plusieurs fois dans le temps, fréquent. Elle se mit à sangloter par petits sanglots ramassés et drus (Guèvremont, Survenant,1945, p. 260).
C.− P. ext.
1. Vigoureux, fort.
a) Vx. [En parlant d'une pers., d'un être vivant] Qui est d'une solide constitution. Ces moineaux sont drus, ils sont drus comme père et mère (Ac.1798-1878).Mélie se hâta (...) de faire claironner à Montigny mon mariage « avec un homme tout à fait bien, un peu fort d'âge, mais encore bien dru » (Colette, Cl. ménage,1902, p. 25).Ce fut ainsi (...) des enfants drus, de la belle graine de Solognots, qui s'élevaient sans maladies (Genevoix, Raboliot,1925, p. 228).Il se porte bien..., dit-elle en tapotant la joue du petit, comme il est fort, comme il est dru! (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 440).
P. ext., fam. Dégourdi, alerte, vif. Papa va dans le jardin s'asseoir sous les noisetiers, et il ne s'est pas aperçu qu'il y a près de lui un nid de fauvettes, un autre de pinsons, (...). Faut-il qu'il soit peu dru! (Renard, Journal,1897-99, p. 418).
b) [En parlant d'un inanimé, souvent avec une idée de densité, de compacité]
[Partie du corps] Une petite gorge drue de fillette attachée très haut (E. de Goncourt, Zemganno,1879, p. 194).Entraînée à la course, à la lutte, ses muscles [d'Antiope, reine des Amazones] étaient fermes et drus autant que ceux de nos athlètes (Gide, Thésée,1946, p. 1418):
2. Une petite de quinze ans, au torse plantureux et dru, défait sa dernière sandale. Taine, Voyage en Italie,t. 1, 1866, p. 268.
[Phénomène atmosphérique] Un vent court et dru brosse vigoureusement la mer (Camus, Été,1954, p. 171).
[Chose en mouvement] Un jet puissant et dru. Les arbres (...) commençaient à allonger leur ombre sur le sol, si drue qu'elle en paraissait consistante (Pesquidoux, Livre raison,1932, p. 245).Une flamme jaillit, épaisse, drue, rouge comme du sang (Giono, Joie demeure,1935, p. 150).Emploi subst. avec valeur de neutre (cf. au plus fort de). Il aurait voulu mordre au plus dru de cette odeur, comme un chien ivre au plus dru de la racine d'un jet d'eau (Montherl., Lépreuses,1939, p. 1435).
2. Au fig. Robuste, vigoureux, vif. Un langage dru et imagé; un style dru; une langue verte et drue; une verve, une éloquence drue. Je ne veux pourtant pas lui dire [à MmeVernet] que l'amour le plus dru marche six mois à peine (Renard, L'Écornifleur,1892, p. 112).À écouter L'Otage (...) j'ai gagné de vouloir relire ce poème dru, le plus « Claudel » qui soit (Colette, Jumelle,1938, p. 45).Le sens de l'avoir est en même temps enraciné dans la violence drue de l'instinct (Mounier, Traité caract.,1946, p. 535):
3. La prose de Scarron est une excellente prose, pleine, drue, d'une belle venue et d'une franche allure. France, Le Génie latin,1909, p. 63.
II.− Emploi adv. De manière abondante et serrée.
A.− [Après des verbes se rapportant à l'agric.] Pousser dru; planter, semer dru. Il [Lepailleur] n'était point passé par là depuis longtemps, jamais il n'aurait cru que la semence lèverait si dru (Zola, Fécondité,1899, p. 334).
B.− P. anal.
1. [À propos de la pluie ou d'un autre phénomène atmosphérique] Tomber dru.
P. métaph. On se trouvait ensuite exposé aux flèches et aux viretons qui pleuvaient dru des murs (France, Contes Tournebroche,1908, p. 76).Il avait encouru l'excommunication (...) de telles foudres tombaient dru sur les gens d'Église sans leur faire grand mal (France, J. d'Arc,t. 2, 1908, p. 441).Les sentences capitales pleuvant dru sur les lords qui déplaisaient à Élisabeth (Morand, Londres,1933, p. 227).
Loc. proverbiales (souvent p. hyperb.). Dru comme grêle. Dans ces maisons pauvres où les congés tombent dru comme grêle, dix années avaient suffi pour changer presque tous les locataires (Zola, J. Damour,1884, p. 337).Dru comme mouches. Dans ces temps où les gens mouraient dru comme mouches (Balzac, Enf. maudit,1831-36, p. 341).
2. [À propos de coups qui s'abattent sur qqn ou qqc.] Vigoureusement, à force de coups successifs. Battre, (pop.) cogner (qqn) dru. Au siège d'Orléans, on la voit [Jeanne d'Arc] (...) frapper rude et dru sur l'ennemi (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 2, 1851-62, p. 410).C'est une laveuse au lavoir Tapant ferme et dru sur la lessive (Verlaine, Œuvres compl.,t. 3, Dédicaces, 1890, p. 92).
3. [Après des verbes exprimant des actions ou des mouvements autres que frapper] Beaucoup et vite. (Quasi-)synon. taper dur.Le soleil tapait dru (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 433).Une eau millénaire coule dru d'une fontaine (Colette, Gigi,1944, p. 226).Pop. Jacasser, jaser dru. Le peuple rigola ferme et se soûla dru (Verlaine, Œuvres compl.,t. 4, Les Mémoires d'un veuf, 1886, p. 229).On fumait si dru qu'il fallut entr'ouvrir les fenêtres (Queneau, Enf. du limon,1938, p. 184).
C.− P. ext. Avec force, avec intensité, avec vigueur. De gros baisers claquant plus dru que des châtaignes au feu (Fabre, Norine,1889, p. 57).Son feuillage, tout desséché par l'hiver, tenait encore dru (G. Sand ds Guérin1892).
Au fig. et fam. Vous y allez dru (Bél.1957).
Prononc. et Orth. : [dʀy]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1100 erbe drue (Rol., éd. J. Bédier, 1334); 1175 enveisez e druz « gaillard, vert, vigoureux » (Horn, éd. M.-K. Pope, 3993); ca 1275 adv. vergié si dru planté (Adenet Le Roi, Enfances Ogier, éd. A. Henry, III, 5258). Du gaul. *druto « fort, vigoureux » (Dottin, p. 253; FEW t. 3, p. 166b). Fréq. abs. littér. : 345. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 79, b) 476; xxes. : a) 685, b) 731.
DÉR.
Drument, druement, adv.,rare. De manière drue. a) [Correspond à dru I B 1] Il y avait aux parois deux ou trois petites fenêtres, si drument treillissées d'épais barreaux de fer qu'on n'en voyait pas la vitre (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 493).b) [Correspond à dru I B 2] Il [Charles IX] entraîna le premier président, le vieux conseiller (...) et les bourgeois à boire si druement, que la reine Catherine sortit au moment où elle vit la gaieté sur le point de devenir bruyante (Balzac, Martyr calv.,1841, p. 259).c) [Correspond à dru I C 2] Je ne vois pas que la législature manque d'énergie... Il me semble qu'elle a déjà sauvé sept ou huit fois la patrie, et qu'elle vote assez druement les impôts (Balzac, Œuvres div., t. 2, 1830-35, p. 143). [dʀymɑ ̃]. 1reattest. 1200 « largement, avec opulence » (L'Escoufle, éd. F. Sweetser 5339); de dru, ue, suff. -ment2*. Fréq. abs. littér. : 4.
BBG. − Gottsch. Redens. 1930, p. 11, 122, 403. − Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. − Bergen. Oslo-Franso, p. 139, 143, 325-329. − Jud (J.). Zur Geschichte und Herkunft von frz. dru. Arch. rom. 1922, t. 6, pp. 313-339. − Lew. 1960, p. 255, 260 (s.v. drûment).Walt. 1885, p. 80. − Wathelet-Willem (J.). Guillaume d'Orange, mari ridicule? Ét. de vocab. R. belge Philol. Hist. 1972, t. 50, p. 929.