| DOUX, DOUCE, adj. et adv. I.− Adjectif A.− [En parlant d'un inanimé en gén. concr.] (Quasi-) anton. dur. 1. [En parlant d'une réalité perceptible par tel ou tel sens] Qui n'est ni rude ni âpre, (par ce qu'il) fait sur les sens une impression agréable. a) Domaine du goût.Qui a une saveur agréable sans être forte ni piquante.
α) Qui a une saveur sucrée et agréable. Amande, patate, pomme douce; fruits doux. (Quasi-)anton. acide, âcre, amer.Le séné d'Italie ou de Provence (...) leur saveur est plutôt douce et muqueuse qu'amère (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog.,t. 2, 1821, p. 662): 1. ... sous la dénomination « sucres » on désigne certains corps qui, extraits des plantes, sont cristallins, solubles dans l'eau et qui communiquent au liquide de dissolution une saveur douce, agréable, dite « saveur sucrée ».
Rouberty, Manuel de sucrerie,1922, p. 68. −
ŒNOLOGIE. Vin doux ♦ Jus de raisin qui n'a pas encore fermenté et dont la saveur est très sucrée. (Quasi-)synon. moût.La levure de vin (...) ensemence d'elle-même le vin doux et y transforme le glucose en alcool (Plantefol, Bot. et biol. végét., t. 2, 1931, p. 115).Les cépages à vins doux naturels (...) du Roussillon sont également tous de troisième époque. Le plus répandu est le grenache (Levadoux, Vigne,1961, p. 43).P. métaph. Ta bouche, sanguin piment, Douce comme le moût de première cuvée (Moréas, Pèlerin pass.,1891, p. 90). ♦ Vin (blanc) très sucré. (Quasi-)anton. vin sec.Le vin blanc doux est nourrissant et diurétique, mais il donne mal à la tête (Faral, Vie temps St Louis,1942, p. 190).P. ell. du déterminé, emploi subst. masc. [Gén. en parlant d'une liqueur sucrée p. oppos. à une liqueur forte ou rude] Un verre de doux; préférer le doux. Prendre du sec (du vin sec) plutôt que du doux (Rob.).Pendant que les hommes humaient le marc ou le kirsch, le doux circulait parmi les femmes : vin cuit, cassis, eau-de-coing, angélique ou trois plantes (C. Thouvenot, Le Pain d'autrefois, Paris, André Leson, 1977, p. 107).
β) Qui a une saveur peu relevée sans trop d'assaisonnement. Moutarde douce; piment doux. (Quasi-)anton. épicé, fort, salé. − GASTR. Sauce douce. ,,Sauce faite avec du sucre et du vinaigre`` (Ac. 1798-1932). − Parfois péj. Qui manque de sel ou d'assaisonnement. Plat, potage (trop) doux; salade (trop) douce. Synon. douceâtre, fadasse, (fam.) fade.Ta sauce est un peu douce, il faut la saler davantage (Dub.).
γ) En partic. Eau douce. Eau contenant peu ou pas de sel; eau des rivières, des étangs, des fleuves, etc. Poisson d'eau douce. (Quasi-)anton. eau de mer.Plusieurs espèces [de poissons voyageurs] prennent naissance dans les eaux douces, vont se développer et grandir dans les eaux salées (Code pêche fluv.,1875, p. 45): 2. Les marais salants installés sur les côtes à proximité de l'embouchure d'un fleuve doivent prendre des précautions particulières pour établir leurs prises d'eau de mer sous peine d'avoir des eaux trop douces et un mauvais rendement. Il semble que la salinité des couches profondes soit plus constante que celle des eaux de surface, car les facteurs climatiques ou locaux n'interviennent pas.
Stocker, Le Sel,1949, p. 18. − Péj., fam. Marin d'eau douce. Marin qui n'a, en général, navigué que sur rivières ou peu sur mer ou qui n'a navigué qu'en Méditerranée; marin qui n'est pas un vrai marin. − Vx. Médecin d'eau douce. Mauvais médecin; médecin qui soigne de façon peu énergique, prescrit peu de remèdes ou en prescrit d'inefficaces : qui ne prescrit que de l'eau claire. Rem. Attesté ds Ac. 1835, Besch. 1845, Quillet 1965, Littré, DG, Guérin 1892. b) Domaine de l'odorat.Qui a une odeur délicate, légère et agréable. (Quasi-)synon. délicat, suave.La douce odeur des roses (Brasillach, Corneille,1938, p. 202): 3. Triste en sa frénésie,
Le beau Dionysos pleure la molle Asie;
Et ce hardi troupeau, les femmes au sein nu
Qui le suivaient naguère au pays inconnu,
Folles, aspirant l'air avec ses doux aromes,
Ne sont plus à présent que spectres et fantômes.
Banville, Les Exilés,L'Exil des Dieux, 1874, p. 9. c) Domaine de la vue
α) [En parlant d'une source lumineuse, d'une couleur] Qui offre une luminosité, des teintes estompées. Lumière douce; douce clarté. (Quasi-)synon. délicat, tendre.La teinte uniforme et douce des maisons de Berlin (Stendhal, Hist. de la peinture en Italie,t. 1, 1817, p. 47).La douce lumière des abat-jour (Chardonne, Épithal.,1921, p. 189).
β) [En parlant d'une forme] Qui est agréable à voir en raison de sa régularité et de son harmonie. Nanette embellit beaucoup (...) Les lignes sont plus douces, plus fondues (Maupass., Fort comme la mort,1889, p. 147). − En partic. [En parlant d'un élément du relief] Qui n'est pas abrupt, escarpé ni heurté (cf. infra 2 b) : 4. ... le pays de Châtellerault, dont l'aspect verdoyant et les douces collines ménagent une transition aimable vers les raides et secs escarpements du Poitou calcaire.
Vidal de La Bl., Tabl. de la géogr. de la France,1908, p. 169. ♦ P. anal. Les cheveux sur les épaules, sur les seins et leur douce ondulation de dunes (Montherl., Pitié femmes,1936, p. 1094). d) Domaine du toucher.Qui est agréable au toucher par un contact sans aspérités, une surface lisse, une consistance souple, moelleuse. (Quasi-)synon. lisse, tendre.Le séné d'Alexandrie (...) Ses feuilles sont (...) lisses et douces au toucher (Kapeler, Caventou, Manuel pharm. et drog.,t. 2, 1821, p. 662).Ce doux museau de velours cotonneux [d'une biche] (Colette, La Vagabonde,1910, p. 220): 5. ... il s'aperçut enfin qu'une peau douce et fine, tendue sur une chair ferme et élastique, apanage exclusif de la fraîcheur, suite ordinaire de la jeunesse, lui procurait un toucher plus agréable, en le faisant reposer plus doucement; ...
P.-A.-F. Laclos, Éduc. femmes,1803, p. 462. − B.-A. ,,Léger, moelleux, touché, indiqué plutôt que marqué`` (Nouv. Lar. ill.; attesté aussi ds Lar. 19e20e, Besch. 1845). Pinceau doux; touche douce. ♦ Spéc. Taille-douce*. e) Domaine de l'ouïe.Qui est agréable à l'oreille en raison de son harmonie, de sa faible intensité. (Quasi-) synon. mélodieux, suave.L'orchestre de Milan, admirable dans les choses douces, manque de brio dans les morceaux de force (Stendhal, Rome, Naples et Florence,1817, p. 21).Une musique douce et mélodieuse (Nerval, Sec. Faust,Hélène, 1840, p. 258).Un très joli timbre de voix, doux avec un peu d'acidité dans le haut (Colette, Julie de Carneilhan,1941, p. 184). − Emploi subst. Le doux. Le ton doux (Rob.).(Quasi-) anton. le fort. − PHONÉT. Consonne douce, ou, p. ell. une douce, subst. fém. Consonne dont l'articulation n'exige qu'une faible tension musculaire et dont le son est relativement doux. (Quasi-)synon. consonne sonore; (quasi-)anton. consonne forte ou sourde (cf. adoucissement B spéc. 6 phonét.). 2. P. ext. [En parlant d'une réalité qui affecte l'ensemble de la pers.] a) [En parlant d'un moyen de locomotion] Qui ne fatigue pas par un rythme suivi, peu saccadé ni cahotique. ,,Cheval doux, monture douce, cheval, monture qui ne fatigue point le cavalier`` (Ac. 1932). (Quasi-)anton. pénible.Il [Denoisel] allait retenir chez un loueur une voiture douce et bonne à ramener un blessé (Goncourt, R. Mauperin,1864, p. 266). − P. méton. Cahot, choc doux; secousses douces. La voiturette filait par les larges avenues, de son train si rapide et si doux (Zola, Travail,t. 2, 1901, p. 258).Le cheval a une allure douce, les allures fort douces, des mouvements doux (Ac.1932) : 6. Au moment de l'embrayage, la garniture, coincée entre le volant et le plateau d'embrayage, aplatit progressivement les plaquettes-ressorts procurant ainsi au véhicule un démarrage beaucoup plus doux.
Chapelain, Cours mod. de techn. automob.,1956, p. 69. b) [En parlant d'un lieu, d'une pente, d'une construction, etc.] Qui n'est pas brusque; qui est facile à gravir; qui reste modéré, sans écart important. (Quasi-)anton. abrupt, escarpé, raide.Escalier doux; montée, pente douce. − P. anal. Qui est peu pénible à supporter. (Quasi-) anton. rigoureux, sévère.C'est un devoir bien doux à remplir (Ac.1835-1932).Ô mathématiques sévères, je ne vous ai pas oubliées, depuis que vos savantes leçons, plus douces que le miel, filtrèrent dans mon cœur, comme une onde rafraîchissante (Lautréam., Chants Maldoror,1869, p. 190). c) [En parlant des conditions atmosphériques] Qui produit une sensation de bien-être. (Quasi-)synon. modéré, tempéré, tiède; (quasi-)anton. aigre (cf. aigre I A 1 e), cinglant, cuisant, glacial.Malte où les nuits sont douces comme le lait (Hugo, Légende,t. 6, 1883, p. 382).La soirée était douce, tiède encore, malgré la saison (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 4): 7. Les vents bruyans ont fait place aux zéphirs, dont la douce haleine respecte le feuillage tendre qui s'abreuve encore de rosée, et qui joue légèrement sur le berceau des enfants du printems;...
Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,1796, préf., p. 146. − P. ell. ,,Faire doux, faire un temps doux. Il fait bien doux`` (Ac. 1798-1878, Lar. 19e, Lar. encyclop., Quillet 1965). 3. [En parlant d'une réalité abstr. ou concr. en rapport avec une certaine gradation, avec une échelle de valeurs] Qui est, reste modéré, sans écart important. La taille (...) doit être un passage lent, insensible et doux entre les deux gloires de la femme, sa poitrine et son ventre (France, Hist. comique,1903, p. 4): 8. Et toujours, et du même pas, avec le même geste, il [le semeur] allait (...) derrière, la herse, sous les claquements du fouet, enterrait les germes, du même train doux et comme réfléchi.
Zola, Terre,1887, p. 11. − Domaines culin. et techn.Feu doux. Feu donnant une chaleur modérée. Chauffer, cuire, faire fondre à feu doux. (Quasi-)anton. feu vif.Auto-cuiseur (...). − Marmite norvégienne pot-au-feu. Récipient entouré d'une forte enveloppe isolante, (...). Il convient spécialement à toutes les cuissons longues à feu doux (bœuf à la mode, pot-au-feu, légumes secs, etc.) (Lar. mén.1926, p. 471): 9. Couvrez parfaitement la marmite de son couvercle, faites bouillir, et après le premier bouillon, laissez sur un feu très doux pour obtenir un mijotement imperceptible pendant trois heures;...
Les gdes heures de la cuis. fr., J. Gouffé, 1877, p. 184. 4. Emplois spéc. a) Domaine écon.Prix doux. (Quasi-)anton. prix fort, élevé.Un architecte de ses amis vint lui demander [à Anatole], de la part d'un curé, un Christ pour une chapelle de couvent « dans les prix doux » (Goncourt, Man. Salomon,1867, p. 97). b) MÉTALL. [En parlant d'un métal] Malléable, ductile, dont les parties sont bien liées; non fragile, qui se plie aisément sans se casser. Minerai doux. Un morceau de fer doux (Poincaré, Électr. et opt.,1901, p. 35): 10. ... si le métal s'est rompu, c'est qu'il a pris la trempe et que, par conséquent, on a affaire à un acier dur; si, au contraire, l'éprouvette s'est repliée sur elle-même, c'est que l'acier est de nuance douce non trempante; avec un acier extra-doux, il sera possible d'exécuter un nouveau pliage dans un sens perpendiculaire au premier, sans arriver à la rupture.
Barnérias, Manuel des aciéries,1934, p. 154. c) TECHNOL. Lime douce. Lime dont les dents sont fines, peu saillantes, mordant légèrement et en surface, permettant un travail plus délicat. Rem. Attesté ds Ac. 1835-1932, Lar. 19e-Lar. encyclop., Besch. 1845, Quillet 1965. B.− Au fig. 1. [En parlant d'un état de choses, d'une situation, etc.] Qui est agréable en raison de son calme, de sa tranquillité, etc. Un doux repos, une douce tranquillité. Il jeta un dernier regard sur toutes ces richesses qui lui avaient fait la vie si douce et si heureuse depuis son enfance; il regarda encore une fois ces tableaux (Dumas père, Monte-Cristo,t. 2, 1846, p. 451): 11. ... ma femme avait souvent l'attention de se promener au soleil et à l'air, à l'heure de midi, en tenant ma fille bien couverte dans ses bras; elle était alors âgée de six mois. Elle jetait souvent des cris dans la chambre, sans doute par le besoin de respirer le grand air; car, dès qu'on l'y portait, elle devenait tranquille, et bientôt elle était saisie d'un sommeil doux et paisible, qui la faisait profiter à vue d'œil.
Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 157. − Il est doux de (avoir, être, faire, etc.). Il est agréable de... : 12. ... « il m'est doux de dormir, il m'est plus doux d'être de pierre, tant que le malheur et la honte durent. Ne rien voir, ne rien sentir, c'est là mon plus grand bonheur. Ne me réveille pas, de grâce! Parle bas!... »
Faure, Hist. de l'art,1914, p. 410. 2. [En parlant d'une personne, d'un trait de son attitude ou de son comportement] a) [En parlant d'une pers.]
α) Qui agit sans brusquerie, qui a des mouvements, des gestes mesurés, des manières délicates; qui est d'un caractère facile, d'une humeur égale, qui montre de la modération, de la bienveillance envers autrui. Caractère doux. (Quasi-)synon. affable, bon, humain, paisible.Il s'entête, mais quinze jours de régime du bord et des colonies, il deviendra doux comme une gazelle (Sue, Atar Gull,1831, p. 7).Tsilla, l'enfant blond, la fille de ses fils [de Caïn], douce comme l'aurore (Hugo, Légende,t. 1, 1859, p. 49): 13. ... « je vivais en Suisse, commence-t-il, en homme doux et paisible, fuyant le monde, ne me mêlant de rien, ne disputant jamais, ne parlant pas même de mes opinions... »
Guéhenno, Jean-Jacques,Grandeur et misère d'un esprit, 1952, p. 206. − Emploi subst. ♦ Domaine de la spiritualité.Les doux. Les débonnaires. [P. réf. à la Bible, Matthieu 5, 4] Heureux les doux. Fût-il [l'abbé Donissan] devenu l'un de ces saints dont l'histoire ressemble à un conte, de ces doux qui possèdent la terre, avec un sourire d'enfant-roi? (Bernanos, Soleil Satan,1926, p. 147). ♦ Fam., péj. Faire le doux/la douce. Affecter une fausse douceur. Il fait le doux mais il est au fond très-irascible (Lar. 19e). Rem. Attesté aussi ds Guérin 1892, Nouv. Lar. ill.-Lar. 20e.
β) P. anal. [En parlant d'un animal] Qui n'est pas féroce, méchant. Un chien doux et caressant (Rob.).Cet animal est fort doux (Ac.1932). b) [En parlant d'un trait physique ou moral] Qui exprime un caractère doux. Air doux; douce affabilité, douce bienveillance. À quoi bon chercher tes beautés langoureuses Ailleurs qu'en ton cher corps et qu'en ton cœur si doux? (Baudel., Fl. du Mal,1857-61, p. 60).La bonne et douce figure du docteur disait un peu de ses inépuisables charités (Goncourt, Journal,1893, p. 452): 14. Mais Lucette avait bonne mine, et l'œil doux, l'œil d'une femme qui n'a pas de femmes à combattre.
Colette, Chambre d'hôtel,1940, p. 11. − En partic., littér. Style doux. Style aisé, coulant, facile, sans rudesse. Jaufred, Arnaud Daniel Au style doux comme miel (Moréas, Sylves,1896, p. 178). c) [En parlant gén. d'un trait ou d'un aspect du comportement] Qui touche agréablement l'esprit, le cœur, l'imagination.
α) Domaine affectif.Douce affection, émotion, gaîté, mélancolie; doux souvenir. La douce égalité et la liberté (Stendhal, H. Brulard,t. 1, 1836, p. 138): 15. Oh! la douce journée que celle d'hier, comme elle a été pleine, comme elle a débordé des plus pures joies! Je l'ai passée presque tout entière avec cet inestimable ami, et vous pouvez juger si la causerie et l'imagination ont été bon train.
Guérin, Correspondance,1834, p. 133.
β) Domaine amoureux.Qui est tendre, inspiré par l'amour. Douces paroles, doux propos. Paroles de galanterie, d'amour; propos tendres, galants (attesté ds Ac. 1798-1932, Besch. 1845, Quillet 1965, Lar. 19e). Aurai-je ce soir quand je te quitterai le bonheur de te retrouver dans une douce lettre bien tendre et plus précieuse encore pour ton mari? (Hugo, Lettres fiancée,1822, p. 180).Les arbres pleins de doux ébats (Hugo, Chans. rues et bois,1865, p. 144): 16. Que de larmes me viennent en pensant à vous, à votre petite Marie, à sa mère qui m'a aimée! Combien son amitié m'était chère, et que les témoignages que j'en ai reçus m'allaient profondément au cœur! Rien ne peut les en effacer, non plus que son souvenir. Je me souviendrai toujours d'elle, et que sa belle âme s'était penchée vers moi pour m'aimer. Que je l'aimais aussi et quel bonheur je trouvais dans notre douce correspondance!
E. de Guérin, Lettres,1835, p. 81. − Vx, littér. Un doux penchant. Un penchant amoureux (attesté ds Lar. Lang. fr.). − Spéc. Un billet doux. Un billet d'amour, de galanterie. C'est une lettre de Camille, seigneur, de votre fiancée. Maître Blazius. C'est un billet doux à un gardeur de dindons (Musset, On ne badine pas,1834, III, 2, p. 55): 17. Alors, les filles s'en vont avec un baiser sur le cou et un billet doux dans la poche.
Zola, Nouveaux contes à Ninon,1874, p. 142. − Loc. fam. Faire les yeux doux/les doux yeux. Chercher à plaire, chercher à gagner les bonnes grâces, regarder amoureusement. Faire les yeux doux à une femme : 18. Le meunier guetta et il aperçut le galant (...) couché dans l'herbe et feignant de dormir. Françoise, de sa chambre, pouvait le voir. La chose était claire, ils avaient dû s'aimer, en se faisant les doux yeux pardessus la roue du moulin.
Zola, Les Soirées de Médan,L'Attaque du moulin, 1880, p. 9. II.− Loc. diverses A.− Fam., loc. adv. 1. Tout doux a) Tout doucement, lentement, sans se hâter, se précipiter. Voici qu'un soir, lorsque je marchais tout doux sur les pelouses de Twickenham, apparaît Peltier (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 521). b) Tranquillement, sans s'emporter. S'éclaircir tout doux d'une affaire. c) En exclamation. Invitation au calme, à la modération. − Il faudrait, dit une vieille, lui jeter de l'eau bénite (...) Tout doux! la vieille (...) le jeune seigneur est aussi vivant (...) que vous et moi (France, Balth.,Ab., 1889, p. 269): 19. clorinde. − Ne peux-tu te hausser à d'autre ambition Qu'à celle de gagner un méchant million?
annibal. − Tout doux! les millions sont de bonnes personnes
Qui ne méritent pas le nom que tu leur donnes...
Augier, L'Aventurière,1848, I, p. 180. 2. En douce. Sans bruit, de façon discrète, dissimulée en cachette, sans se faire remarquer. Faire (qqc.), partir en douce. La destinée l'avait mis [Arzaman], à l'occasion d'un joyeux repas, en face de l'homme qu'il s'agissait de supprimer, comme dit l'argot, « en douce » (L. Daudet, Ciel de feu,1934, p. 251): 20. Trois grosses péniches vides flottaient de toute la hauteur de leur coque brune sur l'eau presque immobile. − « Tu aimerais faire un voyage en péniche? » demanda gaiement Antoine. « Glisser en douce sur les canaux, entre les peupliers,... »
Martin du Gard, Les Thibault,Le Pénitencier, 1922, p. 703. 3. À la douce (pop.). Tout doucement, d'une manière douce, modérée; assez bien. Aller (tout) à la douce, faire (qqc.) à la douce : 21. C'étaient en général « M. Schmoll » ou Gaston Pollonais petit israélite malingre et bafouilleur, qui se chargeaient de ces réquisitions à la douce, dont le patron se montrait fier.
L. Daudet, Salons et journaux,1917, p. 128. B.− Loc. verbales fig. 1. Avaler doux comme lait. ,,Être crédule ou sans rancune`` (Guérin 1892). Rem. Attesté aussi ds Ac. 1798-1932, Besch. 1845, Quillet 1965, Lar. 19e, Nouv. Lar. ill. 2. Filer doux. Se soumettre, obéir humblement, n'opposer aucune résistance à... Elle [Gervaise] filait doux maintenant, elle pliait ses grosses épaules, ayant compris qu'ils [Coupeau et Lantier] s'amusaient à la bousculer (Zola, Assommoir,1877, p. 621).Insolent avec les timides ou les malades, il [La Jeunnesse] était peureux comme une larve et filait doux avec les gens décidés et solides (L. Daudet, Temps Judas,1920, p. 108): 22. Et nous filerons doux nous autres les malins.
Et le plus assuré fera le bon apôtre.
Et nos derniers soleils seront sur leurs déclins.
Et nos bergers seront deux uniques bergères.
Et nous filerons doux par devant ces houlettes.
Et nous serons menés par des mains plus légères.
Péguy, Ève,1913, p. 930. Prononc. et Orth. : [du], fém. [dus]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1100 France dulce (Rol., éd. J. Bédier, 16); id. dulz païs (ibid., 1861); id. ewes dulces (ibid., 2640); ca 1150 liz... dulz [toucher, contact] (Voyage de Charlemagne, éd. E. Koschwitz, 425); ca 1170 douce fille (Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 451); ca 1176 vanz dolz [des éléments] (Id., Cligès, éd. A. Micha, 241); 1531 [éd.] adv. le porter doux (Perceforest, t. IV, fo65 ds Littré); 1603 filler doux (C. de Rubys, Histoire véritable de Lyon, p. 271); 1884 en douce [d'apr. Esn.]. Du lat. class. dulcis « doux » de mêmes emplois que le français. Fréq. abs. littér. : 18 840. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 37 504, b) 32 754; xxes. : a) 24 844, b) 15 626. Bbg. Duch. Beauté. 1960, p. 161. − Gottsch. Redens. 1930, passim. − Goug. Mots t. 3 1975, p. 96. − Grundt (L.-O.). Ét. sur l'adj. invarié en fr. Bergen-Oslo-Franso, 1972, p. 45, 149, 227, 234, 246, 247. −Mat. Louis-Philippe 1951, p. 199. − Quem. Fichier. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 73. |