| DOULOUREUX, EUSE, adj. A.− [En parlant d'une douleur physique] Qui fait souffrir, qui fait mal. Maladie, opération douloureuse. La peau est ardente, la tête douloureuse, avec un peu de délire (Geoffroy, Méd. prat.,1800, p. 896). SYNT. Douloureuse agonie, blessure; amputation, lésion, sensation douloureuse; enfantement, pansement douloureux; élancements, syndromes douloureux. B.− [En parlant d'une douleur de nature psychique, affective, morale] 1. [Qualifie une chose : événement, manifestation, situation, etc.] a) Qui blesse, qui fait ressentir une peine, qui fait du mal. Spectacle douloureux; passion, séparation douloureuse : 1. Mais le souvenir douloureux d'avoir aimé Albertine ne se mêlait pas à cette sensation. Il n'est de souvenir douloureux que des morts.
Proust, Le Temps retrouvé,1922, p. 874. ♦ Il est douloureux de + inf. : 2. Il est douloureux de penser que la noble femme, rendue à ses filles des champs, a pu suivre de ses yeux clairvoyants, la première étape de la décadence.
Bremond, Hist. littér. du sentiment relig. en France,t. 4, 1920, p. 241. ♦ Rien de plus douloureux que + subst.Rien n'était plus douloureux que l'inutilité de ce suprême effort (Gide, Si le grain,1924, p. 610). − P. méton. Chambre, journée douloureuse; en cette douloureuse circonstance. Ces heures qui certes ont été les plus douloureuses de ma vie (Green, Journal,1938, p. 158). b) Qui s'accompagne de douleur; pénible, cruel. Drame douloureux; douloureux mystère. Il [Flaubert] fit, en pleine gloire, cet aveu douloureux : « Après tout, le travail, c'est encore le meilleur moyen d'escamoter la vie » (France, Vie littér.,1891, p. 307). SYNT. Aveu, récit, sort, voyage douloureux; crise, déception, drame, émotion, résolution, sensation, tristesse douloureuse. − Emploi subst., pop. L'addition. MmeLebien, de crainte d'avoir à payer la douloureuse, refusait systématiquement de manger hors de chez elle (L. Daudet, Cœur et abs.,1917, p. 151). c) Qui exprime la souffrance. Grimace douloureuse; chant, cri, lyrisme douloureux; accents douloureux. Il se répétait le douloureux axiome de Pascal « l'âme ne voit rien qui ne l'afflige quand elle y pense » (Huysmans, À rebours,1884, p. 293). 2. [Qualifie une pers. ou un de ses attributs] Qui éprouve une douleur morale, qui est plein de peine. Cœur, peuple douloureux; âme, vie douloureuse. Jérôme, mon ami douloureux près de qui mon cœur se déchire, et loin de qui je meurs (Gide, Porte étr.,1909, p. 593).Il est vrai que mon âme est douloureuse à mort; je suis dans une détresse, je n'aurais jamais cru que la mort de mon âme fût si douloureuse. Tous ceux-là que j'aimais sont absents de moi-même (Péguy, Myst. charité,1910, p. 62). − Emploi subst. ♦ Masc. ou fém. Personne portée, par tempérament, à réagir avec douleur devant les événements. Il y a chez les socialistes des douloureux qui disent : la France est perdue (Barrès, Cahiers,t. 10, 1913-14, p. 69). ♦ Masc. sing. avec valeur de neutre. Tempérament ou comportement de personnes sensibles à la douleur. Une amitié profonde a des mystères. Dans la nôtre tu trouverais du douloureux, de l'inconnu, de l'insaisissable (Barrès, Voy. Sparte,1906, p. 137). Prononc. et Orth. : [duluʀø], fém. [-ø:z]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. Ca 1050 dolerus messages (Vie de Saint Alexis, éd. C. Storey, 388); ca 1100 duluruse, caitive « affligée » (Rol., éd. J. Bédier, 2722). Réfection d'apr. douleur* du b. lat. dolorosus « douloureux ». Fréq. abs. littér. : 4 001. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 564, b) 4 826; xxes. : a) 8 255, b) 5 568. Bbg. Darm. Vie 1832, p. 188. |