| DOUCEREUX, EUSE, adj. A.− [Correspond à doux I A] Qui est doux sans être agréable, qui est d'une douceur fade. Mets, vin doucereux. Ces papayes doucereuses au goût de poires urineuses, dont le souvenir, quinze ans plus tard, (...) m'écœure encore (Céline, Voyage,1932, p. 218). B.− [Correspond à doux I B 2] 1. [Correspond à doux I B 2 a] Qui est d'une douceur affectée, hypocrite ou désagréable, fade. (Quasi-)synon. douceâtre (cf. douceâtre B), enjôleur, insinuant; (quasi-) anton. autoritaire, brutal, caustique.Dans la société « néochrétienne », les gardes municipaux seront de timides militaires rougissant ainsi que des jeunes filles (...) les sergens de ville, de doucereux et inoffensifs personnages, des manières de maîtres de cérémonie (Musset, Revue des Deux-Mondes,1833, p. 106): 1. ... Diderot est affecté à force de vouloir faire effet; on aperçoit le dédain du succès dans Goethe à un degré qui plaît singulièrement, alors même qu'on s'impatiente de sa négligence. Diderot a besoin de suppléer, à force de philantropie, aux sentiments religieux qui lui manquent; Goethe seroit plus volontiers amer que doucereux; mais ce qu'il est avant tout, c'est naturel; ...
Staël, De l'Allemagne,t. 2, 1810, p. 80. − Par personnification. Tel est le cruel amour! Il paraît doucereux et gentil, mais il est barbare et impudent (Claudel, Échange,1894, II, p. 693). − Subst. C'est un doucereux; faire le doucereux : 2. Les Lachassaigne disaient de leur cousine pauvre « qu'elle avait du tact, qu'elle savait disparaître ». C'était vrai qu'au dessert, il semblait qu'elle se volatisât. Pendant le repas même on eût dit qu'elle éteignait ses cheveux blonds; ses yeux ne regardaient rien; sa robe avait la couleur des boiseries. Aussi en sa présence le linge le plus sale était-il lavé sans que le couple se méfiât d'une doucereuse qui feignait de n'avoir pas d'yeux, mais qui voyait − ni d'oreilles, mais qui entendait.
Mauriac, Génitrix,1923, p. 335. 2. P. méton. [Correspond à doux I B 2 b] Qui dénote une douceur affectée, hypocrite ou désagréable, fade. Air, regard, trait doucereux; parole, voix doucereuse. La veuve vint à lui, en prenant l'air aigrement doucereux d'une marchande soupçonneuse qui ne voudrait ni perdre son argent, ni fâcher le consommateur (Balzac, Goriot,1835, p. 300).La doucereuse honnêteté, (...) les semblants de vertu, (...) les façons hypocrites d'une femme mariée (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 140): 3. Don Eduardo, dans la dépêche aux Cortès, ne donne-t-il pas trop à la gracieuseté? Cette lettre n'est pas assez énergique.
ferrante. − Je répugne au style comminatoire, parce qu'il engage. Je préfère le style doucereux. Il peut envelopper tout autant de détermination solide que le style énergique, et il a l'avantage qu'il est plus facile de s'en dégager.
Montherlant, La Reine morte,1942, II, 1ertabl., 1, p. 166. − Emploi masc. à valeur de neutre. Il a de la gaucherie sans timidité, du dédain sans fierté, quelque chose de doucereux auprès des femmes, parce que, dans cette seule circonstance, il a besoin de tromper pour séduire (Staël, De l'Allemagne,t. 3, 1810, p. 74). Prononc. et Orth. : [dusʀø], fém. [ø:z]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1225-30 le tens bel et doucereus « doux » (G. de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 80); av. 1350 [ms. xves.] Qui croit paroles doucereuses Souvent les treuve venimeuses (Isopet, I, IX, éd. J. Bastin, Recueil général des Isopets, t. II, p. 216); jusqu'au xvies.; 1648 « qui a une douceur affectée » (Scarron, Le Virgile travesti, VI ds Littré). Dér. de douceur*; suff. -eux*; cf. Meyer-L. t. 2, 2, § 27. Fréq. abs. littér. : 154. Bbg. Goug. Mots t. 3 1975, p. 96. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 286. |