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DONC, conj., adv. et particule.
Conjonction, adverbe et particule de coordination, dont la place est assez mobile dans la phrase, et qui sert tantôt à relier logiquement une phrase ou une proposition à une autre, tantôt à renforcer une phrase, une proposition ou un mot.
I.− Conjonction de coordination exprimant la conséquence ou la conclusion d'énoncés immédiatement antécédents (valeur logique; introduit une phrase, un membre de phrase ou une proposition)
A.− [Emploi en constr. simple]
1. [Pour introduire et exprimer le résultat, la conséquence de ce qui est exprimé précédemment, affirmation ou événement] Synon. en conséquence, par conséquent, partant, par suite, d'où.
a) [Pour exprimer la conséquence d'un fait énoncé dans la phrase précédente (après virgule, point virgule ou double point)] Il a souvent été en rapports avec Grey; il en parle donc, lui, en connaissance de cause (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 516).J'ai pensé qu'Hector devait être encore enfermé; je suis donc montée par le petit escalier (Aymé, Cléramb.,1950, p. 75).
[Après une loc. verbale indiquant une nécessité ou une évidence : c'est donc que, il faut donc, il doit donc, vous voyez donc que...] À une heure, l'équipe de sœur Céline et de Léon allait revenir : avant une heure, il fallait donc que ce fût fait (Martin du G., Thib.,Mort père, 1929, p. 1296):
1. Vous allez déjeuner d'abord et vous visiterez le cloître ensuite. Seulement, je ne peux pas inviter une dame à la table des hôtes : il vous faudra donc manger hors de la clôture. T'Serstevens, L'Itinéraire espagnol,1963, p. 234.
[Dans une phrase elliptique du verbe, après un mot autre que le verbe, souvent en seconde position dans la phrase] :
2. Oh! C'est entendu, je ne suis pas une mère romaine. J'en conviens. Inutile donc que tu le redises et que je le redise sur tous les tons. Montherlant, L'Exil,1929, I, 4, p. 43.
[En partic., après des loc. verbales indiquant une nécessité ou une obligation : il faut donc que, il (ne) peut donc (pas), il est donc dans l'obligation de...] Je suis donc dans la désolante nécessité de procéder à des compressions de personnel (Camus, Caligula,1944, II, 5, p. 38).
b) [Pour exprimer la conséquence ultime résumant les conclusions partielles énoncées dans plusieurs phrases précédentes (lettres, discours, etc.)] La question est donc de savoir si... :
3. ... votre concierge m'a appris ce matin que vous étiez absent et ne rentriez que ce soir. Je suis moi-même obligé de partir pour Lyon lundi matin et ne pourrai repasser chez vous. Voudriez-vous donc avoir l'obligeance de remettre vous-même le manuscrit de Suarès à Valette à qui je l'ai annoncé? Claudel, Correspondance[avec Gide], 1906, p. 63.
[En partic., pour exprimer la conclusion d'un événement, le point d'une situation] Synon. enfin, ainsi, aussi, bref, en somme, en conclusion.Donc, en voiture, mon cher confrère, en voiture (Romains, Knock,1923, I, p. 7).
2. [Pour introduire la conclusion d'un raisonnement, notamment la troisième proposition d'un syllogisme]
a) [D'un raisonnement logique, souvent en corrélation avec or] :
4. − Tout doit rapporter, les choses animées et inanimées. − La terre est féconde, l'argent est aussi fertile, et le temps rapporte l'argent. − Or, les femmes ont des années comme nous; donc, c'est perdre un bon revenu que de laisser passer ce temps sans emploi. Vigny, Chatterton,1835, I, 2, p. 255.
Rem. La docum. atteste un emploi subst. Ce « donc » résume toute une plaidoirie (Guéhenno, Jean-Jacques, 1950, p. 28).
En partic. [En parlant du cogito* de Descartes] Je pense, donc je suis :
5. Un malade de Pitre et Régis, semblable à certains philosophes, passait la journée à se demander s'il existait : « Je pense, donc je suis, se dit-il, oui, mais je ne pense pas toujours. Et puis il faut une certaine quantité de pensée pour vivre : en ai-je la quantité suffisante? » Mounier, Traité du caractère,1946, p. 578.
b) [D'un raisonnement de type mathématique (calcul)] Un grand garçon de dix-huit ans, qui voulait bien venir aussi, − ce qui faisait six; il ne restait donc qu'une place (Ramuz, Gde peur mont.,1926, p. 40).Le 21 octobre dernier (il y avait donc de cela six jours) (Gide, Voy. Congo,1927, p. 737).
B.− [Emploi en constr. liée; en association ou en corrélation]
1. [En association avec]
a) [une conj. de coordination ou de subordination] Et donc, si donc. Il [le sentiment national] est devenu (...) plus purement passionnel, plus parfaitement irrationnel et donc plus fort (Benda, Trah. clercs,1927, p. 26).Si donc l'on y introduit un jugement de valeur venu du dehors (Camus, Homme rév.,1951, p. 276).
b) [un adv.] Ainsi donc. Ainsi donc − ai-je bien compris? − Votre pensionnaire serait l'auteur du meurtre? (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1406).
c) [une prép.] Sans donc avoir besoin de demander à Tzara de se ressaisir (Breton, Manif. surréal.,2emanif., 1930, p. 161).
d) [une loc. verbale] Vous mettez du rouge : c'est donc que vous cherchez à plaire (Montherl., Celles qu'on prend,1950, II, 5, p. 806).
2. [En corrélation avec]
a) [un gérondif (quelques auteurs emploient ce tour)] Tout ce monde ayant perdu la raison, il faut donc que vous soyez juges (Camus, Esprits,1953, p. 449).
b) [une conjonction] Puisque, comme, si... c'est donc que. Voici donc mon secret, puisque vous l'exigez (Giraudoux, Siegfried,1928, II, 5, p. 104).
II.− Adverbe de rappel ou de reprise d'énoncés antécédents (valeur déictique, anaphorique; dans un exposé, un discours oral ou écrit, pour reprendre le fil du sujet, pour ramener l'interlocuteur ou le lecteur à ce dont il est question; mobile, l'adverbe peut se placer en tête de phrase, après le verbe ou après le sujet)
A.− [Après une digression, simple adv. de transition] Je disais donc que...; donc, pour en revenir à...; notre héros donc...
1. [Avec dire] La chaleur m'éprouve... Je vous disais donc qu'avant-hier (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1116).
2. [Sans dire] Passons. Donc, tu as un peu pensé à ce que je te dis? (Giono, Regain,1930, p. 214).
B.− [Après une interruption ou une suspension]
1. [Une interruption] :
6. Tu m'écoutes? − Oui, maman... − Donc, nous avions fait un grand tour, par une de ces chaleurs! Colette, Sido,1929, p. 56.
2. [Une suspension] :
7. J'en suis donc à te dire ... Où diable en suis-je donc? M'y voilà. − Je disais qu'Hassan, près d'une femme, était très expansif : − Il voulait tout ou rien. Musset, Namouna,1832, p. 409.
III.− Particule servant à noter une réaction affective ou expressive devant une situation donnée, exprimée ou suggérée par le contexte (valeurs stylistiques en situation)
A.− [En construction simple, pour renforcer une phrase]
1. [affirmative] Le temps était donc venu où elle pourrait parler avec lui librement! (Montherl., Bestiaires,1926, p. 391).
2. [interrogative] Les enfants, où sont-ils donc? (Martin du G., Thib.,Sorell., 1928, p. 1189).
3. [exclamative] Mon Dieu! que vous êtes donc fraîche et jolie ce matin! (Labiche, Fille bien gardée,1850, 3, p. 286).
4. [impérative] Entrez donc, asseyez-vous donc, faites donc! Il dit d'une voix engageante : « Viens donc dîner un de ces soirs à la maison » (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 294).
B.− [En construction liée, dans des locutions exclamatives courantes du français parlé, plus ou moins familières, où donc est postposé, à valeur affective d'encouragement ou de réprobation]
1. Va donc!
a) Pop. ou très fam. Va donc, eh, espèce de...! (cf. aller II B 2 a).
b) [Pour encourager à qqc.] Elle lui disait... Oh! Ça me dégoûte de redire ça... − Va donc (Gide, Faux-monn.,1925, p. 955).
c) [Pour approuver] Va donc pour. Le rire que Michelle appelle « ton rire de bébé, ton rire idiot ». Va donc pour le rire idiot (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1369).
2. Mais allez donc + inf. (= essayez un peu, s.-ent. vous y arriverez difficilement). Mais allez donc essayer de faire entendre cela aujourd'hui (Gide, Journal,1943, p. 192).
3. Allons donc, allez donc! (iron., pour exprimer le doute, l'incrédulité). Toi, fuir par panique? Allons donc! Ça ne te ressemble pas (Sartre, Mort ds âme,1949, p. 141).
4. Dis donc! dites donc! (pour attirer l'attention). Dis donc, tu ne le connais pas, Klein? (Malraux, Conquér.,1928, p. 33).
5. Pensez donc! Songe donc! (avec une nuance d'étonnement ou d'admiration). Nous ne nous connaissons pas bien encore. Songe donc, neuf ans de différence, c'était un abîme entre nous (Martin du G., Thib.,Pénitenc., 1922, p. 762).
6. (Mais) comment donc! (pour acquiescer). Synon. bien sûr, je vous en prie.− Oui, oui, on s'arrangera! Comment donc! Bien sûr! Tout de suite (Michaux, Plume,1930, p. 150).
7. Fi donc! (pour désapprouver). Il ne s'agit donc pas non plus de paroles, fi donc! Il s'agit d'une musique d'homme (Schaeffer, Rech. mus. concr.,1952, p. 57).
8. Adieu donc! À demain donc! Bonjour donc! Doña Prouhèze. − Adieu donc ici-bas! (Claudel, Soulier,1944, 3ejourn., 8, p. 806).
9. Hue donc! Eh bien donc! Hardi donc! etc. « Et hue donc! bourrique! Sue donc, esclave! Vis donc, damné! » (Baudel., Poèm. prose,1867, p. 29).
Prononc. et Orth. : [dɔ ̃:k] et, par élision, devant consonne, [dɔ ̃]. Mon Dieu! que vous êtes donc fraîche et jolie ce matin! Labiche, supra. Cependant l'élision opère avec les restrictions ou les extensions suiv. : elle n'opère pas ,,en tête de la phrase ou d'un membre de phrase`` (Barbeau-Rodhe 1930; c'est la position traditionnelle, v. en dernier lieu Pt Rob., Warn. 1968, Lar. fr.; en réalité, la non élision va de soi devant pause, y compris devant pause virtuelle, au début ou à l'intérieur de la phrase : Donc, tu as un peu pensé à ce que je te dis? Giono, supra; mais aussi ... plus parfaitement irrationnel et donc plus fort, Benda, supra); elle opère ,,parfois``, ,,après les mots interrogatifs et les verbes à l'impératif`` (Dub.; v. aussi Ortho-vert 1966), c'est-à-dire devant pause. Toi, fuir par panique? Allons donc! Sartre, supra. Ds Ac. dep. 1694. Var. donques ds Ac. 1694-1740, avec la mention ,,autrefois`` ds Ac. 1718 et 1740. La graph. donc indique, p. oppos. à donque(s), que le mot est soumis aux règles de l'élision (v. aussi adonc et onc). Les graph. dans Et donques, mon garçon me soutient que c'te loute a des poils blancs (Balzac, Paysans, 1844, p. 32) et dans Ben, quoi doncque? Vous v'là jà su' l'départ? (Martin du G., Gonfle, 1928, II, 5, p. 1203) sont facétieuses, bien que la non élision soit régulière ,,en tête de la phrase`` et ,,après les mots interrogatifs``. Mart. Comment prononce 1913, pp. 213-214, s'exprime comme si le phénomène d'élision était à son époque en progrès : ,,Devant une voyelle, il est encore correct ou élégant de lier [le c] : où êtes-vous donc allé? Mais cela même n'est pas indispensable.`` Sur le fait même de l'élision, dans ce cont., à cette époque, v. aussi Grammont Prononc. 1958, p. 94 : il y est don(c) allé, avec un c facultatif. Le phénomène est décrit en termes de liaison (la forme de base est [dɔ ̃], cf. Mart., loc. cit.) ou d'élision (la forme de base est [dɔ ̃:k], cf. Fél. 1851, Dub., Pt Rob., Warn. 1968). Le comportement de donc, quant à l'élision, est à peu près celui de cinq (v. ce mot). Homon. (dans le cas de l'élision) dom, don, dont. Étymol. et Hist. 980 dunc « alors » (Jonasfragment ds Förster et Koschwitz, Altfr. Übungsbuch, § 12); ca 1050 [Quant veit li pedre que mais n'avrat enfant] Donc [se porpenset] « id. » (St Alexis, éd. C. Storey, 38); ca 1175 exprime une conséquence, une conclusion Donc fet-il le vos dirai gié (Chr. de Troyes, Chevalier lion, éd. M. Roques, 3845); 1172-75 employé avec un impér. ce sachiez dons (Id., Chevalier charrette, éd. M. Roques, 171). Du lat. vulg. dunc (TLL s.v. dum, 2199, 60-65) d'orig. discutée; plus prob. résultat du croisement de dum (employé dans la lang. vulg., en enclise, joint à un impér. au sens de « donc », TLL loc. cit., 2201, 8-25) avec tum, tunc (cf. tunc = dum ds TLL loc. cit., 2214, 14, v. aussi Hofmann-Szantir, Lateinische Syntax, p. 617, § γ) ou donec (TLL loc. cit., 2199, 61) qu'issu de donique, forme élargie de donec (TLL s.v. donec, 1992, 45-49; Rheinfelder t. 1, § 794, t. 2, § 145). La finale a. fr. -que(s) est due à unquam. Fréq. abs. littér. : 62 591. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 99 099, b) 103 478; xxes. : a) 92 887, b) 70 315. Bbg. Pinchon (J.). Des Mots coordonnants. Fr. Monde. 1973, no96, pp. 49-50. − Quem. 2es. t. 2 1971.