| DOMINATION, subst. fém. A.− Au sing. Action ou fait de dominer, d'exercer une puissance souveraine ou une influence prépondérante. 1. Domaine pol., idéologique ou relig.Domination atroce, brutale, insupportable, tyrannique. Synon. autorité, dictature, empire, suprématie.Une guerre de despotes pour dépouiller les peuples et les réduire sous notre domination (Erckm.-Chatr., Hist. paysan,t. 2, 1870, p. 72).L'idée de pouvoir qui, à son tour, ne va pas sans celle d'ascendant, de maîtrise, de domination et, corrélativement, de dépendance et de subordination (Durkheim, Formes élém. vie relig.,1912, p. 522): 1. ... le haut clergé maronite, quoique simple et bon, ne pouvait voir d'un œil bienveillant l'établissement parmi eux d'un corps religieux qui aurait enlevé une partie des populations catholiques à leur domination spirituelle. Les Jésuites n'existent donc plus en Syrie.
Lamartine, Voyage en Orient,t. 2, 1835, p. 125. ♦ Domination de + subst. désignant l'agent.Sous la domination de l'oligarchie le peuple était en butte à beaucoup de vexations (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 428).Dans la nuit du 4 août, l'Assemblée réalisa en principe l'unité juridique de la nation, anéantit, avec le régime féodal, la domination de l'aristocratie dans les campagnes (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 149). − P. méton., rare. Objet, territoire sur lequel s'exerce cette puissance, cette influence. Le 6 mai 1802, Napoléon est élu consul pour dix ans, et bientôt consul à vie. Il se trouve à l'étroit dans la vaste domination que la paix avec l'Angleterre lui avait laissée (Chateaubr., Mém.,t. 2, 1848, p. 375). − Spéc., ÉCON. ,,L'effet de domination consiste, (...) en une influence irréversible ou partiellement réversible exercée par une unité sur une autre. Une unité économique exerce cet effet en raison de sa dimension, de son pouvoir de négociation, de la nature de son activité ou de son appartenance à une zone d'activité dominante`` (Perroux, Écon. XXes., 1964, p. 85). − Au fig. [L'agent désigne un inanimé concr. ou abstr.] La langue française s'est fixée; plus analogue que l'espagnole, elle a étendu et affermi en Europe sa domination (Bonald, Législ. primit.,t. 1, 1802, p. 345): 2. Avant même de traverser l'Adige, on sent que ce pays est dominé par de l'eau. On passe vingt petits ponts sur des canaux, sur des ruisseaux, sur des rivières et on voit luire des marais sous de grands joncs. Après Rovigo, cette domination se fait plus pesante. Nous avons vu en plein champ un chaland qui arborait un mât et des voiles.
Giono, Voyage en Italie,1853, p. 185. SYNT. Domination despotique, farouche, impitoyable, injuste; domination de l'argent, de la classe bourgeoise; besoin, désir, folie, instinct de domination; instrument de domination; être, tomber, vivre sous la domination de; subir la domination de; échapper à la domination de; établir sa domination sur un pays; affermir, appesantir, établir, étendre sa domination sur; exercer la domination sur; se disputer la domination de; renverser la domination de, se soustraire à la domination de; se défendre contre la domination de. 2. Domaine des relations entre pers. ou de la vie personnelle.Domination d'une belle-mère. Synon. ascendant, emprise.Sa femme dont il subissait vivement le charme physique et l'insensible domination (Maupass., Bel-Ami,1885, p. 229): 3. Henriette étudiait donc ses parents et leurs amis, pour bien se définir leur sincérité, ne s'affranchissant pas encore d'un certain respect envers leur autorité. Cependant, elle projetait d'échapper à la domination qui pesait sur elle, parce qu'elle en trouvait indignes ceux qui l'exerçaient.
Duranty, Le Malheur d'Henriette Gérard,1860, p. 262. − En partic. Domination de soi. Maîtrise, contrôle de ses réactions : 4. ... jamais il [Blaise] ne sourit; ou, s'il le fait, c'est avec une si évidente volonté de domination de soi, de laborieuse construction d'une façade destinée à la préserver que personne ne saurait s'en trouver dupe...
Arnoux, Pour solde de tout compte,1958, p. 245. 3. Domaine des rapports d'une pers. avec des animaux ou des choses.Synon. asservissement, domestication, maîtrise.Taquine et emportée avec les autres, elle [ma jument] se pliait à ma domination de son plein gré, à coup sûr (Sand, Hist. vie,t. 3, 1855, p. 266).Obtenir la plus parfaite domination sur son archet (Capet, Techn. sup. archet, 1916, p. 48).Tout part du fait, hélas! acquis pour toute l'architecture moderne, de la domination du fer (Gillet, Art fr.,1938, p. 205). B.− P. méton., au plur., THÉOL. [Dans la hiérarchie céleste] Premiers anges de la seconde hiérarchie. Il y a trois hiérarchies d'esprits célestes la première comprend les Séraphins, les Chérubins et les Trônes; la deuxième, les Dominations, les Vertus et les Puissances (France, Révolte anges,1914, p. 101).V. chérubin ex. 2. Prononc. et Orth. : [dɔminasjɔ
̃]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1remoitié xiies. dominaciun (Psautier d'Oxford, éd. F. Michel, CXLIV, 13); 1690 au plur. théol. (Fur.). Empr. au lat. class.dominatio, -onis « domination, souveraineté »; au plur. « les Dominations » (ordre angélique) en lat. chrétien. Fréq. abs. littér. : 1 336. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 978, b) 1 611; xxes. : a) 1 597, b) 2 169. |