| DOMESTIQUE, adj. et subst. I.− Adjectif A.− Qui concerne la vie à la maison. 1. Qui concerne le ménage. Économie, travaux domestique(s); ennuis, soucis domestiques; vertus domestiques. Augustin s'occupa lui-même d'une foule de soins domestiques et de détails de ménage (Fromentin, Dominique,1863, p. 218): 1. Cette apparence de dévouement aux Mignon laissait croire que Gobenheim avait du cœur et le dispensait d'aller dans le grand monde du Havre, d'y faire des dépenses inutiles, de déranger l'économie de sa vie domestique.
Balzac, Modeste Mignon,1844, p. 14. 2. Qui concerne la vie privée. Il y a probablement, chez cette femme très nerveuse, un état de tristesse et d'angoisse déterminé par ses chagrins domestiques (Janet, Obsess. et psychasth.,1903, p. 67): 2. Il [Olivier] ne voulait pas d'autre affection intime, pas d'autre bonheur domestique que celui qu'il avait goûté auprès de lady Mowbray.
Sand, Romans et nouvelles,Metella, 1834, p. 221. 3. Vieilli. [En parlant de choses concr.] Qui appartient à l'environnement familial, au patrimoine. Bossuet, né (...) d'une bonne et ancienne famille bourgeoise de magistrats et de parlementaires, y fut élevé [à Dijon] au milieu des livres et dans la bibliothèque domestique (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 10, 1851-62, p. 184).Les pauvres champs domestiques qui n'ont qu'un tendre pelage de salades, d'épinards ou de poireaux se tirent doucement en arrière (Giono, Regain,1930, p. 73): 3. Une des filles de Loth emporte [dans le tableau de Rubens] dans une corbeille le trésor domestique, les choses les plus précieuses et de peu de poids.
Gautier, Guide de l'amateur au Musée du Louvre,1872, p. 131. − [En parlant des machines destinées à simplifier les tâches ménagères] Les réfrigérateurs, les fourneaux électriques, les machines domestiques employées à la préparation des aliments (Carrel, L'Homme,1935, p. 13). 4. Domaine abstr. a) ANTIQ. [En parlant de divinités] Attaché à un foyer. Sans doute il y avait là aussi des bijoutiers et des marchands de petits dieux domestiques, protecteurs du foyer (France, Pierre bl.,1905, p. 4). b) [Qualifiant un nom péj., à propos d'une pers.] Qui exerce son activité à l'intérieur du milieu familial. Il [le docteur] était sûr qu'ils [les deux amants] chercheraient toujours à se voir, même au milieu des dangers. Ce machiavel domestique profita de cette situation (Coppée, Prose, t. 1, Contes en prose, 1882, p. 210).Non seulement le tyran domestique [le père] allait perdre la face devant les siens mais il perdrait du même coup la considération qu'il avait pour sa propre personne (Aymé, Passe-mur.,1943, p. 147). c) PHILOS. et POL. [En parlant de la vie familiale, p. oppos. à la vie sociale] Les libertés publiques ont pour base et pour sauvegarde les mœurs domestiques (Proudhon, Pornocratie,1865, p. 2). − Emploi subst. Le domestique (vx). Synon. foyer, ménage.Son domestique était réglé comme l'intérieur d'un monastère (Flaub., Trois contes,St Julien l'Hospitalier, 1877, p. 80).Autrefois, nous évitions autant que possible le contact de ces forces, aujourd'hui elles sont admises dans notre domestique (Maeterl., Intellig. fleurs,1907, p. 237). 5. Qui appartient à un pays, à un peuple. Synon. national; anton. étranger.Il n'en est pas de plus propre [que les Caractères de la Bruyère] à faire respecter l'esprit français à l'étranger (ce qui n'est pas également vrai de tous nos chefs-d'œuvre domestiques) (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 1, 1851-62, p. 131).Il se répandait en malédictions contre l'Allemagne, qu'il accusait avec justice d'avoir, de son lourd esprit domestique, attenté au bon sens des races latines (Bloy, Femme pauvre,1897, p. 119). B.− [En parlant d'animaux] Choisi, élevé par l'homme, qui vit dans son entourage pour l'aider, le distraire, le nourrir. Bête, espèce domestique; canard, lapin, porc domestique. Synon. apprivoisé; anton. sauvage.Le genre « chien », qui comprend, outre l'espèce chien domestique, les espèces loup, renard, chacal (Coupin, Animaux de nos pays,1909, p. 1).Il y a aussi des images d'animaux domestiques, ni chiens ni chats (T'Serstevens, Itinér. esp.,1963, p. 138). − P. ext. [En parlant d'espèces végétales] Cultivé par l'homme pour son plaisir ou son alimentation. Arbre à feuilles caduques (deuxième grandeur). Sorbier domestique, Cormier (sorbus domestica). Sol sec, feuillage vert; fruit pyriforme, jaune verdâtre (massifs) (Gressent, Parcs et jardins,1891, p. 169): 4. J'ai vu un oranger domestique (...) perdre la tête. Il vivait au soleil. Une palme lui fit de l'ombre. Cette ombre l'épouvanta. Sur les quatre branches que la palme ombrait il poussa de longues épines. Il redevint sauvage. On coupa la palme. Les branches se calmèrent et redevinrent domestiques. Les pointes y disparurent.
Cocteau, La Difficulté d'être,1947, p. 168. II.− Substantif A.− Subst. masc. 1. [Sous l'ancien Régime] Homme (même de noble condition) attaché au service d'un grand personnage. Devenu l'un des domestiques, comme on disait, du cardinal de Bagni, adopté dans la famille, il [Gabriel Naudé] se consacra tout entier à ses devoirs envers le noble patron (Sainte-Beuve, Portr. littér.,t. 2, 1844-64, p. 491).Ils [les 24 violons du roi] faisaient partie de la Maison du roi, en qualité d'officiers, domestiques et commensaux, et bénéficiaient à ce titre, de privilèges très nombreux (Grillet, Ancêtres violon,t. 2, 1901, p. 38). 2. Vieilli. Ensemble des domestiques (infra II B 1) qui appartiennent à une maison. Synon. domesticité.Une cuisinière, une femme de chambre, deux laquais et un cocher composaient tout le domestique (Chateaubr., Mém.,t. 1, 1848, p. 106).Il me plaisait de recenser le nombreux domestique de Mmede Réan (Mauriac, Robe prétexte,1914, p. 7): 5. Elles [les filles] sont destinées, les unes à entrer dans le domestique des grandes maisons, et habituées, dans ce but, à servir, à sourire et à n'exhaler sous les coups que des plaintes harmonieuses; les autres à faire métier de courtisanes...
Toulet, Comme une fantaisie,1918, p. 35. Rem. On rencontre ds la docum. domestiquaille, subst. fém. Synon. péj. de domestique. Oh! tu sais, moi, la domestiquaille, je n'ai jamais pu m'y faire (A. Daudet, Nabab, 1877, p. 158). B.− Usuel, subst. masc. et fém. 1. Personne employée pour le service, l'entretien d'une maison. Synon. employé de maison, gens de maison.Un vieux domestique, à la fois valet de chambre, cocher et concierge (Zola, Argent,1891, p. 70).Elle avait une façon de parler patois à ses domestiques que tu jugeais d'un très bon ton (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 63): 6. Je ne me plais qu'à nouer des gerbes, à soulever des pierres, à lier des fagots, ... Je suis peut-être né pour être domestique! C'est affreux! oui, je suis né pour être domestique! je le vois! je le sens!!!
Vallès, Jacques Vingtras,L'Enfant, 1879, p. 61. SYNT. Domestique dévoué(e); son/sa fidèle domestique; domestique stylé; un domestique de ferme, le domestique de l'hôtel, un domestique en livrée; congédier, renvoyer un domestique, sonner un domestique, se placer domestique; servir comme domestique; chambre de domestique (synon. chambre de bonne, chambre généralement située sous le toit). − P. ext. [En parlant d'une chose] MmeOlmer [à Georges]. Je garde seulement la dérouleuse (...). J'ai aimé cette machine, ce sont nos nouveaux domestiques, aussi dévoués (La Varende, Indulg. plén.,1951, p. 332). ♦ Péj. Traiter qqn en domestique; prendre qqn pour son domestique. Je ne suis pas votre domestique! cria-t-il grossièrement (Rolland, J.-Chr.,Matin, 1904, p. 192).Il rougit soudain violemment, confus comme un domestique pris la main dans le sac (Gracq, Beau tén.,1945, p. 110).Si vous lisiez les lettres qu'il m'envoie! On croirait qu'il parle à un domestique (Camus, Possédés,1959, 1repart., 1ertabl., p. 932). − Emploi adj. [En parlant de l'attitude de qqn] Elle [Estelle] eût trop souffert de se retrouver dans une dépendance quasi domestique en présence de son ancienne maîtresse (Balzac, Début vie,1842, p. 397).L'Europe n'était plus qu'un accident géographique, la presqu'île que l'Asie pousse jusqu'à l'Atlantique. Au moins espérions-nous retrouver un peu de notre grandeur dans les yeux domestiques des Africains. Mais il n'y a plus d'yeux domestiques (Sartre, Sit. III,1949, p. 230). 2. P. anal. Personne hiérarchiquement inférieure, qui aide, sert. Synon. servant, serviteur. a) [Le déterm. désigne une pers. ou un groupe] Les dictateurs sont les domestiques du peuple, − rien de plus (Baudel., Cœur nu,1867, p. 655).Il m'a fait entrer dans la troupe. J'y ai été d'abord domestique de tout le monde (Rolland, J.-Chr.,Amies, 1910, p. 1169).Dieu m'a fait pour être son pauvre domestique. Je veux écosser les fèves à la porte du couvent (Claudel, Soulier,1944, 4ejournée, 2, p. 932). b) [Le déterm. désigne une abstraction] Je ne veux être ni la domestique des fantaisies, ni l'esclave des manies des autres! (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 225): 7. Il faudrait pour répondre à ce programme savoir qui on est, et c'est impossible, à cause de cette part d'invisible dont nous sommes les véhicules et les domestiques, irresponsabilité à laquelle Gide refuse de se résoudre.
Cocteau, Poésie critique I,1959, p. 225. Prononc. et Orth. : [dɔmεstik]. Enq. : /domestik/. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. A. Adj. Ca 1393 serviteurs domestiques « de la maison » (Menagier, II, 54 ds T.-L.). B. Subst. 1. av. 1520 « familier, ami intime » (Seyssel, trad. d'Appien, Guerre syriaque, ch. 6, p. 111 ds Hug.); 1534 « celui qui est attaché à une maison, à une personne, souvent rétribué » (Rabelais, Gargantua, L, ibid.); spéc. 1541 les domestiques de la foy (Calvin, Inst., IX, p. 547, ibid.); 2. av. 1594 « ensemble des gens vivant dans la même maison » (G. Bouchet, 7eSeree (II, 64), ibid.); 3. 1732 « ensemble des domestiques d'une maison » (Destouches, Le Glorieux, éd. Le Dentu, 669). Empr. au lat. class.domesticus « de la maison, de la famille »; cf. la forme pop. a. fr. domesche, adj. « apprivoisé, cultivé » ca 1220 (G. de Cambrai, Baarlam et Josaphat, 3890 ds T.-L.). Fréq. abs. littér. Subst. : 4 166. Adj. : 1 822. Fréq. rel. littér. Subst. : xixes. : a) 7 111, b) 9 264; xxes. : a) 6 283, b) 2 901. Adj. : xixes. : a) 3 119, b) 3 993; xxes. : a) 2 749, b) 1 297. DÉR. Domestiquement, adv.,rare. a) En qualité de domestique. Servir qqn domestiquement. Attesté ds Ac. 1835, Littré, Lar. Lang. fr.b) Au fig. C'est tout ce qui est commun, banal, tout ce qui est domestiquement et poncivement du faux beau (Goncourt, Journal,1894, p. 560).− [dɔmεstikmɑ
̃]. Ds Ac. 1694-1878. − 1reattest. 1534 (Le Guidon en françoys, 225b, éd. 1534 ds Rom. Forsch., t. 32, p. 50); de domestique, suff. -ment2*. − Fréq. abs. littér. : 3. BBG. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 10. − Glättli (H.). Vox rom. 1952, t. 12, p. 385. − Hagnauer (R.). L'Expr. écrite et orale. Paris, 1972, p. 262. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, pp. 404-405. |