| DIVISER, verbe trans. A.− Séparer (une chose, un ensemble de choses, un groupe de personnes) en plusieurs unités ou parties. 1. [La séparation est concrètement matérialisée] a) [Le suj. désigne une pers.] Le chirurgien, d'un coup de ciseau, divisait les vêtements que le sang poissait déjà (Duhamel, Cécile,1938, p. 237). − Diviser (qqc) en (parties...) : 1. À condition de savoir se dominer et de diviser son pain en trois portions pour la journée. Au lieu de tout dévorer d'un seul coup, on pouvait à la rigueur tenir.
Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 49. Rem. On rencontre ds la docum. le part. prés.-adj. divisant, ante. Ne nous arrêtons pas trop aux métaux, qui sont seulement la suite d'une action violente ou divisante de l'homme sur des boues ou certains agglomérés qui par eux-mêmes n'eurent jamais de pareilles intentions (Ponge, Parti pris, 1949, p. 59). b) [Le suj. désigne un inanimé] Sommet du cap qui divise la plage (Lamart., T. Louverture,1850, II, 4, p. 1290).La religieuse de garde suivit le couloir qui divisait l'étage (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 38). c) Emploi pronom. à sens passif (cf. division I A 3). − Se séparer en parties. Nous verrons l'œuf se diviser une série de fois en cellules égales (Caullery, Embryol.,1942, p. 30): 2. Les tissus de l'organisme les plus sensibles aux radiations sont ceux dont les cellules se divisent et se reproduisent de façon constante, comme la peau, les muqueuses internes, les tissus générateurs du sang...
Goldschmidt, L'Aventure atomique,1962, p. 217. − Être séparé en parties. Enfin le rideau se divise en deux. À mes pieds une rampe aveuglante... (Green, Journal,1941, p. 90). 2. [Le compl. d'obj. désigne une quantité abstr.] a) [Le verbe exprime une idée de partage] Peut-être les mères peuvent-elles vraiment diviser leur amour maternel sans l'affaiblir; mais je ne suis pas une mère (Montherl., Démon bien,1937, 1repart., p. 1255). − Emplois partic. ♦ Diviser (qqc.) entre (des personnes).Répartir, distribuer : 3. ...là où la vie sociale divise le travail entre les individus et leur impose ainsi des instincts différents, on observe une différence correspondante de structure : ...
Bergson, L'Évolution créatrice,1907, p. 141. ♦ Emploi pronom. (réciproque). Se diviser qqc.Se partager (quelque chose), partager (quelque chose) entre soi. Action et passion se divisent notre domaine intérieur (Teilhard de Ch., Milieu divin,1955, p. 72): 4. L'adolescent qui s'essayait aux lettres (...) ne tardait pas à discerner les partis et les doctrines qui se divisaient le présent ou se disputaient l'avenir.
Valéry, Variété IV,1938, p. 12. b) Emploi abs. Diviser pour comprendre est en philosophie un signe de faiblesse, comme en politique diviser pour régner (Benda, Fr. byz.,1945, p. 63). 3. [La séparation a pour but une classification, une répartition logique] a) [Le compl. d'obj. désigne des inanimés] :
5. [Descartes] examine les idées [de son esprit], qu'il divise en deux classes : les unes, qui lui viennent des sens, (...) les autres, qui sont dans l'âme, ...
Valéry, Variété V,1944, p. 236. − Emploi pronom. à sens passif. Être séparé en plusieurs parties. Les dentales se divisent en plusieurs variétés, suivant la forme que prend l'extrémité de la langue (Saussure, Ling. gén.,1916, p. 73): 6. Dans mon esprit, l'histoire des Thibault s'étendait sur une quarantaine d'années, et se divisait chronologiquement en douze ou treize périodes bien déterminées.
Martin du Gard, Souvenirs autobiographiques et littér.,1955, p. LXXX. b) [Le compl. d'obj. désigne un groupe d'hommes, les hommes, le monde] − [L'obj. désigne un groupe d'hommes, dans un cont. milit.] Pour rendre sa petite armée plus mobile, il la divisa en cinq échelons (Grousset, Croisades,1939, p. 65). ♦ Emploi pronom. réfl. La question du ravitaillement a toujours été difficile. Pour y faire face, l'armée se divisa en deux échelons (Grousset, Croisades,1939p. 27). − [Le compl. désigne les hommes en général] On ne saurait diviser les hommes en conscients et en inconscients (Mounier, Traité caract.,1946, p. 280).On peut diviser l'humanité en trois grandes catégories (Lesourd, Gérard, Hist. écon.,1966, p. 502). − P. anal. : 7. ... il n'y aura plus de Dieu et l'homme sera enfin libre. Alors, on divisera l'histoire en deux parties : du gorille à la destruction de Dieu et de la destruction de Dieu... à la divinisation de l'homme.
Camus, Les Possédés,1959, p. 958. ♦ Emploi pronom. à sens passif. Être divisé en parties. Les hommes de demain, en Europe, qui sont les enfants et les adolescents d'aujourd'hui, se divisent en groupes bien différents (Valéry, Variété IV,1938, p. 203). SYNT. (Se) diviser en branches, catégories, classes, compartiments, échelons, espèces, groupes, lots, moitiés, parts, parties, périodes, portions, rameaux, sections. 4. Spéc., ARITHM. Chercher combien de fois une certaine quantité est contenue dans une autre, en effectuant une division*. Elle ne mit que quelques secondes à répondre, juste le temps qu'il lui fallut pour diviser 500 par 20 (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 98). B.− Séparer (une chose, une personne) d'une autre, de plusieurs autres. 1. Vx et rare. Entre elles, [deux cités] il y avait bien plus que la distance qui sépare aujourd'hui deux villes, bien plus que la frontière qui divise deux États (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 256). − Diviser qqc. d'avec qqc.Diviser la fleur d'avec l'arbre (Saint-Exup., Citad.,1944, p. 972). Rem. Les 2 éléments séparés peuvent ressortir aussi au domaine abstr. et correspondre au même référent. La défaite non seulement divise l'homme d'avec les hommes, mais elle le divise d'avec lui-même (Id., Pilote guerre, 1942, p. 330). 2. Au fig. et gén. péj. [Le compl. d'obj. désigne des pers.] Semer la discorde entre des personnes, désunir un groupe qui est considéré comme normalement uni. Je hais tout ce qui divise les hommes (Gide, Journal,1893, p. 1262).Il est constant que des co-directeurs de journal se jouent des tours, se débinent, se détestent et divisent leur maison en deux clans adverses (L. Daudet, Brév. journ.,1936, p. 218).L'inconvénient de ces vœux exceptionnels est qu'ils risquent de diviser les esprits et même d'opposer les consciences (Bernanos, Dialog. Carm.,1949, 4etabl., 13, p. 1685). − Emploi pronom. réfl. Se désunir. Nos parents étaient des personnes primitives qui, à la suite d'une bataille au sujet d'un timbre, se divisèrent et vécurent en deux camps (L. de Vilmorin, Sainte,1934, pp. 83-84): 8. ... il faut à présent que je complète ce tableau du désordre et cette composition du chaos, en vous représentant celui qui le constate et qui l'alimente, celui qui ne peut ni le souffrir ni le renier, celui qui ne cesse, par essence, de se diviser contre soi-même. Il s'agit de l'esprit.
Valéry, Variété III,1936, p. 205. − Domaine pol., soc.Diviser le gouvernement, la classe ouvrière. Il pense aux grands conflits politiques qui vont, sans doute, diviser ce pays (Green, Journal,1935, p. 35).C'était un débat passionné parmi nous, une querelle inépuisable qui divisait le camp (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 361).Deux conceptions opposées et, à mon sens, également fâcheuses divisaient les fractions politiques (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 265): 9. ... le nouvel arrivé nous entretint de ses opinions politiques, sans avoir débuté par aucuns de ces propos préalables qu'inspirent la prudence et la discrétion, dans un pays où la différence des opinions divise souvent les hommes...
Crèvecœur, Voyage dans la Haute Pensylvanie,t. 1, 1801, p. 323. ♦ Absol., loc. proverbiale. Diviser pour régner (cf. A 2 b). ♦ Emploi pronom. réfl. Ça serait joli si la gauche commençait à se diviser (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 22). Prononc. et Orth. : [divize], (je) divise [divi:z]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1377 (Oresme, Livre du ciel et du monde, éd. A. Menut et N. Denomy, p. 714); rare av. le xvies. (Gdf. et Hug.); fin xve-début xvies. au fig. « brouiller, semer la discorde » (R. de Collerye,
Œuvres, éd. Ch. d'Hericault, p. 202 : nations divisées). Réfection d'apr. le lat. dividere « diviser, partager, répartir » de l'a. fr. deviser « diviser, séparer », v. deviser. Fréq. abs. littér. : 1 938. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 842, b) 1 571; xxes. : a) 2 013, b) 2 054. Bbg. Termes techn. fr. Paris, 1972, p. 83. |