| DIVIN, INE, adj. et subst. masc. [Correspond à divinité I] Qui est relatif à la divinité ou d'ordre supra-humain; ce qui est relatif à la divinité. Il [le Christ] a apporté à la terre la doctrine la plus sainte, la plus féconde et la plus divine qui ait jamais rayonné sur l'intelligence humaine (Lamart., Voy. Orient,t. 1, 1835, p. 225).Shiva, la personnification divine des forces naturelles (Verne, Tour monde,1873, p. 75).Plus d'un penseur s'est perdu à vouloir gouverner et ranger des idées; cette sagesse est divine, non humaine (Alain, Propos,1933, p. 1127):1. Qu'est-ce enfin que le logos éternel et créateur de Platon, connaissance divine, première cause des créatures, original immatériel et éternel sur lequel toute chose a été faite et par lequel toute chose est successivement créée...
P. Leroux,De l'Humanité,t. 2,1840,p. 901. I.− [Correspond à dieu 1resection I A; dans une perspective polythéiste] Qui est relatif à un (ou aux) dieu(x). Personnages divins, figures divines; tétrade divine; les neuf sphères divines; disputes divines; divines puissances. Pythagore pensait que les corps célestes étaient immortels et divins (Dupuis, Orig. cultes,1796, p. 47). − En partic. ♦ [En parlant de qqc.] Qui est caractéristique d'un (ou des) dieu(x), qui lui (ou leur) est propre. Le séjour consacré à la Sibylle, à la mémoire d'une femme animée par une inspiration divine (Staël, Corinne,t. 2, 1807, p. 65).Les Brahmanistes repoussaient du dedans des pierres (...) les mille bras divins portant le lotus ou la hache (Faure, Espr. formes,1927, p. 232).Qui a un (ou les) dieu(x) pour origine ou pour objet. Oracles, cultes divins; malédiction, vengeance divine; divines oboles. Pompée marchoit aux combats, en invoquant l'assistance divine (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 255). ♦ [En parlant de qqn] Qui est attaché au service, au culte d'un (ou des) dieu(x), qui est inspiré par lui (eux). Divine sibylle. Bacchus aime de promener ici le cortège de ses divines nourrices (Barrès, Voy. Sparte,1906, p. 40). − Spéc. [En parlant de certains hommes ou de certains animaux (cf. dieu 1resection I A 1 spéc.)] Qui est élevé au rang de dieu, qui est divinisé. La terre (...) où les ancêtres divins reposaient (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 169).La fille du divin Hercule : Messaline (Péladan, Vice supr.,1884, p. 68). ♦ Loc. Rendre à qqn les honneurs divins. Rendre à un homme divinisé les honneurs ordinairement rendus aux dieux. Décerner, recevoir les honneurs divins. Les Grecs rendirent des honneurs divins au barbare. Ils dédièrent des offrandes à Titus et Hercule, à Titus et Apollon (Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 57). II.− [Correspond à dieu 1resection I B; dans une perspective monothéiste, en particulier dans la tradition judéo-chrétienne] A.− Qui est caractéristique de Dieu, qui lui est propre; de Dieu. Il fera plus qu'aucun autre pour vider l'idée divine de toute signification déterminée (Massis, Jugements,1923, p. 88): 2. ... S. Jean a pu voir la pensée divine ou le Verbe parlant par Jésus, sans tomber dans l'idolâtrie, et sans faire de Jésus, considéré comme révélateur de la pensée divine, une personne en Dieu, ainsi que le Christianisme l'a fait après lui.
P. Leroux, De l'Humanité,1840, p. 821. SYNT. a) Subst. + divin, ine. Amour, pouvoir, vouloir divin. b) Divin, ine + subst. Idée, connaissance, nature, pensée, action, création divine; puissance, autorité, volonté divine; perfection(s), sagesse, providence, équité, miséricorde, charité divine(s); colère crainte divine. B.− En partic., dans le christianisme 1. Personne divine. Chacune des trois personnes de la Sainte Trinité, Dieu étant la première, le Christ la deuxième et le Saint-Esprit la troisième. Les trois personnes de la Sainte Trinité. Il ne faut pas vouloir scruter témérairement et définir en maître la nature des divines personnes, de l'Esprit-Saint (Dupanloup, Journal,1853, p. 167). ♦ [Syntagmes dans lesquels divin renvoie à la première pers. de la Trinité, Dieu] L'Être divin, le divin Créateur, le divin Époux. L'Être divin est nécessairement éternel, puisque l'existence est son essence même (Gilson, Espr. philos. médiév.,1932, p. 58). ♦ [Syntagmes dans lesquels divin renvoie à la deuxième pers. de la Trinité, le Christ] Le Verbe divin; le divin Messie, le divin Sauveur, le divin Rédempteur, l'Agneau divin; le divin Enfant (synon. l'Enfant Jésus). Il est né le divin Enfant. Titre d'un cantique de Noël. Révélation divine, incarnation divine, agonie divine, corps divin, sang divin. Toutes les voix des nonnes s'élevèrent (...) chantant le vieux Noël : il est né le divin enfant (Huysmans, En route,t. 1, 1895, p. 94).Des hommes ont vu le corps divin qui allait ressusciter dans la gloire (Psichari, Voy. centur.,1914, p. 204). − [Syntagmes dans lesquels divin renvoie à la Vierge Marie, mère du Christ] La Mère divine; la maternité divine. Je suis vous le savez une pauvre orpheline; Je n'ai d'autre gardien que la Vierge divine (Desb.-Valm., Mél.,1859, p. 219). 2. [En parlant de qqn] a) [En parlant des anges attachés au service de Dieu] Divines hiérarchies, divins messagers; phalanges divines; anges, envoyés divins. Hiérarchie des anges, (...) ces divins messagers portent les décrets du Très-Haut, d'un bout de l'univers à l'autre (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 496). b) [En parlant d'un être hum. consacré à Dieu] Divin apôtre; prophètes, missionnaires divins : 3. Silence au camp! la Vierge est prisonnière;
Par un injuste arrêt Bedfort croit la flétrir : (...)
Des pontifes divins, vendus à la puissance,
Sous les subtilités des dogmes ténébreux
Ont accablé son innocence.
Delavigne, Messéniennes,1824, p. 51. 3. [En parlant de qqc.] a) Qui provient de Dieu, qui a Dieu pour origine, qui est le fait de Dieu. Assistance, grâce divine : 4. Vous cherchez Dieu dans votre vie, et Dieu n'apparaît pas, nous dites-vous. Mais quelle vie n'a pas des milliers d'heures semblables à l'heure de ce drame où tous attendent l'intervention divine...
Maeterlinck, Le Trésor des humbles,1896, p. 231. SYNT. Punition divine du péché originel, malédiction divine; autorité divine de l'Église; amour divin; monarchie de droit (v. ce mot) divin; mystères divins; divins sacrements; implorer la faveur, la protection divine; attirer la bienveillance, la bénédiction divine; lire, entendre, répandre la parole divine. ♦ Qui est inspiré par Dieu. Divines Écritures, divins Psaumes; livre divin des Évangiles. L'Église (...) prépare quelque œuvre divine avant les grandes douleurs (Maritain, Primauté spirit.,1927, p. 134): 5. Les Saintes Écritures offrent un autre grand bien, elles consolent. C'est un des traits les plus caractéristiques des divins livres.
Dupanloup, Journal intime,1853, p. 85. b) Qui participe de la substance ou de la nature divine. Hostie divine : 6. ... ou bien je suis, mais mon essence est divine, ou bien je ne suis pas, mais le néant n'est rien de positif, et nous n'en pouvons former une idée.
J. Vuillemin, Essai sur la signif. de la mort,1949, p. 58. − P. ext. Dont la nature est marquée par son origine de créature faite à l'image de Dieu. Si l'homme ne jouit pas d'une condition divine, c'est qu'il y a dans le monde une abomination qui le lie (Maritain, Human. intégr.,1936, p. 242). c) Qui a Dieu pour objet, qui est dû à Dieu. Culte, office, service divin; cantiques divins. Elle assistait aux offices divins avec un respect mêlé de crainte et d'amour (Montalembert, Ste Élisabeth,1836, p. 66). 4. [Lexie à contenu relig. affaibli] Interjection. Bonté divine! Cf. bonté B 2. 5. Allus. littér. [P. réf. à La Divine Comédie de Dante] :
7. L'histoire et la légende ne sont que les nourritures dont a pu se repaître le monstre qui vit devant nous, aussi étranger à l'humanité, aussi complet dans sa plainte que la plus étrange des divines comédies.
Brasillach, Pierre Corneille,1938, p. 305. III.− Emploi subst. masc. Le divin. Ce qui est relatif à la divinité, aux dieux ou à Dieu (cf. divinité I).Appétit, révélation du divin. L'âme est combattue entre le divin et le terrestre (Béguin, Âme romant.,1939, p. 279).Innombrables sont nos voies, et nos demeures incertaines. Tel s'abreuve au divin dont la lèvre est d'argile (Saint-John Perse, Exil,1942, p. 253): 8. ... loin de croire le surnaturel, le divin inventés par l'homme je pense que c'est l'intervention millénaire de l'homme qui a fini par nous corrompre le divin.
Artaud, Le Théâtre et son double,1938, p. 13. IV.− P. hyperb. A.− [P. oppos. au caractère imparfait qui est gén. attaché à tout ce qui est hum. ou terrestre] 1. [Au plan de l'esthétique dans le sens gén. « science du beau »] Qui représente − dans son genre − la perfection, l'excellence, et qui émerveille. a) Dans le domaine de la création artistique et intellectuelle − [En parlant de l'artiste lui-même] Artiste divin; divin auteur, divin Platon, divin statuaire, divine cantatrice. Le grand héros nous semble un meurtrier (...) ce divin coloriste un barbouilleur de toiles (Banville, Cariat.,1842, p. 52).Ce monde enchanté qu'évoquait la lecture des divins poètes, Goethe, Schiller, Shakespeare (Rolland, J.-Chr.,Matin, 1904, p. 188). − [En parlant de son œuvre]
Œuvre, poésie, musique, gravure divine; chant divin; divin tableau : 9. Admirable vue de la première page de l'Histoire de Notre-Seigneur. C'est sensiblement et absolument divin; d'une pureté, d'une clarté infinie dans la simplicité et la grandeur.
Dupanloup, Journal intime,1869, p. 326. b) [En parlant de l'aspect phys. de qqn; gén. en parlant d'une femme et dans le lang. galant] Créature divine, beauté divine, femme aux divins appas, les plus divins attraits, profil divin, charmes divins, yeux divins : 10. ... Avec ses grands cheveux aux naturelles boucles,
Ses yeux étincelants comme des escarboucles,
Son col blond et doré, sa bouche de corail,
Son pied de Cendrillon et sa jambe divine,
Et ce que l'ombre cache et ce que l'on devine,
Seule elle valait un sérail.
Gautier, Albertus,1833, p. 174. ♦ [Formule affectueuse] Mon divin bijou. Rare. [À l'adresse d'un homme] Elle l'appelait : « ma petite fleur, mon chérubin, mon ange adoré, mon divin bijou » (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Orphelin, 1883, p. 838). − En emploi subst. ♦ Le divin. La beauté, la grâce, le charme féminins dans toute leur perfection : 11. ... Qui connaît son sourire a connu le parfait.
Elle fait de la grâce avec rien, elle fait
Tenir tout le divin dans un geste quelconque,
Et tu ne saurais pas, Vénus, monter en conque,
Ni toi, Diane, marcher dans les grands bois fleuris,
Comme elle monte en chaise et marche dans Paris! ...
Rostand, Cyrano de Bergerac,1898, I, 5, p. 53. ♦ Par antonomase. [Pour désigner une femme] La divine. Tu vas pouvoir faire des courses, mais tu n'as pas la divine pour te trimbaler avec elle dans les musées (Flaubert, Corresp.,1866, p. 218). 2. [Au plan de l'esthétique dans le sens étymol. « science du sentiment »] a) [En parlant de certaines qualités de cœur ou d'esprit] Que sa nature ou sa qualité rend digne de Dieu ou des dieux. Intuition, inspiration divine; pitié si divine. Un enfant (...) qui, sous le joug d'une imagination presque divine, s'abandonnait avec amour au torrent de ses pensées (Balzac, L. Lambert,1832, p. 57). ♦ [En parlant d'une pers. douée de toutes les qualités] Que sa supériorité et sa perfection rendent comparable à Dieu ou aux dieux : 12. Il est des personnes auxquelles tout est permis (...) il en est d'autres pour lesquelles le monde est d'une incroyable sévérité : celles-là doivent faire tout bien, ne jamais ni se tromper, ni faillir ni même laisser échapper une sottise (...) on ne leur permet rien d'humain, elles sont tenues d'être toujours divines et parfaites.
Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 133. b) [En parlant de certains sentiments ou de jouissances très diverses] D'une qualité, d'une pureté, d'une intensité telles qu'elles ne paraissent plus naturelles mais surnaturelles. Souvenirs de nos heures les plus divines. Les paroles débordaient de lui, ce qui est propre à ces divins paroxysmes de la joie (Hugo, Misér., t. 2, 1862, p. 658).Il vit la divine lumière qui souriait autour d'eux (Rolland, J.-Chr.,Révolte, 1907, p. 592).Ses lettres, empreintes d'une divine innocence, sont sincères, momentanément (Beguin, Âme romant.,1939, p. 249). 3. [Pour exprimer l'excellence, perçue au seul plan sensoriel, de certaines choses] a) Dans le domaine de la gustation.Mets divin, liqueur divine; divin breuvage, porto; soupers, ananas divins; divins dîners : 13. − Diable! fit-il après avoir avalé ces confitures divines (...) la chose ne me paraît pas aussi succulente que vous l'affirmez.
Dumas père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 406. b) [Dans le domaine des conditions atmosphériques en tant qu'elles produisent une impression sur l'homme] Loc. fam., vieilli. Il fait (un temps) divin. Il fait un temps délicieux, très agréable. Un temps divin de beauté bleuâtre et serein (Barb. d'Aurev., Memor. 1,1837, p. 134). B.− P. ext. [P. oppos. au caractère rationnel et naturel que l'on attache à ce que l'on connaît et s'explique; en parlant de qqc. d'inconnu et de mystérieux que l'on s'explique mal ou pas du tout, et que l'on tend de ce fait à attribuer à quelque cause surnaturelle] :
14. Mon père était un obscur honnête homme qui, de bien bonne foi, raisonnait à sa manière sur la nature et ses divins secrets.
Nerval, Faust,1840, p. 54. − [À l'idée de mystère s'ajoute le sentiment de qqc. d'extraordinaire, de prodigieux, de miraculeux] Il n'y a pour me rappeler un peu à moi que le thé, le thé divin qui donne la fièvre et qui rend la mémoire (Alain-Fournier, Corresp.[avec Rivière], 1905, p. 207). Rem. À noter que l'adj,. divin, ine, quoique exprimant une qualité absolue, se rencontre − dans les emplois hyperboliques seulement − empl. avec certains degrés de compar. (plus, si, presque). Il est probable que ce soit p. anal. avec l'adj. humain, aine, ainsi que le suggère Littré. Prononc. et Orth. : [divε
̃], fém. [-vin]. Ds Ac. 1694-1932. Comparez, dans la liaison, la prononc. de malin esprit, fin esprit, [malε
̃nεspʀi], [fε
̃nεspʀi] avec celle de divin Enfant, le divin Achille, Homère, Ulysse, le divin amour où il n'est plus d'usage de conserver la nasale : [divinɑ
̃fɑ
̃], [divinaʃil], [-ɔmε:ʀ], [-ylis], [divinamu:ʀ]. Mart. Comment prononce 1913, p. 389, explique la suppression de la nasale par la grande diffusion des Cantiques de Noël qui a imposé [divinɑ
̃fɑ
̃]. Cette prononc. s'est étendue, p. anal., à d'autres expr. formées à partir de divin du type divin Achille, etc., sans que, pour autant, d'apr. Mart., loc. cit., il soit obligatoire d'aligner la prononc. de ces expr. sur divin Enfant. Littré se prononce pour la conservation de la nasale. Pour les expr. malin esprit, fin esprit, Mart., loc. cit., conseille, afin d'éviter le piège, de les inverser en esprit malin et esprit fin mais n'en change-t-il pas en même temps le sens? Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 « qui appartient à Dieu » (Alexis, éd. Storey, Prologue : Par le divine volentet); 1552 subst. (Ronsard, Amours, éd. P. Laumonier, p. 74 : Le divin des divines vertuz) plusieurs attest. au xvies., repris en 1850 (Balzac, Lettres Étr., t. 3, p. 125); 2. 1552 « beau, excellent » (Ronsard, op. cit., p. 48 : Divin Bellay). Empr. au lat.divinus « des dieux, de Dieu; merveilleux, excellent ». Fréq. abs. littér. : 8 678. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 16 176, b) 11 407; xxes. : a) 10 771, b) 10 512. Bbg. Duch. Beauté. 1960, p. 108. |