| DISSERTER, verbe intrans. A.− Développer et exposer méthodiquement, par écrit ou oralement, des arguments (sur un sujet, un thème, une question savante). Disserter sur, de, à propos de qqc.; disserter pour ou contre qqc. (rare); disserter gravement, savamment, profondément, subtilement. Les docteurs dissertent et disputent sur le thème de l'immaculée conception et (...) la division règne à ce sujet parmi les théologiens (Faral, Vie temps St Louis,1942, p. 223).Des milliers d'étudiants et d'érudits dissertent (...) sur des tableaux, des sculptures, des objets dont ils ne connaissent que les photographies (Prinet, Phot.,1945, p. 94): 1. On n'a jamais autant parlé de l'art qu'au siècle dernier et en celui-ci; on ne finit pas d'en discourir et d'en disserter : il nous a valu d'innombrables traités et théories; ...
Aymé, Le Confort intellectuel,1949, p. 152. Rem. 1. Disserter implique de nos jours, une idée d'argumentation qui n'est pas obligatoirement réglée par les lois du discours sc. Ces deux chapitres de l'astronomie sont nettement séparés. L'un consisterait en une observation minutieuse des phénomènes (...) ce serait un chapitre hautement scientifique. L'autre aurait une allure plus philosophique, plus aléatoire; dissertant d'un passé ou d'un avenir très lointains, la cosmogonie se contenterait de solutions probables (Hist. gén. sc., t. 3, vol. 2, 1964, p. 587). 2. On rencontre ds la docum. 2 attest. de disserter construit transitivement. C'est un érudit qui disserte avec plus ou moins de sagacité les témoignages contemporains (Barante, Hist. ducs Bourg., t. 1, 1821-24, p. 12). Les quatre amis se trouvaient en ce moment réunis en conseil, et, sous la présidence d'un appétit féroce, dissertaient la grave question du pain et de la viande (Murger, Scènes vie boh., 1851, p. 184). Synon. débattre, discuter. − ENSEIGN., rare. Écrire une dissertation (cf. dissertation B 1). L'écrit se passa pendant huit torrides jours sous les toits de la Sorbonne. Augustin disserta sur une pensée de Pascal (Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 185). B.− P. ext., gén. avec une nuance péj. 1. Développer en bonne et due forme (et souvent longuement) des arguments, des opinions (sur un sujet quelconque) de manière oiseuse ou pédante et ennuyeuse. Synon. discourir.M. de Séranville n'admettait nulle comparaison avec ce bon bourgeois de Riquebourg, qui dissertait sur les comptes de sa cuisinière (Stendhal, L. Leuwen,t. 3, 1836, p. 111): 2. C'était de plus haut que ces messieurs [les journalistes de la collaboration] prenaient les choses. Ils dissertaient sur l'effacement des nations et sur la domination des empires. Dogmatique comme Bossuet, Drieu la Rochelle écrivait à sa manière la suite de l'Histoire Universelle. Ces beaux esprits planaient, planaient... mais le peuple, lui, et surtout ce peuple de Paris, ne planait pas, il demeurait tout près de la terre ...
Mauriac, Le Bâillon dénoué,1945, p. 395. − P. anal. Tous ces poètes et compositeurs de la fin du Vesiècle... dissertent en musique sur l'amour et la haine (Laloy, Aristoxène,1904, p. 345). − Emploi abs. [Vauvenargues] est proprement dans son élément quand il disserte; il a une belle langue intérieure, mais un peu molle parfois, à demi oratoire, périodique, et qui se complaît dans ses développements (Sainte-Beuve, Caus. lundi,t. 14, 1851-62, p. 39).Il existe à Paris, autour des ateliers intellectuels, une tribu de parasites, ingénieux dans la critique, impuissants dans l'œuvre, qui dissertent toujours et ne créeront jamais (Veuillot, Odeurs de Paris,1866, p. 85). 2. Rare. S'entretenir (avec quelqu'un) sur un sujet. Synon. deviser.Il y avait beaucoup d'intimité entre tous les habitués de ce salon. J'aimais à m'y asseoir à côté d'une jeune femme et à disserter avec elle sur des nuances de sentiments (Maurois, Climats,1928, p. 141). Prononc. et Orth. : [disε
ʀte], (je) disserte [disε
ʀt]. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1722 (Marivaux, Spectateur français, 147 d'apr. Arveiller ds R. Ling. rom., t. 35, p. 219). Empr. au lat. impérialdissertare « discuter, disserter ». Fréq. abs. littér. : 153. Bbg. Arveiller (R.). R. Ling. rom. 1971, t. 35, p. 219. |