| DISETTE, subst. fém. Manque de ce qui est nécessaire à la vie. A.− Manque de ce qui est nécessaire à la vie du corps et notamment manque de vivres. Disette de blé, de céréales; années, temps de disette; souffrir de la disette. Il aurait fallu prolonger la guerre; l'armée française souffrait du froid et de la disette (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 215).Je trouve ici [à Paris] les gens en proie à une panique qui, bien ou mal fondée, est sérieuse. Il y a disette de pain et disette d'argent à la fois (Mérimée, Lettres Ctesse de Montijo,t. 2, 1870, p. 192): 1. Les informations que je reçois aujourd'hui de Paris me font penser, qu'étant donné la disparition presque complète des forces de police et des forces allemandes à Paris et dans l'état d'extrême disette alimentaire qui y règne, de graves troubles sont à prévoir dans la capitale avant très peu de temps.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1956, p. 702. 2. Le surpeuplement des campagnes ayant cessé, on y connut moins souvent chômage et disette; la mortalité y diminua aussi. Les importations de céréales, de plus en plus pratiquées, réduisirent les conséquences des mauvaises récoltes, même si le prix du pain augmentait brusquement.
Lesourd, Gérard, Hist. écon., XIXeet XXes.,1968, p. 192. − P. métaph. Il importait (...) de ne pas le laisser [l'enthousiasme] (...) s'effriter, mourir de disette (Arnoux, Roi d'un jour,1956, p. 9).Un long rêve s'achevait, ce rêve qui, pendant plus de deux ans, nous avait dupés, perdus, rassasiés de nos faims, désaltérés de nos soifs, repus de toutes nos disettes. Nous repartions, brisés, déçus, saouls de fatigue et de souffrance, mais allégés, allégés quand même (Duhamel, Notaire Havre,1933, p. 235). − P. anal. et p. plaisant. Disette (d'argent). Ma disette était telle que je n'osais plus fouiller dans mes poches pour me rendre compte (Céline, Voyage,1932, p. 256). B.− P. ext. Manque de ce qui est considéré comme bon et indispensable à la vie de l'esprit et du cœur. 1. Rare. [En parlant d'inanimés concr.] Il y a disette de bons romans (Balzac, Corresp.,1822, p. 204). 2. [En parlant d'inanimés abstr.] Disette d'idées, de sujets; se trouver en disette de propos. L'organisme social n'a jamais à redouter ni surabondance ni disette de talents spéciaux (Proudhon, Propriété,1840, p. 309): 3. Dans sa disette momentanée de passions, il lui arrivait de regarder autour de lui et de se demander pour qui il écrivait.
Rolland, Jean-Christophe,Le Buisson ardent, 1911, p. 1274. − Rare et p. plaisant. [En parlant d'attitudes, de comportements] Une exceptionnelle disette d'amitiés féminines, de complicités, d'appuis féminins (Colette, Apprent.,1936, p. 171). Rem. On rencontre ds la docum. l'adj. disetteux, euse, vx. Qui souffre de la disette. C'est le soleil qui, sous le nom d'Orus, naissait, comme votre dieu, au solstice d'hiver dans les bras de la Vierge céleste, et qui passait une enfance obscure, dénuée, disetteuse (Volney, Ruines, 1791, p. 238). Noté comme ,,vx`` par Ac. 1798, ,,vieilli`` par Ac. 1835, 1878; absent d'Ac. 1932. Prononc. et Orth. : [dizεt]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1200 disiete (Antioche, éd. P. Paris, VIII, 458) cf. aussi 1250 disgete (Acte de donation fait à Douai ds Tailliar, Recueil d'Actes des XIIeet XIIIes., p. 178); ca 1200 disete (Renart, éd. M. Roques, X, 10629). Orig. obscure. L'hyp. d'une formation sur dire1* (v. rem. p. 246) d'après le sens de ce verbe dans les expr. formées à partir de à dire « manquant » (cf. dire1étymol. 8 a et adirer*) (FEW t. 3, p. 69b; Bl.-W.51rehyp.) semble possible mais la forme d'a. fr. disgete reste alors inexpliquée. Un empr., à l'époque des croisades, au gr. byzantin δ
ι
́
σ
ε
χ
τ
ο
ς « bissextile », transcr. du lat. bissextus (par substitution de δ
ι- « double » au lat. bi-) dans un emploi subst. au fém. avec la signification de « année mauvaise », cf. bicêtre1, est possible et expliquerait la présence du terme en a. gênois dexeta (Schwyzer ds Z. vergl. Sprachforsch t. 56, p. 311; Bl.-W.52ehyp.). Les hyp. à partir de formations latines comme desecta emploi subst. fém. du part. passé de desecare « séparer en coupant » (DIEZ5, p. 562) ou disjecta, emploi subst. du part. passé de disjicio « jeter, disperser, séparer, détruire » (Littré; A. Jenkins ds Mélanges A. Thomas, 1927, p. 311) ou decepta emploi subst. du part. passé de decipio « surprendre, tromper, décevoir » (Cornu ds Romania t. 32, pp. 124-125) laissent trop de difficultés phonétiques ou sémantiques inexpliquées. L'hyp. d'une orig. bret. (Gamillscheg ds Z. rom. Philol. t. 40, p. 528 et EWFS2), fondée sur une forme mod., est encore moins probable. Fréq. abs. littér. : 270. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 677, b) 381; xxes. : a) 162, b) 268. |