| DISCRET1, ÈTE, adj. I.− [Avec l'idée de discernement] Inus. Qui a du discernement, du jugement; avisé. − Vx. Vénérable et discrète personne. ,,Titre honorifique donné autrefois aux prêtres`` (Ac. 1835-78). Père discret, mère discrète. ,,Religieux ou religieuse qui entre dans le conseil du Supérieur ou de la Supérieure d'une communauté`` (Ac. 1835-78); cf. discrétoire dér. s.v.. II.− [Avec l'idée de réserve, de mesure, de modération] A.− Dans le domaine des relations soc. 1. [En parlant d'une pers.] Qui se conduit avec réserve, retenue. (Quasi-)synon. réservé.Wilde se montrait peu, si discret, si réservé que je le connaissais à peine (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1234).Je me montrais à la fois danseur infatigable et discret érudit (Camus, Possédés,1959, p. 1487): 1. ... nous n'avions pas les mêmes relations : elle fréquentait des gens fins, intelligents, discrets, et nous des gens bruyants, assoiffés, auxquels mon père demandait simplement d'être beaux ou drôles. Je crois qu'elle nous méprisait un peu, mon père et moi, pour notre parti pris d'amusements de futilités, comme elle méprisait tout excès.
Sagan, Bonjour tristesse,1954, p. 19. Rem. Discret a parfois une valeur intentionnelle et signifie « qui cherche à passer inaperçu ». Il y avait plusieurs officiers allemands, discrets, effacés, s'efforçant visiblement de faire oublier leur uniforme (Vailland, Drôle de jeu, 1945, p. 64). 2. [En parlant du caractère d'une pers.] Cette nature discrète et décente de Fénelon, qui était le goût suprême, devait être choquée de bien des outrecuidances de Villars (Sainte-Beuve, Causeries du lundi,t. 8, 1851-62, p. 108). 3. [En parlant d'une conduite, d'une attitude, d'une manière d'être ou de faire] Qui est la marque d'une certaine retenue ou réserve. Synon. délicat.Un sourire discret; étouffer un soupir discret; garder un silence discret; des manières discrètes. Un héroïsme enfin plein et sobre, gai et discret, un héroïsme à la française (Péguy, Notre jeunesse,1910, p. 147).La tendresse s'abritait presque toujours chez elle sous des regards discrets et des mots d'un usage familier (Roy, Bonheur occas.,1945, p. 202).Ma grand-mère, elle-même, eut le triomphe discret (Sartre, Mots,1964, p. 9): 2. ... la scène classique du bord des loges : éventail d'écaille et de dentelle noire qui palpite, mise au point de la lorgnette de nacre, applaudissements discrets.
Cocteau, Portraits-souvenirs,1935, p. 38. − En partic. [En parlant des actes de lang.] ♦ [L'accent est mis sur le caractère soc. de la convenance] Qui n'en dit pas trop ou pas autant (relativement à ce qui a été dit ou pourrait être dit); qui est exprimé avec mesure, délicatesse. Faire un compliment, un reproche discret; faire des condoléances discrètes : 3. ... toute doctrine de l'imaginaire est obligatoirement une philosophie du trop. Toute image a un destin de grandissement. Un poète contemporain sera plus discret, mais il en dira tout autant.
Bachelard, La Poétique de l'espace,1957, p. 190. ♦ [L'accent est mis sur la nature du contenu] Qui dit uniquement ce qui semble nécessaire à la communication et dont le champ d'application est sélectif et restreint. Des allusions discrètes; de discrètes consignes de silence. Proposant de suggérer par insinuations discrètes à M. Baponot l'octroi d'une clé spéciale à son ingénieur-chimiste (Queneau, Loin Rueil,1944, p. 94). B.− P. ext. [En parlant de choses concr. ou abstr.] 1. [L'idée dominante est celle de mesure] a) [En parlant d'un fait, d'une chose quelconque] Qui se manifeste avec modération, retenue, sans attirer l'attention. Lucien était seul, sans ombre, sans écho, au milieu de cette nature trop discrète, qui ne pesait pas (Sartre, Mur,1939, p. 190).Son veston serré (...) sur un ventre discret (Vialar, Hte-mort,1951, p. 205): 4. Un beau soleil doré chauffait doucement les pierres jaunes du cloître... Dans une heure, une minute, une seconde, maintenant peut-être, tout pouvait crouler. Et pourtant le miracle se poursuivait. Le monde durait, pudique, ironique et discret (comme certaines formes douces et retenues de l'amitié des femmes).
Camus, L'Envers et l'endroit,1937, p. 112. b) [En parlant d'obj. concr.; indique un jugement de valeur esthétique, moral, etc., en fonction des conditions soc.] Qui n'attire pas l'attention, qui ne se fait pas remarquer. Un vêtement discret; une voiture discrète. (Quasi-) synon. de bon ton.La chasuble de deuil, avec ses croix lobées et ses discrets rinceaux blancs (Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 221): 5. Nani entrait dans l'antichambre, avec son sourire, sa face rose de prélat aimable, sa soutane fine, sa ceinture de soie violette, luisaient d'un luxe discret et doux.
Zola, Rome,1896, p. 76. Rem. On rencontre ds la docum. qq. emplois de discret dans ce sens, où le jugement de valeur est délibérément recherché; dans ce cas, le discret peut devenir remarquable. Wilfred remarqua l'élégance un peu trop évidente du costume noir que portait son cousin. On ne pouvait être discret d'une façon plus voyante (Green, Chaque homme dans sa nuit, 1960, p. 16). 2. [L'idée dominante est celle de modération; en parlant de l'intensité visuelle ou acoustique] Qui ne dépasse pas un certain degré. a) [En parlant de teintes, de couleurs, de la lumière] Des tons fins et discrets; des gris et des bleus discrets; des lumières discrètes. Anton. chaud, criard, éclatant.Les briques de la façade (...) s'harmonisaient avec les ocres discrets de la falaise (H. Bazin, Mort cheval,1949, p. 25): 6. On eût dit que la lune elle-même participait à la dorure du couchant; dans l'air trop lumineux encore elle ne jetait pas de rayons; elle semblait un gros objet coloré mais non lumineux et ne jetait sur le jade de la mer que de discrètes paillettes d'or,...
Gide, Journal,1922, p. 734. b) [En parlant de sons, de bruits] Le murmure discret des prières. Synon. étouffé, faible, léger.Ce murmure [de l'averse], ce ruissellement discret, continu, doux et triste (Carco, Voix basse,1938, p. 189).Quelques sonneries discrètes de cloches (Montherl., Maître Sant.,1947, I, p. 597). Rem. Lorsqu'il s'applique à des coups frappés à une porte ou à un bruit destiné à attirer l'attention de qqn, discret peut avoir deux nuances spécifiques « qui vise à attirer l'attention uniquement de la personne concernée » ou « qui manifeste la bonne éducation de la personne qui frappe ou qui cherche à attirer l'attention ». Un discret claquement de doigts. Je frappai trois coups discrets à la porte de gauche du cinquième étage (Maupass., Contes et nouv., t. 2, MllePerle, 1886, p. 67). C.− [En parlant de ce qui implique ou suppose le secret] 1. [En parlant d'une pers.] Capable de garder un secret. Un confident discret. Le secret est une tombe et ce n'est pas pour rien que l'homme discret se vante d'être le tombeau des secrets (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 91): 7. Une première fois, qui avait servi pour toutes, le régisseur avait indiqué de vive voix le domicile de madame Clapart au discret voiturier, en le priant de ne jamais confier à d'autres ce précieux message.
Balzac, Un début dans la vie,1842, p. 331. 2. [En parlant d'une action] Qui cherche à passer inaperçu, à rester secret; qui ne doit pas être divulgué. Le souvenir des prisons de la surveillance et des exécutions discrètes me traversa l'esprit (Gracq, Syrtes,1951, p. 336).L'appui discret, mais déterminé, du gouverneur-général Ryckmans (De Gaulle, Mém. guerre,1954, p. 93). 3. [En parlant d'un lieu] Retiré, tranquille, peu fréquenté. Un endroit, un coin discret. La petite rue Ballu qui est bien l'une des plus discrètes de cette région de Paris (Duhamel, Passion J. Pasquier,1945, p. 139).De petites affiches blanches que la préfecture avait fait rapidement coller dans les coins les plus discrets de la ville (Camus, Peste,1947, p. 1258). − P. ext. Favorable au mystère, au secret. Ils [Emma et son amant] avisèrent... à organiser leurs rendez-vous; Emma voulait corrompre sa servante par un cadeau; mais il eût mieux valu découvrir à Yonville quelque maison discrète (Flaub., MmeBovary,t. 2, 1857, p. 4). Prononc. et Orth. : [diskʀ
ε], fém. [-εt]. Enq. : /diskʀe, (D), -t/. Ds Ac. 1694-1932. Comparez discrète avec discrétion qui porte l'accent aigu et se prononce avec [e] fermé. C'est aussi le cas de discrètement, écrit par é ds Ac. jusqu'en 1762, mais avec è à partir de 1798 jusqu'en 1932. Étymol. et Hist. Cf. discret2. DÉR. Discrétoire, subst. masc.[Correspond à discret1I] a) Assemblée des religieuses ou des religieux (mères, pères discrets*) qui composent le conseil de la Supérieure ou du Supérieur d'une communauté. Tout le discrétoire opina dans ce sens (Lar. 19e).b) P. ext. Salle où se tient ce conseil. Aller au discrétoire (Besch.1845).− [diskʀetwa:ʀ]. Ds Ac. 1762-1878. − 1reattest. 1620 (Théâtre d'honn., t. 1, 676, col. 2 ds La Curne); de discret, suff. -oire*; cf. mère discrète (1546, Rabelais, Tiers Livre, éd. Marty-Laveaux, t. 2, chapitre 34, p. 165). |