| DILATER, verbe trans. A.− PHYS. Augmenter le volume d'un corps, sans en modifier la nature, par élévation de sa température. Dilater un métal; la chaleur dilate le mercure. La chaleur dilate et déforme les pièces [d'un moteur] (Chapelain, Techn. automob.,1956, p. 173). − Emploi pronom. à valeur passive. Augmenter de volume. Le Géant [un ballon] (...) dont le gaz se dilate rapidement aux rayons du soleil levant (Nadar ds Guilb.Aviat.1965) : 1. Il faut donner à ce bâtiment [du four à étages] des fondations solides et profondes, le construire avec un soin infini pour que rien ne le dispose à s'éloigner de la verticale lorsqu'il se dilatera par la chaleur qu'il doit supporter.
Al. Brongniart, Traité des arts céramiques,1844, p. 192. B.− P. anal. 1. [L'obj. désigne une partie du corps humain, notamment le nez ou l'œil] Agrandir l'ouverture, le diamètre de. Dilater le canal de l'urètre (Ac.1932).Synon. distendre, élargir.L'effort qu'elle faisait pour tenir les yeux ouverts lui dilatait les prunelles (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 622).Une de ces senteurs exotiques qui soudain dilatent les narines (Gracq, Syrtes,1951, p. 190): 2. Elle rejette la tête en arrière, dilate les narines et parle d'une voix de théâtre, comme pour se moquer d'elle-même.
Sartre, La Nausée,1938, p. 180. − Emploi pronom. à valeur passive. Janet a sorti péniblement ses mains. Il les a étalées sur le drap; il les regarde d'un œil qui, peu à peu, se dilate de stupeur (Giono, Colline,1929, p. 31).Suivant l'intensité de la lumière ce diaphragme se dilate ou se rétrécit (Carrel, L'Homme,1935, p. 238). 2. [L'obj. désigne la poitrine, le cœur considérés comme le siège de la respiration] Augmenter le volume de. Regardez cette raideur de torse, cette poitrine qu'il dilate (Giono, Angelo,1958, p. 66). − Emploi pronom. à valeur passive. Premier temps, les épaules se haussent, la poitrine se dilate et s'emplit d'air (Alain, Propos,1910, p. 78).La large poitrine, immobilisée dans le spasme, se dilate lentement, si fort que les côtes ont l'air de crever (Bernanos, Mouchette,1937, p. 1290). ♦ P. métaph. Quatre grandes feuilles, sur la table, témoignent de ma hâte à écrire, non moins que le désordre du manuscrit, où l'écriture monte et descend, se dilate et se contracte, sensible (Colette, Vagab.,1910, p. 278).Elles [deux rues] s'étranglent ou se dilatent, vraies artères, chaudes veines (Suarès, Voy. Condottière,t. 3, 1932, p. 169). − Loc. fig. Dilater la rate. Égayer, distraire. Cette pièce m'a dilaté la rate (Ac.1932).Emploi pronom. réfl. indir. Sitôt qu'il [le métayer] eut disparu, les hobereaux (...) furent pris d'une irrésistible poussée de gaieté, d'un formidable besoin de se dilater la rate (Tharaud, Ville et champs,1907, p. 105). C.− P. ext. [L'obj. désigne une couleur, un son] Agrandir, donner de l'ampleur à. Il regardait le vent rétrécir ou dilater le bleu entre les feuilles (Mauriac, Baiser lépreux,1922, p. 141).Les rayons du couchant jouaient à travers ces buées et les dilataient de rose et de pastel (La Varende, Trois. jour,1947, p. 243). − Emploi pronom. à sens passif : 3. Le bedeau erre en éteignant des cierges, les confessionnaux chuchotent, un prêtre marche dans la pénombre des bas côtés, les bruits se dilatent sous la voûte et retombent avec des prolongements ineffables...
Hugo, France et Belgique,1885, p. 227. D.− Au fig. et p. métaph. 1. [L'obj. désigne une pers. ou son attitude intérieure] Emplir d'un sentiment de plénitude, épanouir. a) [L'obj. désigne le cœur, l'âme en tant que sièges des sentiments et des sensations] Elle [la comtesse] eut pour tous ses enfants des paroles tendres, des gentillesses, de ces douces gâteries de mère qui dilatent les petits cœurs (Maupass., Inutile beauté,Livre de bord, Paris, Libr. de France, 1935, p. 13).Vaste sentiment de puissance et (...) d'achèvement, qui dilatait mon cœur (Camus, Chute1956, p. 1493): 4. Il ne s'agit plus de rechercher [dans la musique] ce qui donne plus ou moins de plaisir à l'oreille, mais ce qui dilate le cœur, ce qui élève l'âme, ce qui éveille l'imagination en lui découvrant les horizons d'un monde inconnu et supérieur.
Saint-Saëns, Harmonie et mélodie,1885, p. 12. − Emploi pronom. à sens passif. Des existences où le cœur se dilate, où les sens s'épanouissent (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 50).De la joie et de la tristesse selon que le cœur se serre ou se dilate, et il ne fait que ça (Renard, Journal,1896, p. 332). ♦ [Avec un compl. prép. de cause] Et alors son cœur [de Satan] se dilate d'orgueil (Chateaubr., Paradis perdu,1836, p. 51).Mon âme se dilatait dans son orgueilleux enthousiasme (...) en même temps qu'une confiance audacieuse gonflait ma poitrine (Sand, Spiridion,1839, p. 293). b) [L'obj. désigne une pers. ou son monde intérieur] Déjà toute cette joie éparse nous dilate et nous rajeunit (Lorrain, Heures Corse,1905, p. 101).Les souhaits, les désirs et les imaginations qui dilataient notre univers tendant à disparaître peu à peu (Vuillemin, Essai signif. mort,1949, p. 32). ♦ [Avec un compl. prép. de cause] Les paysages (...) paraissaient (...) vous dilater lumineusement de leur clarté (La Varende, Gentilsh.,1948, p. 41). − Emploi pronom. réfl. Rêver (...) c'est répandre au hasard sur les choses la sensation présente et se dilater démesurément par l'univers en se mêlant soi-même à chaque objet senti (Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 80). ♦ [Avec un compl. prép. de cause] Un peu défiante d'abord, Anaïs se dilate de joie, et nous opérons une entrée triomphale dans la classe (Colette, Cl. école,1900, p. 287). 2. [L'obj. désigne une sensation morale, une faculté] Accroître l'importance de, développer. Elle [Berthe] multipliait les occasions de sortir, (...). Il semblait que le repos dilatait sa souffrance (Chardonne, Épithal.,1921, p. 133).Les sourdes revendications de liberté mentale, de droit au délassant et courtois mensonge, que son âge et la première aventure dilataient en lui (Colette, Blé en herbe,1923, p. 209): 5. ... respirons sans mélange la poésie de ces pages [les Mémoires de Chateaubriand] où l'intimité s'exhale à travers l'éclat. Embrassons, étreignons en nous ces rares moments, pour qu'après qu'ils auront fui, ils augmentent encore de perspective, pour qu'ils dilatent d'une lumière magnifique et sacrée le souvenir.
Sainte-Beuve, Portraits contemp.,t. 1, 1846-69, p. 11. − Emploi pronom. à sens passif. Alors, beaucoup de choses comprimées en lui [Charles] se dilatèrent : il (...) sut faire du punch et connut enfin l'amour (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 10).Un même sentiment qui se dilate de plus en plus (Bergson, Deux sources,1932, p. 34). 3. P. ext. [L'obj. désigne un inanimé abstr.] Élargir, parfois au point de déformer. Chateaubriand et le style poétique mentent. Monsieur Victor Hugo et ses amis défigurent, dilatent le vrai à chaque mot (Valéry, Variété II,1929, p. 112). Prononc. et Orth. : [dilate], (je) dilate [dilat]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1377 des corps se dilatent (Oresme, Livre du ciel et du monde, éd. A. Menut et J. Denomy, fo174b, p. 634); 1377 au fig. ymagynacion efforcier et dilater (Id., ibid., fo23c); 1754 part. prés. subst., chir. (Encyclop. t. 4). Empr. au lat. class.dilatare « élargir, étendre » sens propre et figuré. Fréq. abs. littér. : 871. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 464, b) 1 158; xxes. : a) 1 031, b) 1 211. DÉR. 1. Dilatement, subst. masc.,rare. Fait de se dilater. P. métaph. Il eut cette sensation de dilatement, de joie presque enfantine du malade qui opère sa première sortie (Huysmans, En route,t. 2, 1895, p. 212).Tout cet aiguisement et ce dilatement de soi, est humble orgueil interne d'élonger ses muscles (Arnoux, Gentilsh. ceinture,1928, p. 100).− [dilatmɑ
̃]. − 1reattest. 1895 (Huysmans, loc. cit.); du rad. de dilater, suff. -(e)ment1*. − Fréq. abs. littér. : 1. 2. Dilateur, trice, adj.,rare. Qui a pour fonction de dilater. Muscles dilateurs. Synon. plus usuel dilatateur.Au fig. Et l'on sent le bonheur profond, pénétrant, dilateur de tout l'être (Goncourt, Journal,1889, p. 1067).− Seule transcr. ds Land. 1834 : di-la-teur.− 1reattest. 1889 id.; du rad. de dilater, suff. -eur2*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Gottsch. Redens. 1930, p. 158. |