| DIAPHANE, adj. A.− PHYS., vieilli. [En parlant d'un corps, d'une substance] Qui laisse passer à travers soi les rayons lumineux. Anton. opaque. 1. Rare. Transparent. Le cristal est diaphane (Ac.). Rem. Selon Lar. 19e-20ecet emploi est abusif. 2. Qui laisse passer la lumière sans être transparent. Un verre dépoli, un papier huilé, une porcelaine diaphane. Quasi-synon. translucide.Les cristaux diaphanes (cf. Poisson, Mécan.,t. 1, 1811, p. 467): 1. ... si la terre se trouvoit tout à coup placée dans des régions très-froides, l'eau qui forme aujourd'hui nos fleuves et nos mers, et probablement le plus grand nombre des fluides que nous connoissons, se transformeroit en montagnes solides, en rochers très-durs, d'abord diaphanes, homogènes et blancs comme le cristal de roche...
Lavoisier, Traité élémentaire de chim.,t. 1, 1789, p. 30. B.− [Surtout dans des emplois littér.] Qui laisse passer la lumière; qui est d'une transparence atténuée. 1. [En parlant d'objets faits d'une matière translucide] Une pendeloque, une robe, une tasse diaphane. De vraies bougies de femme et de boudoir, des bougies diaphanes, d'une transparence presque rosée (Goncourt, Journal,1863, p. 1240). 2. [En parlant d'objets ou de phénomènes naturels] a) [En parlant de végétaux] Géranium, pétunia diaphane. Des prairies sortaient les petites flammes roses des colchiques diaphanes (Rolland, J.-Chr.,Adolesc., 1905, p. 319). − Spéc. [En parlant des arbres, de leur feuillage] Qui est fin et découpé de manière à laisser passer la lumière. Je vois jusqu'au fond la pure lumière toscane, avec la brume sèche des oliviers diaphanes, pleine d'étincelles d'argent (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 143). b) [En parlant d'éléments naturels] Pur et limpide; léger et vaporeux. Un ciel, une brume, une mer diaphane. Les délices de ce ciel diaphane, si large et si pur; de cette campagne, avec ses herbes courbées par la brise embaumante (Flaub., Smarh,1839, p. 93). c) [En parlant de la lumière, de la luminosité, des couleurs] Une lueur, une nuit, une ombre diaphane. Le jour avait fondu dans une nuit qui le continuait, bleue, diaphane, aurorée, d'une pureté et d'une paix incomparables (Montherl., Bestiaires,1926, p. 499).Le soleil était clair et diaphane : un petit vin blanc (Sartre, Nausée,1938, p. 74). − [En parlant d'une œuvre picturale] Cette peinture (...) est diaphane comme un épiderme blond (Hourticq, Hist. art,Fr., 1914, p. 171). 3. P. exagér. [En parlant du corps hum., ou plus rarement du corps d'un animal] a) [En parlant du teint d'une pers.] Une pâleur diaphane. Elle a l'air d'être en porcelaine, tant son teint est beau, transparent, diaphane (Mérimée, Lettres Ctesse de Montijo,t. 2, 1870, p. 64). b) [En parlant d'une partie du corps] Mince et (comme) translucide. Une peau diaphane; des mains diaphanes. Voilà que je fais son oreille. Je te la fais petite, n'est-ce pas, ourlée, diaphane comme l'aile de la chauve-souris (Giraudoux, Électre,1937, I, 8, p. 87): 2. ... toutes les forces redoutables qui hantent la ville des hommes, elles ne pourront rien aujourd'hui, contre l'enfant aux paupières diaphanes, contre le petit roi, contre le petit dieu qui sommeille...
Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 7. c) [En parlant d'une pers.] Délicat et fragile d'apparence : 3. Elle n'avait pas changé non plus; elle était blonde, diaphane et élégante comme autrefois, et elle souriait du même sourire parfumé; elle ne changerait jamais...
Beauvoir, Les Mandarins,1954, p. 248. Rem. Diaphane s'emploie surtout en parlant d'une femme; on rencontre cependant ds la docum. des emplois qualifiant un homme. La poutre était attaquée par le feu et tellement amincie par le milieu, qu'il était impossible de savoir si elle porterait le poids d'un homme, fût-il svelte et diaphane comme le brave sergent (Sand, Mauprat, 1837, p. 368). − [En parlant d'êtres immatériels] Qui est à peine visible, inconsistant. Ange, apparition, fée, spectre diaphane. Que ce soit Urgèle ou Morgane, J'aime, en un rêve sans effroi, Qu'une fée au corps diaphane, Ainsi qu'une fleur qui se fane, Vienne pencher son front sur moi (Hugo, Odes et ball.,1828, p. 435). ♦ Spéc. Invisible. Nous vivons au milieu d'une foule de présences diaphanes (...) qui agissent sur nous à notre insu (Maeterl., Gd secret,1921, p. 219). C.− P. métaph. ou au fig. [En parlant des sentiments, des activités hum., des productions de l'esprit] Sans dissimulation, parfaitement clair. (Quasi)-synon. limpide, transparent.La Genèse est claire, elle est diaphane (Verlaine, Poèmes divers,1896, p. 819).Les fraudeurs ne se supporteraient pas s'ils devaient approfondir leur condition, et la franchise totale, la diaphane loyauté auraient tôt fait de changer leur police en une jungle frénétique (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 165). Rem. On rencontre ds la docum. l'emploi subst. masc. sing. avec valeur de neutre. Je hais le diaphane, le vaporeux, l'illusion. À bas les fantômes! (Morand, Bouddha, 1927, p. 85). Prononc. et Orth. : [djafan]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1377 dyaphane (Oresme, Livre du ciel et du monde, éd. Menut et Denomy, p. 456). Empr. au gr.
δ
ι
α
φ
α
ν
η
́
ς proprement « que l'on discerne; transparent, limpide », de δ
ι
α
φ
α
ι
́
ν
ε
ι
ν « laisser voir à travers ». Fréq. abs. littér. : 223. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 358, b) 428; xxes. : a) 381, b) 182. DÉR. Diaphanéiser, diaphaniser. verbe trans.,littér. Rendre diaphane. Banville me conte l'intérieur de Rouvière. La phtisie l'a diaphanisé. De petit et maigre, il est devenu ombre (Goncourt, Journal,1865, p. 144).Je tiens si peu à tous les phénomènes, qu'ils finissent par passer sur moi comme des lueurs et s'en vont sans laisser d'empreinte. La pensée remplace l'opium. Elle peut enivrer tout éveillé et diaphanéiser les montagnes et tout ce qui existe (Bourget, Nouv. Essais psychol.,1885, p. 298).Emploi pronom. passif. Personne ne comprenait rien à cette brûlée d'amour [Véronique] qui se diaphanéisait en montant dans la lumière (Bloy, Désesp.,1886, p. 200).− 1resattest. 1857 diaphaniser (Amiel, Journ. intime, p. 49 ds Quem. DDL t. 18); 1885 diaphanéiser (Bourget, loc. cit.); de diaphane, suff. -iser*. − Fréq. abs. littér. Diaphanéiser : 1. Diaphaniser : 1. BBG. − Hagnauer (R.). L'Expr. écrite et orale. Paris, 1972, p. 262. |