| DESSAISIR, verbe. A.− Emploi trans. 1. Lang. cour. ou admin. Déposséder un(e) (groupe de) personne(s) de sa propriété, de son bien ou de ses responsabilités. Dessaisir qqn de qqc.L'église avait été investie depuis des siècles du magistère de l'éducation et (...) n'entendait pas renoncer à sa mission ou en être dessaisie (Encyclop. pratique de l'éduc. en France,1960, p. 14).Les pratiques qui consistent parfois à confier le soin d'une réalisation à des sociétés qui servent d'intermédiaires dessaisissent l'état d'une partie de la surveillance de l'exécution de son budget (Belorgey, Gouvern. et admin. Fr.,1967, p. 227). − P. ext. ou métaph. [Le compl. d'obj. indir. désigne une qualité générale, une valeur abstr.] :
Dessaisi de ses sophismes protecteurs, dépourvu comme un crustacé pendant les instants de la mue, il était alors à plaindre et se considérait en secret avec une compassion sincère.
G. Duhamel, Chronique des Pasquier,Cécile parmi nous, 1938, p. 123. 2. DR. Retirer à une instance une affaire dont elle avait été saisie et dont la connaissance lui revient généralement de droit. Dessaisir qqn (de qqc.).Si l'assemblée est saisie ensuite [du différend], le conseil est en même temps dessaisi. (...). On remarque que le conseil a été dessaisi deux fois au profit de l'assemblée, à la demande d'une partie (Cons. S.D.N.,1938, pp. 36-37). − P. métaph. J'ai conseillé à MmeVerdurin d'avoir deux fêtes : l'une dans quelques jours, où elle aura toutes ses relations; l'autre ce soir, où la patronne est, comme on dit en termes de justice, dessaisie. C'est moi qui ait fait les invitations (Proust, Prisonn.,1922, p. 219). B.− Emploi pronom. réfl. ou passif, ADMIN., DR. Perdre, se séparer volontairement ou non de quelque chose, de sa propriété ou de ses responsabilités. Se dessaisir de qqc.Le créancier ne pourra être tenu de se dessaisir du gage avant d'être entièrement payé (Code civil,1804, art. 2082, p. 374).Les États-Unis s'étaient d'abord acquittés de ce rôle, (...) ils furent amenés à s'en dessaisir, ou peut-être à s'en voir dessaisis (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 150). − P. ext. ou métaph. Je penserai à lui en me répétant que je me suis dessaisie de lui, que j'ai donné Vial à une jeune femme (Colette, Naiss. jour,1928, p. 68).Délesté de mon inquiétude, je me dessaisissais de toute raison d'être, de toute valeur (Gide, Ainsi soit-il,1951, p. 1173). Rem. On rencontre exceptionnellement ds la docum. a) La constr. se dessaisir de + verbe. Là enfin, il se dessaisirait de s'épier sans trêve (Barrès, Barbares, 1888, p. 206). b) Un emploi adj. du part. passé dessaisi, ie au sens de « pauvre; dépourvu(e) de ». Puisqu'il m'a aimée dessaisie, c'est d'être plus pauvre encore que je désire, (...) plus dépourvue (Claudel, Père humil., 1920, III, 3, p. 545). Prononc. et Orth. : [desεzi:ʀ] ou, par harmonisation vocalique, [desezi:ʀ]; (je) dessaisis [desε(e)zi]. Littré transcrit [dεsε-]. Cf. dé-. Le verbe est admis ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1155 dessaisir (qqn) de (qqc.) (Wace, Brut, 4891 ds Keller, p. 192 b); 2. 1160-74 pronom. soi dessaisir de (Id., Rou, éd. A. J. Holden, III, 9169). Dér. de saisir*; préf. dé-*. Fréq. abs. littér. : 104. |