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DESPOTE, subst. masc. et adj.
Gén. péj.
A.− Chef d'État qui exerce le pouvoir seul et sans contrôle et qui gouverne avec une autorité absolue et arbitraire; chef d'État qui s'arroge une autorité absolue alors que le pouvoir qu'il détient n'est pas absolu en soi. Le monarque, poussé hors de son caractère pacifique, prend le ton d'un despote, qui veut que tout ploie sous ses ordres absolus (Marat, Pamphlets,Dénonciation contre Necker, 1790, p. 81):
1. ... les despotes, considérant les empires comme des domaines, et les peuples comme des propriétés, se livrèrent aux déprédations et aux déréglemens de l'autorité la plus arbitraire. Volney, Les Ruines,1791, p. 70.
En emploi adj. Le gouvernement de France a été constamment arbitraire, et de temps en temps despote (Staël, Consid. Révol. fr.,t. 1, 1817, p. 46).Napoléon, qui se montre franchement despote, traite la France comme son domaine (Stendhal, Racine et Shakspeare,1825, p. 153).
HIST., non péj.
Despote éclairé. Chef d'État qui gouverne selon la doctrine du despotisme éclairé. Malgré les efforts des despotes éclairés du XVIIIesiècle, elle [l'Europe orientale] demeurait pauvre (Lefebvre, Révol. fr.,1963, p. 7):
2. Ce n'est pas en vain que la jeune bourgeoisie traça le portrait du despote éclairé : un Joseph II, une Catherine de Russie lui offrirent en leur temps le visage qu'elle souhaitait à ses représentants. Nizan, Les Chiens de garde,1932, p. 93.
[Dans l'Empire byzantin] Titre honorifique porté par l'empereur puis par les membres de sa famille; prince ou hospodar des provinces danubiennes. De hautes murailles aux tours crénelées sont les vestiges du palais des despotes byzantins (BarrèsVoy. Sparte,1906, p. 214).
B.− P. ext. Quiconque tend à s'arroger une autorité tyrannique pour dominer un entourage auquel il impose sa volonté, sa loi. Charvet restait le despote du groupe, étant le plus autoritaire et le plus instruit (Zola, Ventre Paris,1873, p. 709).Le despote à froid casse tout à la maison, torture tout le monde, répondant à la désapprobation par une brutalité cynique et sarcastique (Mounier, Traité caract.,1946, p. 368):
3. ... nous devons prendre au collet le despote, quel qu'il soit, depuis le charretier qui maltraite un cheval jusqu'au roi qui opprime un peuple. Hugo, Actes et paroles,2, 1875, p. 425.
Au fém. Pour obéir aux ordres de la petite despote, − car il avait pris à la lettre toutes ses prétentions, − il ne sortait plus de chez lui (Rolland, J.-Chr.,Matin, 1904, p. 210):
4. J'ai un peu de crainte pour cette immorale petite, et je l'avertirais bien de se méfier d'Armand, mais l'autre, sa despote, prétendrait tout de suite que je suis allée dénoncer sa conduite à Richelieu... Colette, Claudine à l'école,1900, p. 113.
Rem. Lorsque le mot est employé pour parler d'une femme, on conserve gén. la forme masc. Quel despote que cette femme! (Ac. 1835-1932).
En emploi adj. Il était despote et impérieux en paroles; doux, libéral et faible par le fait (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 263).Tous les ouvriers étaient pareils comme moi. Ils avaient peur, parce qu'il était dur, despote, cruel même s'il faut (Martin du G., Thib.,État 1914, 1936, p. 49).
P. méton. Mon âme, despote et jalouse, t'enveloppait de son amour (Sand, Lélia,1833, p. 318).
[En parlant d'un attribut de la pers. hum.] Qui révèle un caractère autoritaire, tyrannique. Samuel a (...) le menton carré et despote (Baudel., Fanfarlo,1847, p. 527).
C.− P. métaph. [En parlant de qqc. qui s'impose à qqn comme une loi tyrannique, en parlant de qqc. qui constitue une règle absolue dans un domaine] La clarté, ce despote des langues modernes (Stendhal, Mém. touriste,t. 2, 1838, p. 463).Le moi, cet obscur et sinistre despote (Amiel, Journal,1866, p. 310).L'art est un despote. Il faut se donner à lui tout entier (A. Daudet, Nabab,1877, p. 258).L'argent despote invisible (Jouve, Trag.,1922, p. 120).
En emploi adj. Et quelles nuances entre gamins implique cette différence despote de situation sociale en miniature [externe et interne]! (Verlaine, Œuvres posth., t. 1, Souv., 1896, p. 251).Se soumettre aux caprices du sort aveugle et despote, qui vous retire, l'instant d'après, la faveur qu'il vous a faite, l'instant d'avant (Rolland, Beeth.,t. 1, 1928, p. 61).
Prononc. et Orth. : [dεspɔt]. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1. [3equart xiiies. adj. despos « qui fait preuve d'autorité et d'arbitraire » (Alexandre de Paris, Alexandre, branche II, 2891, variante ds Elliot Monographs, vol. V, p. 239), attest. isolée]; 1773 despote (Mllede Lespinasse, Lett., 6 sept. ds DG); [av. 1382 (Oresme ds Meunier, p. 173 : En grec despotes, c'est seigneur de la chose de laquelle il peut dire : ce est mien)]; 1611 subst. « souverain » (Cotgr.); 1748 « souverain autoritaire et arbitraire » (Montesq., Espr., III, 8 ds Littré); 1831 subst. « toute personne qui exerce un pouvoir tyrannique » (Balzac, Peau chagr., p. 89); 2. 1305 [ms. xves.] despos « titre porté par des seigneurs de l'Empire byzantin » (Liv. de la Conq. de la Morée, p. 98, Buchon ds Gdf.); 1572 despote (Yver, p. 540 ds Littré). Empr. au gr. δ ε σ π ο ́ τ η ς « maître absolu, despote ». Fréq. abs. littér. : 422. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 191, b) 698; xxes. : a) 374, b) 178.