| DERVICHE, subst. masc. A.− Religieux musulman, faisant partie d'une confrérie et vivant généralement dans un monastère. Derviche mendiant; derviche indien, persan; chef, mosquée des derviches. Certains derviches, saints d'un autre bord, saints quand même, se promenaient en balayant la terre devant eux pour ne pas risquer de meurtrir ou d'écraser quelque insecte (Duhamel, Journ. Salav.,1927, p. 135). ♦ Derviche hurleur, derviche tourneur. Derviche qui pratique certains exercices permettant d'atteindre un état de transe ou d'extase. J'ai vu à Konia l'élite des derviches tourneurs danser auprès du tombeau du grand Djélal-Eddin-Roumi (Barrès, Cahiers,t. 12, 1919-20, p. 29): 1. Le couvent des derviches hurleurs est situé à peu de distance de la mosquée; il est d'une architecture plus vieille que le teké des derviches de Péra, qui sont eux, des derviches tourneurs.
Nerval, Voyage en Orient,t. 3, 1851, p. 93. − P. métaph. ou p. compar. [P. anal. avec les exercices ou l'état de transe des derviches] Au large (...) s'élevait de la surface [de la mer], la gerbe que soulevait quelque projectile lâché par les derviches tourneurs du ciel (Vialar, Bal sauv.,1946, p. 176).Toute la communauté entrait en file indienne et tournait le temps qu'il fallait pour réciter cent cinquante fois de suite : « Cor Jesu sacratissimum, fac ut magis ac magis ardeam » (...). L'ensemble faisait penser à une assemblée de derviches tourneurs (Billy, Introïbo,1939, p. 166). − Spéc., HIST. Noirs musulmans qui conquirent le Soudan égyptien entre 1881 et 1885. Attaque des Derviches : 2. Le 10 juillet 1898, Marchand massacre ou chasse les Derviches qui occupaient Fachoda. Les Anglais l'apprennent, le 7 septembre, à Omdurman, par une canonnière derviche, venant du haut fleuve, qu'ils capturent.
Barrès, Scènes et doctrines du nationalisme,t. 2, 1902, p. 97. Rem. L'ex. ci-dessus atteste en outre le mot employé en appos. avec valeur d'adjectif. B.− P. anal., littér., péj. Personne au comportement exalté, prenant à l'occasion des allures de prophète. Protestants allemands, huguenots français, moraviens, disciples du Christ, congrégationaux, quakers et autres étranges derviches etc... Tous ces non-conformistes engendreront cette démocratie anglaise si peu connue de nous (Morand, Londres,1933, p. 37). Rem. Notre docum., seule (et exclusivement Barrès), atteste dervichesse, subst. fém. Femme musulmane dont la vie tend à la sainteté. J'ai visité avec Clermont-Ganneau une dervichesse. Sa petite maison sur la montagne. Il disait qu'elle avait été galante et maintenant c'était une sainte (Cahiers, t. 6, 1907-08, p. 203). Prononc. et Orth. : [dε
ʀviʃ], [dε
ʀvi], fém. [-viʃ
εs]. Ds Ac. 1762 et 1798 sous les 2 formes dervis ou derviche; ds Ac. 1835-1932 également sous les 2 formes mais derviche étant cité en 1erlieu. Ac. ne donne pas le fém. Les 2 formes du masc. sont enregistrées, aussi, ds Fér. 1768, Fér. Crit. t. 1 1787, Land. 1834, Gattel 1841, Nod. 1844, Littré, DG. Les dict. plus mod. donnent derviche seul (cf. Lar. Lang. fr.) et Rob. indique dervis à titre hist. (xviie, xviiies.). Ds notre docum. dervis n'apparaît que chez Florian. Étymol. et Hist. I. 1542 deruiz en Turquie (A. Geuffroy, Estat de la court du Grant Turc, e III rocité par Arveiller ds Z. rom. Philol., t. 88, p. 413), type encore en usage au mil. du xviies., ibid., p. 414. II. 1622 deruich (Lettre du Pere Pacifique de Provin [...] sur l'estrange mort du grand Turc..., p. 14, ibid., p. 414); 1653 deruiche (La Boullaye, Voyages et observations, p. 290, ibid.); 1908 dervichesse subst. fém. (Barrès, loc. cit.). Mot persan darwīš, adj. puis subst. « pauvre », passé en turc dervis [dεrviʃ], et de là en fr., directement (II) et par l'intermédiaire de l'ital. dervis (début du xvies. Machiavel ds Batt.) (I) (Arveiller, op. cit., pp. 413-417). Subst. fém. formé à partir de II avec le suff. -esse*. Fréq. abs. littér. : 189. Bbg. Arveiller (R.). Addenda au FEW XIX/1 (abar-qubba). Z. rom. Philol. 1972, t. 88, pp. 413-417. |