| DERNIER, IÈRE, adj. et subst. I.− Qui est après tous les autres. A.− [P. réf. à l'espace; en parlant d'un inanimé concr.] Qui se situe après tous les autres. Dernier étage; dernière marche. Le dernier échelon de l'escalier (Janin, Âne mort,1829, p. 171).Sur la dernière terrasse, tout en haut (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Légende Mt St-Michel, 1882, p. 1256): 1. De temps en temps une petite fille blanche se fraie un passage jusqu'aux degrés de l'estrade, grimpe, se fait bousculer et reléguer aux derniers rangs par Mademoiselle, crispée de ces retards et qui ronge son frein sous sa voilette, ...
Colette, Claudine à l'école,1900, p. 302. − Loc. adv. fig. En dernier lieu, p. ell. en dernier. Après tout le reste, enfin. (Quasi-)synon. dernièrement.Derrière les premiers plans, des prolongements pleins de secret. Augustin aperçut en dernier lieu les lourds rideaux noirs revêtant la fenêtre (Malègue, Augustin,t. 2, 1933, p. 417). B.− [P. réf. au temps] 1. [En parlant d'un inanimé abstr., en partic. d'une division chronologique] Qui vient après tous les autres. La dernière moitié du quatorzième siècle et la première moitié du quinzième (Guizot, Hist. civilisation,Leçon no2, 1828, p. 8).Le temps (...) changea avec le dernier quartier de la lune (Verne, Tour monde,1873, p. 91): 2. La licence ès lettres lui prit [à Augustin] les deux derniers mois de l'année scolaire; une situation agréable et fructueuse dura jusqu'en fin de septembre et il eut encore quinze jours à donner aux siens.
Malègue, Augustin,t. 1, 1933, p. 287. 2. [En parlant d'une pers. ou d'un groupe de pers.] a) Qui arrive après tous les autres : 3. La forme de son idéal [à Minna] était loin d'être fixée. Tantôt elle rêvait d'épouser un lieutenant, tantôt un poète dans le genre sublime et correct, à la Schiller. Un projet démolissait l'autre; et le dernier venu était toujours accueilli avec le même sérieux et une égale conviction.
Rolland, Jean-Christophe,Le Matin, 1904, p. 187. − Emploi subst. Permettez-moi au moins de ne pas être le dernier à vous féliciter (Maurois, Disraëli,1927, p. 69): 4. C'est ainsi qu'après avoir aperçu la première les vérités de ce qu'on appelle maintenant le darwinisme, la France a été la dernière à s'y rallier.
Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. VII. ♦ Proverbe. Aux derniers les bons. ,,Ce qui reste de quelque chose après que les autres ont choisi est souvent le meilleur`` (Ac. 1835-1932). b) [En parlant d'un membre d'une famille] Qui est né après les autres. Dernier fils, rejeton. − Emploi subst. Synon. dernier-né.Mon petit dernier a la rougeole (Fongeray, Soir. Neuilly,Conspir. prov., t. 1, 1827, p. 152).Une mioche de neuf mois, Désirée, la dernière de Philomène (Zola, Germinal,1885, p. 1221). C.− [P. réf. à une suite comptable et ordonnée; en parlant d'un inanimé concr.] Qui prend rang après tous les autres. Dernier numéro; dernière édition; édition dernière. Le dernier morceau de la dernière sonate (Taine, Notes Paris,1867, p. 329): 5. ... l'admirable ordonnance de certaines pièces de Baudelaire, telles que « l'Irréparable » et « le Balcon », où le dernier des cinq vers qui composent la strophe est l'écho du premier...
Huysmans, À rebours,1884, p. 156. Rem. On rencontre dernier, en emploi subst. masc. ds le domaine des jeux (p. ell. p. ex. de élément). Mon dernier. Dernière syllabe ou dernière partie d'un mot d'une charade qu'il faut deviner. Mon tout sur mon premier fait ouïr mon dernier [charade sur le mot pinson] (Lar. 19e). D.− [P. réf. à une échelle, à une hiérarchie de valeurs] Qui vient après les autres dans un classement. Les animalcules qui composent la dernière classe du règne animal (Lamarck, Philos. zool.,t. 1, 1809, p. 206): 6. Et cependant, il serait inexact de dire que j'aie été tout à fait un mauvais élève; inégal plutôt, à surprises; un jour premier, dernier le lendemain, mais restant en somme dans une moyenne acceptable, avec toujours, à la fin de l'année, les prix de version.
Loti, Le Roman d'un enfant,1890, p. 216. − Emploi subst. J'aime mieux être le dernier dans ta maison que le premier ailleurs (Renan, Souv. enf.,1883, p. 69). ♦ Loc. verbale. Arriver, être bon dernier. Être classé nettement derrière les autres. Chacun arriva bon dernier (Verlaine,
Œuvres compl.t. 3, Dédic., 1890, p. 95). II.− Après lequel il n'y en a pas d'autres; après lequel il n'y a plus rien. A.− [P. réf. à l'espace] Qui occupe une position extrême dans l'espace. Aller aux dernières limites de la mer gelée (Chateaubr., Natchez,1826, p. 242): 7. ... la chapelle de la Trinité, qui est comme au bout du monde breton. Au pied de la dernière et extrême falaise, elle pose sur un seuil de roches basses, tout près des eaux, et semble déjà appartenir à la mer.
Loti, Pêcheur d'Islande,1886, p. 252. − Au fig. Les dernières limites de la sobriété (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 310).Il s'était élevé jusqu'aux dernières limites de l'insulte (Verne, Île myst.,1874, p. 262). ♦ Loc. verbales. Être à la dernière extrémité; porter, pousser, réduire à la dernière extrémité, aux dernières extrémités; lutter, résister jusqu'à la dernière extrémité*; pousser dans ses derniers retranchements*. − JEUX, vx, emploi subst. masc. ,,Chacune des deux ouvertures de la galerie d'un jeu de paume qui sont les plus éloignées de la corde`` (Ac. 1798-1878). B.− [P. réf. au temps] 1. [En parlant d'un inanimé abstr., en partic. d'une division chronologique] Qui marque le terme ultime. J'étois certain de n'aimer qu'elle jusqu'au dernier instant de mon existence (Genlis, Chev. Cygne,t. 1, 1795, p. 132).Ces derniers beaux jours d'automne (Huysmans, Art mod.,1883, p. 37): 8. J'ai appris cet après-midi par Jean-Louis que l'on avait jusqu'au 5 avril dernière limite pour remettre les articles sur Valéry, pour le numéro du Divan.
Du Bos, Journal,1922, p. 70. − Locutions a) Loc. à valeur adj. De (la) dernière heure. Qui survient au dernier moment. Un changement de dernière heure (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 128). b) Loc. adv. ♦ En dernière analyse*. ♦ À la dernière minute. Tout à fait à la fin, au dernier moment (souvent avec un aspect de précipitation). Mes devoirs, toujours faits à la dernière minute, à la diable (Loti, Rom. enf.,1890, p. 92). ♦ Pour la dernière fois, une dernière fois. Sans que cela puisse jamais se reproduire. Je pensai : « Je le vois pour la dernière fois » (Sartre, Nausée,1938, p. 203). ♦ Pour la première et (la) dernière fois. Pour une fois unique, une fois pour toutes. Pour la première fois de sa vie peut-être, pour la première et dernière fois (Bernanos, Imposture,1927, p. 510). ♦ En dernier résultat*. c) Loc. verbales ♦ Avoir le dernier mot, p. ell. (vx), avoir le dernier (Ac. 1798-1932). Avoir la dernière réplique; p. ext. l'emporter dans une discussion ou un débat. Avec le diable on a toujours grand tort d'engager la conversation, car, de quelque manière que l'on s'y prenne, il veut toujours avoir le dernier mot (Gide, Journal,1917, p. 621). ♦ C'est/voici mon dernier mot. C'est/voici ma détermination, sur laquelle je ne reviendrai pas. Voici mon dernier mot, Norine. J'épouse la petite (Pagnol, Fanny,1932, I, 2etabl., 4, p. 84). ♦ Mettre, donner la dernière main à qqc. Apporter les ultimes retouches ou ajouts à une œuvre pour la fignoler ou l'achever. Mettre la dernière main à ma traduction (...) de Xénophon (Courier, Lettres Fr. et It.,1808, p. 768). ♦ Rendre le dernier soupir*, rendre les derniers devoirs*. Rem. On rencontre dernier en emploi subst. masc. dans le domaine des jeux de société (p. ell. p. ex. de rang). Avoir le dernier (vx.) Être touché le dernier par un autre joueur. Ne vouloir jamais avoir le dernier (Ac. 1798-1878). SYNT. a) Dernier + inanimé concr. Dernier asile, baiser, évangile*, hoquet, lien, rayon (de soleil), reflet, refuge, regard, repas, sommeil*, train; dernière convulsion, crise, demeure*, étape, étincelle, lueur, parole, syllabe, trace. b) Dernier + inanimé abstr. Dernier coup de, effort, entretien, espoir, hommage, vœu; dernière aventure, chance, entrevue, espérance, illusion, ressource, tentative, ressort (v. ressort2); dernières dispositions, instructions, recommandations, volontés*. c) Dernier + inanimé abstr. marquant une division chronologique. Dernier dimanche, matin, moment, soir; dernière heure*, dernière seconde; dernières heures. 2. [En parlant d'une pers.] a) Qui existe encore après la disparition de tous les autres membres de sa famille. Dernier survivant. Le dernier représentant de cette famille (Ponson du Terr., Rocambole,t. 4, 1859, p. 397): 9. Cette maladie prévue et cette mort certaine donnaient un charme de plus à cette petite créature, la dernière des Pomaré, la dernière des reines des archipels tahitiens.
Loti, Le Mariage de Loti,1882, p. 28. b) [Avec un subst. à forte valeur affective] Après lequel on ne peut trouver personne de valeur comparable. Brutus et Cassius furent les derniers des [vrais] Romains (Ac.1798-1932).Le dernier poète de la patrie de Virgile chantait le dernier guerrier de la patrie de César (Chateaubr.Mém.,t. 2, 1848, p. 662).Les vertus chrétiennes de ce dernier des barons féodaux [Condé] (Lemaitre, Contemp.,1885, p. 190). 3. [En parlant d'un inanimé] Le plus récent, le plus proche du moment actuel. Promenade, faite dimanche dernier en compagnie de Forain (Goncourt, Journal,1882, p. 155).Une grande maison carrée (...) bâtie au commencement du siècle dernier (Zola, Germinal,1885, p. 1194): 10. Une œuvre (...) n'est jamais achevée. Il y a instabilité essentielle du jugement qui compare l'état dernier et l'état final, le novissimum et l'ultimum.
Valéry, Litt.,1930, p. 45. − P. ell. le dernier (de) + nom propre. La dernière œuvre de. Le dernier de Maupassant. Un livre formidable (Aymé, Mouche,1957, p. 38). − Emploi subst. MmeAchille m'écrit des lettres incompréhensibles, la dernière dément toujours la précédente (Flaub., Corresp.,1879, p. 225). − Loc. adv. Ces derniers temps, ces temps derniers, dans ces derniers temps. Il n'y a pas longtemps. Synon. dernièrement, récemment.Un livre (...) réimprimé ces temps derniers (Claudel, Corresp.[avec André Gide], 1911, p. 160).MmeBeauchamp menait dans ces derniers temps une vie très... distraite (Bernanos, Crime,1935, p. 773). 4. [En parlant d'un animé ou d'un inanimé] Ce dernier, cette dernière. Ce, cette (dont on vient de parler en dernier lieu). Ce dernier argument, détail, trait; ces derniers mots. Ce dernier moyen a pour but d'éventer les fluides (Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 177). − Emploi subst. Celui-ci, celle-ci (dont on vient de parler). Au nombre de ces derniers : 11. Et Auguste, la mine maussade, sans transition, offrit à Octave d'entrer chez eux. Ce dernier, pris à l'improviste, hésitait, était sur le point de refuser, en songeant au peu d'importance de la maison.
Zola, Pot-Bouille,1882, p. 182. SYNT. 1. Dernier est antéposé. a) Dernier + inanimé concr. Dernier roman; dernière récolte, rencontre, séance, session, visite. b) Dernier + inanimé abstr. Dernière aventure, entrevue, guerre; les derniers événements, ces dernières vacances. c) Dernier + inanimé abstr. marquant une division chronologique. Le dernier automne, demi-siècle, hiver, séjour; ces derniers jours; dernière semaine; ces dernières années, heures. 2. Dernier est postposé. Inanimé abstr. marquant une division chronologique + dernier. L'an, dimanche, l'été, l'hiver, jeudi, le mois dernier; ces jours derniers; l'année, la nuit, la saison, la semaine dernière. C.− [P. réf. à une quantité, à une suite comptable] 1. [En parlant d'un inanimé concr.] Après lequel il n'y a plus rien. Votre tête répond de son dernier cheveu [à Richard] (Hugo, Cromwell,1827, III, 2, p. 193).Allumer une dernière cigarette (Barrès, Homme libre,1889, p. 201): 12. J'admirais beaucoup mon oncle, le capitaine, tant parce qu'il avait brûlé la dernière cartouche française à Waterloo que parce qu'il apprêtait de ses propres mains, à la table de ma mère, des chapons à l'ail, ...
A. France, Le Crime de Sylvestre Bonnard,1881, p. 286. − Jusqu'au dernier + subst.Ils avaient déjeuné, mangé leur pain jusqu'à la dernière miette, et bu leur vin jusqu'à la dernière goutte (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Pt soldat, 1885, p. 188).Lutter jusqu'au dernier sou et jusqu'à la dernière goutte de sang (Zola, Débâcle,1892, p. 508). − Emploi subst. On n'avait pas hissé de pavillon parce qu'on n'en avait plus; les cafards avaient mangé le dernier (Loti, Mon frère Yves,1883, p. 347). SYNT. Dernière bouchée, bouteille, gorgée; dernières cartouches*. 2. [En parlant d'une pers.] Rare, postposé. Après lequel il n'y en a plus d'autre. L'héroïque courage de l'empereur Constantin dernier (Delacroix, Journal,1823, p. 21). D.− [P. réf. à une échelle de valeurs; souvent avec une valeur intensive] 1. [En parlant d'un inanimé] Qui occupe une position extrême; le plus haut, le plus fort, le plus grand. Synon. intense, suprême, ultime.Ses yeux exprimèrent l'agonie d'une anxiété dernière (Bourget, Disciple,1889, p. 192).Ce coup de coude (...) fut comme le cinglement, la poussée dernière qui le décida (Zola, Argent,1891, p. 46): 13. Oui, la rencontre des bouches est la plus parfaite, la plus divine sensation qui soit donnée aux humains, la dernière, la suprême limite du bonheur.
Maupassant, Contes et nouvelles,t. 1, Le Baiser, 1882, p. 607. 14. ... sous Louis-Philippe, (...) l'on vit enfin l'enrichissement se proposer sans vergogne et sans fard comme suprême leçon, vérité dernière, moralité définitive d'un demi-siècle d'expériences politiques et sociales.
Valéry, Variété II,1929, p. 110. − Loc. adv. Au dernier degré*; au dernier point*. − Loc. verbales. Être du dernier bien, du dernier mieux, p. ell. être du dernier avec qqn. Être intime avec lui (cf. bien2B 2 b). S'abandonner aux, commettre les derniers excès*; obtenir les dernières faveurs (d'une femme) (cf. faveur); être de la dernière importance*; essuyer, subir les derniers outrages*. SYNT. Le dernier supplice*; le jugement dernier*; la dernière énergie, insolence, évidence, tentative; fins dernières (cf. fin). 2. En partic. a) [En parlant d'un inanimé] Le plus élevé dans l'échelle des valeurs. Dernier chic, cri*; dernière élégance. Toile (...) goudronnée à la dernière mode de la Cour (Gautier, Fracasse,1863, p. 96).Des soies (...) vendues (...) comme la dernière nouveauté de Paris (Zola, Terre,1887, p. 189). Rem. Dans ces emplois figés, restreints au domaine de la mode, la valeur temporelle de dernier (cf. supra II B 3) est également sensible. − Le dernier mot de. Le comble de : 15. ... un restaurant du Palais-Royal, jadis fameux, aujourd'hui démodé, mais que le docteur Sarrasin continuait de considérer comme le dernier mot du raffinement parisien.
Verne, Les 500 millions de la Bégum,1879, p. 24. b) [En parlant d'une pers. ou parfois d'un inanimé abstr.] Le plus bas dans l'échelle des valeurs, le plus vil, le plus méprisable : 16. Il [Jésus] semble quelquefois railler, en vérité.
Songez qu'il a choisi la dernière cité
Du dernier peuple, et, dans la cité tout entière,
Une femme et, parmi les femmes, la dernière!
Rostand, La Samaritaine,1897, 3etabl., 1, p. 136. − Emploi subst. Une salope qui a traîné avec le dernier des cochons (Zola, Terre,1887, p. 293). ♦ Le dernier des derniers, la dernière des dernières. Le/la plus méprisable de tous. À l'heure présente, les derniers des derniers savent très bien faire « remuer des gens communs » (Goncourt, Journal,1889, p. 928): 17. Si je faisais une chose pareille, je n'oserais plus regarder personne dans les yeux, je me croirais la dernière des dernières, je serais une vraie fille des rues! et c'est vous qui me proposez ça?
Pagnol, Fanny,1932, I, 2etabl., 6, p. 106. ♦ C'est le dernier à qui... C'est à lui moins qu'à tout autre que... C'est le dernier homme à qui je me confierais, à qui je voudrais demander un service (Ac.1835-1932). ♦ Le dernier de mes soucis (fam.). Le moindre, le cadet* de mes soucis. Le petit rentier déclara tout net qu'il ne s'intéressait pas au cœur et que même le cœur était le dernier de ses soucis (Camus, Peste,1947, p. 1447). Rem. 1. Place de l'adj. dernier. a) Quand son sens le rattache à la série des adj. ordinaux, dernier est gén. antéposé; il peut également être attribut. b) Quand il a une valeur de superl., il est gén. antéposé, sauf dans une lang. plus soutenue ou dans qq. syntagmes figés (cf. supra II D 1). c) Quand il a une valeur temporelle, sa place joue un rôle discriminatif : antéposé, il marque la fin d'une série (cf. supra I), postposé, il marque l'antériorité immédiate; dans certains emplois figés du domaine de la mode, la valeur superlative l'emporte et dernier est antéposé (cf. supra II D 2 a). 2. On rencontre ds la docum. le dérivé par apocope der, adj. et subst., arg. et pop. a) [Correspond à dernier I] Qui est après tous les autres. [Invitée par le renard, la cigogne] radina, fonça à tout berzingue, N'étant jamais la der pour la foire et la bringue (Marcus, 15 fables, 1947, p. 5). b) [Correspond à dernier II] Le (la) der des der. Le tout dernier, la toute dernière. Le der des der. Le tout dernier verre, la toute dernière tournée. Eux, fanfarons, s'étaient remis à boire : la tournée du gagnant, puis « le dernier »; puis « le der des der » (Dorgelès, Croix de bois, 1919, p. 188). La der des der(s). La dernière guerre, celle après laquelle il n'y en aura plus. On ne peut avoir tous les ans une guéguerre, la der-des-ders à annoncer comme vacances (Cendrars, Bourlinguer, 1948, p. 302). Nous avons fait la der des der, voilà la vérité. Vainqueurs ou vaincus, c'est du pareil au même (Sartre, Mort âme, 1949, p. 71). Jeux (belote). Dix de der. Gratification de dix points qui s'obtient en faisant la dernière levée. Belote, rebelotte et dix de der (Rob. Suppl. 1971). Prononc. et Orth. : [dε
ʀnje], fém. [-njε:ʀ]. On fait la liaison devant un subst. et l'on constate que [e] fermé final s'ouvre légèrement sous l'infl. de [ʀ] : dernier arbre [dε
ʀnjε
ʀaʀbʀ
̥] (cf. Mart. Comment prononce 1913, p. 359 et Fouché Prononc. 1959, p. 435). Enq. : /deʀnje, -r/. Admis ds Ac. 1694-1932. Noter que si nouveau-né est inv., dernier-né [dε
ʀnjene] prend la marque du fém. dernière-née et du plur. derniers-nés (cf. Grev. 1964, § 385 et Dupré 1971, p. 660). Étymol. et Hist. A. Espace 1210-20 (estre) au derrenier « (être) après tous les autres » (Aimeri de Narbonne, 1946, ds T.-L.); 1585 fig. (N. du Fail, Eutrapel, éd. J. Assezat, t. 2, p. 289 : son dernier refuge estoit d'opposer et empescher les bans de mariage). B. Rang 1. 1225-30 derrenier « celui qui vient après les autres (dans une énumération) » (G. de Lorris, Rose, éd. F. Lecoy, 969); 2. 1559 « extrême (en bien ou en mal) » le dernier supplice (Amyot, Cicéron, 24 ds Littré). C. Temps 1. 1269-78 li darrenierz jorz (J. de Meun, Rose, éd. cit., 8101); 2. 1269-78 « après lequel il n'y en aura plus d'autre » fere sa darreniere « jouer son dernier argent » (Id., ibid., 13690); 3. début xives. « après lequel il n'y a plus rien (dans le temps) » (J. de Joinville, Hist. de St Louis, éd. N. de Wailly, 1874, 70 : en ses darrenieres paroles); 1461 derreniere voulenté (Villon, Testament, éd. J. Rychner et A. Henry, 79); 4. xves. « le plus récent, le plus proche au moment où l'on parle » (Le Baud, Hist. de Bret., c. XLII ds Gdf. Compl.); cf. 1560-61 ces derniers ans (J. Grévin, Selodachye, p. 341 ds IGLF M.-A.); 5. 1568 « après lequel on ne trouve personne qui puisse lui être comparé » (Garnier, Porcie, 1472, I, p. 62 : Et nous avons perdu le dernier des Romains). Dernier, forme contractée de derrenier, dér. p. anal. avec premier de l'a. fr. derrain (1remoitié xiies. ds T.-L.), lui-même issu du lat. vulg. *deretranus, dér. de deretro « derrière ». Fréq. abs. littér. : 39 939. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 59 486, b) 59 165; xxes. : a) 57 943, b) 52 545. Bbg. Arveiller (R.). R. Ling. Rom. 1965, t. 29, p. 376 (s.v. der). − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 256. − Gall. 1955, p. 117. − Gottsch. Redens. 1930, p. 442. − Mat. Louis-Philippe. 1951, p. 309. Quem. Fichier. |