| DEMEURER, verbe intrans. I.− [Avec une idée de s'attarder; le plus souvent conjugué avec l'auxiliaire avoir] . Vieilli. Tarder; p. ext. mettre un certain temps à faire quelque chose. Il est demeuré une heure à lire la lettre (DG). Sa plaie a demeuré longtemps à guérir (Ac.) : 1. M. Arnold me propose de porter au ministre de l'Intérieur un plan en relief de Bologne, ce plan a 9 pouces de long (...) Il a demeuré six mois à le faire.
Stendhal, Journal,t. 1, 1801-18, p. 54. II.− [Avec une idée d'arrêt, de séjour dans un lieu] A.− [Parfois avec l'auxil. avoir, le plus souvent avec l'auxil. être] Rester, séjourner dans un lieu. J'eus donc le plaisir de demeurer deux ou trois jours avec ma mère (Sand, Hist. vie,t. 2, 1855, p. 336).J'ai ramené Martin du Gard à Cuverville, où il a demeuré trois jours (Gide, Journal,1923, p. 752). ♦ Demeurer à + inf.Cet amiral (...) demeura à dîner (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 28). − Loc. Demeurer chez soi. Ne pas sortir de sa maison ou de son pays. Demeurer sur la place. ,,Être tué, terrassé sur la place où l'on a combattu`` (Ac.). Trois mille hommes demeurèrent sur la place; il est demeuré trois mille hommes sur la place (Ac.). Demeurer sur le cœur*, sur l'estomac*. B.− P. anal. et au fig. 1. Rester, continuer d'être dans un certain état ou situation. − [Suivi d'un attribut] Demeurer immobile; il est demeuré ferme dans son opinion. Demeurer maître de ses facultés (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 161).Les vitres demeuraient baissées (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Idylle, 1884, p. 1284).Nous aurons (...) quelque peine à demeurer les maîtres (Mauriac, Bâillon dén.,1945, p. 496). ♦ Emploi impers. Il demeure prouvé que les femmes ne doivent lever leur robe que très-secrètement (Balzac, Théor. démarche,1833, p. 634).Il demeure vrai que les frontières de la nation subsistent et doivent subsister (Blondel, Action,1893, p. 267).Il n'en demeure pas moins que + ind.Il n'en demeure pas moins que le conservatisme (...) est, dans son essence, quelque chose d'entièrement différent du patriotisme (Benda, Trahis. clercs,1927, p. 257). − Demeurer sans.Tu pourras demeurer sans broncher debout (Fromentin, Dominique,1863, p. 142). a) Demeurer à.Continuer d'être, d'appartenir à. Ce bien lui est demeuré, malgré les efforts de ceux qui le lui disputaient (Ac.). b) Locutions − En demeurer là [Le suj. désigne une pers.] Ne pas poursuivre plus avant quelque chose; ne pas aller plus loin. Je désire que vous en demeuriez là (Ac.).[Le suj. désigne une chose abstr.] . Ne pas avoir de conséquence, de suite. L'affaire n'en demeurera pas là (Ac.).Synon. en rester là.La conversation en demeura là (Soulié, Mém. diable,t. 1, 1837, p. 205). − Demeurons-en là. ,,N'en parlons pas davantage`` (Ac.). Synon. restons-en là. − Demeurer sur son appétit*, sur la bonne bouche*; demeurer d'accord*, demeurer court*. − Demeurer en arrière, demeurer en reste. ,,Rester débiteur`` (Ac.). Ne pas demeurer en reste. ,,Rendre la pareille`` (Ac.). 2. Continuer d'exister; durer. Les erreurs passent avec les générations, les seules vérités demeurent! (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 955).Une immense espérance demeurait (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 230): 2. Ainsi raisonnait Benès, non sans que je sentisse le trouble qui demeurait au fond de son âme.
De Gaulle, Mémoires de guerre,1954, p. 212. − En partic. Résister contre les causes de destruction. À peine d'autrefois quelques nymphes demeurent aux bas-reliefs fleuris (Rodenbach, Règne silence,1891, p. 76). 3. ,,Rester, être de reste`` (Ac.). La circonstance rend sa virulence (...) à la boue qui demeure après le décantage (Barrès, Colline insp.,1913, p. 204). − Emploi impers. Beaucoup de ces barbarismes sont assez fugitifs, mais il en demeure assez pour infecter même la langue commerciale (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 35). C.− P. ext. Avoir sa demeure, habiter. Vous demeurez dans l'impasse? (Ponson du Terr., Rocambole,t. 5, 1859, p. 288).L'autre hiver nous demeurions sous les arches des ponts. On se serrait pour ne pas geler (Hugo, Misér.,t. 1, 1862, p. 881).Un rebouteux de renom demeurait au bourg d'Arlanc (Pourrat, Gaspard,1925, p. 280). − Demeurer dans une rue, dans ou sur une avenue, sur un boulevard, sur une place (cf. Grev. 1961, p. 961).P. ell. Il demeurait rue des Carmélites (Fromentin, Dominique,1863, p. 66). − Demeurer ensemble. J'espérais vivre et mourir près de lui. J'allai le rejoindre pour demeurer ensemble (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Humble drame, 1883, p. 404): 3. Aimez Monsieur de Rubempré, protégez-le, faites-en tout ce que vous voudrez, mais ne demeurez pas ensemble!
Balzac, Les Illusions perdues,1843, p. 163. Prononc. et Orth. : [dəmœ
ʀe], (je) demeure [dəmœ:ʀ]. Ds Ac. dep. 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1050 demorer « tarder » (Alexis, éd. C. Storey, 460); 1176-84 [ms. de la fin xiiies.] demeurer « id. » (G. d'Arras, Eracle, éd. G. Raynaud de Lage, 1636); 2. ca 1100 demurer « rester un certain temps là où l'on se trouve » (Roland, éd. J. Bédier, 162); av. 1200 demorer « résider en un lieu » (Première Continuation Perceval, éd. W. Roach, 13998); 3. 1349 subst. demorant « ce qui subsiste » (Songe vert, 551 ds T.-L.); 1489-90 loc. adv. au demourant « au reste » (Commynes, Mémoires, éd. J. Calmette, t. II, p. 44); 4. 1919 part. passé substantivé demeuré « être humain qui en est resté à un stade inférieur du développement mental » (L. Daudet, Le Monde des images, p. 83). Empr. au lat. class. demŏrari « tarder », « rester, s'arrêter »; l'inf. demeurer p. anal. avec les formes accentuées sur le radical. Fréq. abs. littér. : 10 527. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 13 689, b) 13 201; xxes. : a) 18 228, b) 15 047. DÉR. Demeurance, subst. fém.,vx ou région. a) Action de demeurer, de séjourner dans un lieu. Cette Hospitalière, cause du chagrin qu'on lui fait ici ne peut prolonger sa demeurance à Mirande (F. Fabre, Le Chevrier,1867, p. 278).b) P. méton. Demeure, habitation. Je vous veux emmener à ma demeurance du moment, qui est ce vieux château du Chassin (Sand, Les Maîtres sonneurs,1853, p. 262).− 1reattest. 1remoitié xiies. demurance « habitation » (Psautier Cambridge, 68, 28 ds T.-L.); de demeurer, suff. -ance*. − Fréq. abs. littér. : 1. BBG. − Cohen 1946, p. 37. − Darm. Vie 1932, pp. 145-146. − Gottsch. Redens. 1930, passim. − Lew. 1960, p. 64, 119, 124, 131 (s.v. demeurance). |