| DARD1, subst. masc. Objet ou organe qui déchire ou fend. A.− Objet fabriqué. 1. ART MILIT., vx a) Arme de jet ancienne, formée d'une pointe de fer portée par une hampe de bois, et qui se lançait à la main pour déchirer ou fendre; p. ext., arme pointue jetée ou lancée. Dard acéré, aigu, pointu; enfoncer, jeter un dard. Synon. partiels pointe, lance, flèche.Un luyton, demi-homme et demi-griffon, qui, monté sur un sanglier et portant un homme, s'avance, tenant deux dards et une targe (Taine, Philos. art,t. 2, 1865, p. 13): 1. On sautait, à grands bonds, dans le taillis des guerres,
Aigus de dards lancés et de piques debout,
Taillant, luttant, mourant, avec, dans les yeux fous,
La joie en fièvre et sang des ruts et des colères.
Verhaeren, La Multiple splendeur,1906, p. 28. − P. compar. L'égoïsme féminin : mielleux, affilé, raffiné comme un dard trempé dans l'huile (Proudhon, Pornocratie,1865, p. 267).Je venais de recevoir du ciel ce roseau aigu et sourd, bas et sublime, triste et joyeux, plus âpre que le dard d'un sauvage, plus doux que le miel [l'initiation poétique] (Jammes, Mém.,1921, p. 117). ♦ Spéc. [Dans des expr. évoquant un mouvement ou une action rapide] Je file comme un dard au village (Giono, Gds chem.,1951, p. 247).Il fonçait dans le tas comme un dard (Céline, Mort à crédit,1936, p. 312).Arg. Chiader comme le dard. Travailler vite (cf. Moch, X-Lexique, 1878, p. 29). SYNT. Dard cruel, fatal, funeste, homicide, inhumain, meurtrier, mortel, redoutable, terrible; dard incisif, inévitable, irrévocable, léger, rapide; dard amorti, impuissant, inutile; dard d'acier, de fer. − HÉRALD. ,,Il paraît en pal dans l'écu`` (Grandm. 1852). b) Mar. Dard à feu. ,,Baguette artificiée garnie de barbes ou dents renversées, qui était destinée à être lancée au moyen d'un fusil, dans les voiles d'un bâtiment ennemi, à s'y accrocher et à les incendier`` (Bonn.-Paris 1859). 2 P. anal. a) PÊCHE. Petit harpon (d'apr. Gruss 1952). On frappe l'esturgeon d'un dard attaché à une corde, laquelle est nouée à la barre intérieure du canot (Chateaubr., Voy. Amér.,1827, p. 177). b) ARCHIT. ,,Ornement de sculpture en forme de pointe de flèche, et qui sépare des oves sur un quart de rond`` (Chabat t. 1 1875). B.− Élément naturel. 1. Domaine animal a) Organe pointu et creux, relié à des glandes produisant du venin, et avec lequel certaines espèces animales percent leurs antagonistes et injectent leur venin. Dard empoisonné, venimeux; dard d'une abeille, d'une guêpe, d'un scorpion. Un moustique, à l'œil échappant par hasard, Dans sa peau délicate avait plongé son dard (Lamart., T. Louverture,1850, I, 1, p. 1267).Otto Marsilius (...) a vu des mouches introduire leur dard dans le corps de certaines chenilles pour pondre ensuite dans la plaie (J. Rostand, Genèse vie,1943, p. 25).Cf. également armé ex. 8. − P. compar. et/ou p. métaph. Sur sa langue un esprit à triple dard, dans sa tête une mémoire infaillible faisaient de cette vieille femme une véritable puissance (Balzac, Langeais,1834, p. 317).Je l'ai envoyé [Georget] à Tainchebraye pour lui éviter le dard de la commère Goëllo (La Varende, Dern. fête,1953, p. 226): 2. ... le professeur Hauffroy, rasséréné, n'apercevait plus ses scrupules qu'à travers une sorte de brume, et dépouillés de leur pointe venimeuse, de leurs dards de reptiles sinueux.
L. Daudet, Le Cœur brûlé,1929, p. 117. b) P. ext. − Au plur. Piquants du hérisson, du porc-épic. Dards du hérisson (Delille, Homme des champs,1800, p. 118).Ces dards de porc-épic que sont les chaumes des graminées (Gide, Retour Tchad,1928, p. 979). − ,,Il se dit aussi, surtout dans la langue poétique, de la langue pointue des serpents`` (Ac. 1932). 2. P. anal. a) Domaine végétal − HORTIC. ,,Rameau court et pointu d'un arbre fruitier; il est destiné à devenir un bouton à fleurs et à fruits`` (Fén. 1970) : 3. La lambourde résulte de l'évolution limitée du dard en bourgeon à fruit. L'œil à fruit (ou bouton), terminal de la lambourde, a une forme ogivale, plus ou moins allongée, mais bien distincte de celle du dard.
Boulay, Arboric. et production fruitière,1961, p. 49. − Rameau pointu, épine de certaines plantes. Souvent son aile est déchirée Aux mille dards des buissons verts (Hugo, Odes et Ball.,1828, p. 329).La grive se déchire aux dards tranchants des houx (Noailles, Cœur innombr.,1901, p. 78).La tige d'où jaillissent les palmes est hérissée de dards (Gide, Retour Tchad,1928p. 997). b) TECHNOL. Flamme pointue et allongée. Un dard de chalumeau (La Varende, Normandie en fl.,1950, p. 117): 4. Cécile, sa mère, le précèdent [Jack] (...). Ce qui l'empêche de les joindre, ce sont d'énormes machines rangées le long des fossés, effrayantes, ronflantes, et dont les gueules ouvertes, les dards fumants, lui envoient un souffle embrasé.
A. Daudet, Jack,t. 2, 1876, p. 350. c) Arg. Membre viril. Un maq sans dard, c'est comme une bagnole sans benzine (Le Breton1960). Rem. La plupart des dict. attestent le dimin. dardillon, subst. masc. a) Petit dard (cf. Nouv. Lar. ill., DG, Lar. 20e, Lar. Lang. fr.). b) Synon. de barbillon1B 1 (cf. Bonn.-Paris 1859, Gruss 1952 et la plupart des dict. gén. à partir de Littré). c) Arg. Synon. de dard B 2 c (cf. Sandry, Carrère, Dict. arg. mod., 1953; Le Breton 1960). Prononc. et Orth. : [da:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Au sens A 1, Nouv. Lar. ill., Lar. 20e, Le Breton 1960 et Gatin 1965 donnent la var. fém. darde. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 « arme de jet » (Roland, éd. Bédier, 2155); 1165-76 (Chr. de Troyes, Cligès, 461 ds T.-L. : Amors ... l'a de son dart ferme); 2. 1668 « aiguillon piquant de certains animaux (ici d'un hérisson) » (La Fontaine, Fables, XII, 19). De l'a. b. frq. *daroth « arme de jet » (que l'on peut déduire de l'ags. darod, a. h. all. tart, a. nord. darradr, de Vries Anord.); ixes. lat. médiév. dardus, sens 1 ds Nierm. Bbg. Chautard (É.). La Vie étrange de l'arg. Paris, 1931, p. 328. − Gottsch. Redens. 1930, p. 314. |