| DANDY, subst. masc. A.− [En Angleterre, au début du xixes.] Jeune homme appartenant à un groupe de la haute société, qui réglait la mode. Depuis Brummel, le sceptre des dandies était resté vacant (Vigny, Mém. inéd.,1863, p. 173): 1. Aujourd'hui le dandy doit avoir un air conquérant, léger, insolent; il doit soigner sa toilette, porter des moustaches ou une barbe taillée en rond comme la fraise de la reine Élisabeth, ou comme le disque radieux du soleil : il décèle la fière indépendance de son caractère en gardant son chapeau sur sa tête, en se roulant sur les sophas, en allongeant ses bottes au nez des ladies assises en admiration sur les chaises devant lui.
Chateaubriand, Essai sur la litt. angl.,t. 2, 1836, p. 273. B.− [En France, à l'époque romantique] ,,Élégant qui se pique de suivre rigoureusement les modes`` (Ac. Compl. 1842). Synon. lion : 2. ... il [Derville] était devenu aussi assidu chez madame de Grandlieu que l'aurait été un dandy de la Chaussée d'Antin nouvellement admis dans les cercles du noble Faubourg.
Balzac, Gobseck,1830, p. 382. − En partic. Personnage dont le raffinement témoigne d'un anticonformisme et d'une recherche éthique, fondée sur le mépris des conventions sociales et de la morale bourgeoise : 3. Que ces hommes se fassent nommer raffinés, incroyables, lions ou dandys, tous (...) sont des représentants (...) de ce besoin, trop rare chez ceux d'aujourd'hui de combattre et de détruire la trivialité.
Baudelaire, Curiosités esthétiques,1867, p. 351. 4. Ne pouvant se passer d'ennemis, ils ne pouvaient, dandies forcenés, se définir que par rapport à ces ennemis, prendre forme que dans le combat acharné.
Camus, L'Homme révolté,1951, p. 224. Rem. Le dandy défini par Villiers de l'Isle-Adam ou Baudelaire reste un élégant, soucieux de recherche vestimentaire; en insistant sur les connotations éthiques et intellectuelles du mot, on est passé à des valeurs d'emploi excluant le concept d'élégance. Le solitaire, qui épouse la solitude, est le seul excentrique, le seul dandy suprême (L. de Vilmorin, Lettre taxi, 1958, p. 175). Paul Léautaud, sordide et noir, le col graisseux, était tout de même un dandy (Mauriac, Mém. intér., 1959, p. 225). C.− P. ext. Élégant, raffiné. Sans être encore un dandy, j'étais un peu mieux mis (Léautaud, Pt ami,1903, p. 223).Jeune homme, il apportait à sa toilette les soins d'un dandy, habitué dès l'enfance aux parades de la séduction (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 37). Rem. Le mot peut, dans cette accept., s'employer en parlant de toute époque, et notamment de l'époque mod.; mais il connote le plus souvent une élégance de style britannique ou des caractères plus ou moins empruntés au type de personnage de la tradition littér. fr. Un dandy, certes, dans la bonne et balzacienne acception du mot (L. Daudet, Salons et journaux, 1917, p. 103). Eustache promène toujours (...) ses airs de dilettante et de dandy grassouillet (Aymé, Bœuf cland., 1939, p. 219). Rem. gén. 1. Le mot s'insère dans le paradigme des termes désignant l'élégant, mais n'a guère de synon. (à l'exception partielle de lion et de fashionable). 2. Dandy ne s'emploie pas au fém. Qu'est-ce qu'une lionne...? un de ces dandy femelles qu'on rencontre invariablement où il est de bon ton de se montrer (Augier, Lionnes, 1858, IV, pp. 42-43). 3. La docum. atteste a) Dandyesque, adj. Relatif au dandy, var. d'aut. de dandyque, vx attesté par Guérin 1892 et Lar. 19e. Un camarade qui devait être son maître d'élégance et qui lui conseillait, avec une pédanterie dandyesque, de faire diminuer l'échancrure de son pardessus (Queneau, Exer. style, 1947, p. 100). b) Dandyfier, verbe trans., rare. Transformer en dandy. Au part. passé : Un homme bel et bien en chair, très dandyfié, et qui laissait pendre de sa poche un mouchoir groseille rayé de vert pâle (Toulet, Comme une fantaisie, 1918, p. 99). 4. Pour l'homogr. dandy, subst. masc., mar. v. dundee. Prononc. et Orth. : [dɑ
̃di]. Nasalisé parce que francisé dep. longtemps. Au plur. des dandies (comme en angl.) ou des dandys : ds Ac. Compl. 1842, Besch. 1845, Littré, Guérin 1892, Rob., Quillet 1965, Lar. 19e-Lar. Lang. fr. Noter que pour Lar. encyclop. et Lar. Lang. fr. c'est le plur. francisé qui prévaut. C'est aussi l'avis de Dupré 1972, p. 585. Le plur. francisé est donné seul ds Colin 1971, Davau-Cohen 1972 et déjà ds France 1907. Le mot est admis ds Ac. 1878 et 1932 sans indication pour le pluriel. Étymol. et Hist. 1813-14 daindy (Staël, Corresp. gén., let. à J. Rocca, I, 1, p. XLIX [Pauvert, 1962] ds Quem. Fichier); 1817 dandy (Lady Morgan, La France, p. 714 ds Mack t. 1, p. 201). Angl. dandy d'orig. controversée. Ce mot désignait dans la région frontière entre l'Angleterre et l'Écosse les jeunes gens qui fréquentaient l'église ou la foire annuelle dans un vêtement excentrique (Brink-Wehrli, pp. 41-42), puis vers 1813-19 il fut adopté à Londres à propos d'« élégants » dont le type fut G.-B. Brummel [1778-1844], cette dénomination parvint également à Paris avec la mode anglaise. Fréq. abs. littér. : 179. Bbg. Balzac, Baudelaire, Barbey d'Aurevilly. Sur le dandysme. Éd. par R. Kempf. Paris, 1971. − Bonn. 1920, p. 43, 179. − Greimas (A. J.). Nouv. dat. Fr. mod. 1952, t. 20, p. 301. − Kemna 1901, pp. 176-177. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 45, 228. − Mirandola (G.). St. fr. 1973, t. 17, p. 177. − Rat (M.). Dandys, lorettes... Vie Lang. 1968, pp. 569-570. |