| CURIOSITÉ, subst. fém. A.− [Pour désigner une disposition d'esprit d'une pers.] Envie d'apprendre, de connaître des choses nouvelles. 1. En bonne part. Vive curiosité; curiosité scientifique. Amusant, de le surprendre jouant avec sa fille, − ou plutôt, patiemment penché, avec la curiosité de l'entomologiste, vers ce bébé de dix mois qui se traîne et se trémousse sur le tapis (Martin du G., Notes A. Gide,1951, p. 1391): 1. La curiosité! C'est la source du monde, elle le crée continuellement; par elle naissent la science et l'amour... J'ai vu avec chagrin un petit livre pour les enfants où la curiosité était blâmée...
Barrès, Le Jardin de Bérénice,1891, p. 6. − Curiosité de + compl. a) [Le compl. précise ce sur quoi porte l'envie] ♦ Curiosité de + inf.La curiosité nous tourmente de connaître les causes des choses (A. France, Pierre bl.,1905, p. 55). ♦ Curiosité de + subst.Pauline avait gardé la curiosité passionnée de cette eau immense, si pure et si douce maintenant, au clair soleil de juillet (Zola, Joie de vivre,1884, p. 841).MmeDaudet (...) parlait de l'amour et de la curiosité des médicaments chez son mari (Goncourt, Journal,1893, p. 430). b) [Le compl. précise ce qui éprouve l'envie] Curiosité d'amateur. Un dîner très amusant, très cosmopolite, très parlant à la curiosité de l'estomac (Goncourt, Journal,1895, p. 758): 2. Ces dons [de Baudelaire] n'eussent fait de lui qu'un excellent artiste du Parnasse, s'il n'eût, par la curiosité de son esprit, mérité la chance de découvrir dans les ouvrages de Poë un nouveau monde intellectuel.
Valéry, Variété II,1929, p. 144. − Curiosité d'esprit. Il s'agit de savoir si le peuple d'aujourd'hui a assez de souplesse et de curiosité d'esprit pour suivre une évolution qui se fait au-dessus de lui (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 113). SYNT. Intense curiosité; une curiosité anxieuse; curiosité artistique, créatrice, intellectuelle, philosophique, prospective; la curiosité sexuelle (des enfants); braquer sa curiosité sur un objet. 2. En mauvaise part. Désir, plus ou moins importun, d'en savoir davantage (sur une personne, sur des événements). Curiosité malsaine; surveiller avec curiosité. La curiosité méchante et l'indifférence maussade des vendeurs (Zola, Bonh. dames,1883, p. 434).Des personnes gourmées le dévisageaient avec une curiosité blessante (Rolland, J.-Chr.,Matin, 1904, p. 114). SYNT. Curiosité fureteuse, indiscrète, insolente, maladive, mauvaise; désarmer la curiosité; se dérober à la curiosité de qqn; dévoré par la curiosité. − Au plur. Manifestations de cette curiosité. Voir exposée [leur œuvre] aux salissantes curiosités des foules (Huysmans, Là-bas,t. 2, 1891, p. 109). B.− [Pour désigner l'impression qu'une chose fait sur l'esprit] 1. Aspect étrange, caractère insolite. Synon. étrangeté.Voix d'une fascinante curiosité (Balzac, Initié,1848, p. 455).Il s'amuse alors aux bizarreries de la syntaxe, aux curiosités du néologisme (Bourget, Nouv. Essais psychol.,1885, p. 189).Et rien, rien dans le livre de la curiosité, de l'originalité, de la particularité des milieux où la vie de la femme-auteur s'est passée (Goncourt, Journal,1887, p. 665). − RHÉT., vieilli. La curiosité du style. ,,Une certaine recherche, un certain art dans le style, qui s'éloigne de la simplicité, mais qui ne déplaît pas`` (Ac. 1932). 2. P. méton. a) Chose curieuse, étrange, remarquable. Curiosité archéologique, gastronomique. Ils étaient tous (...) partis voir (...) une filature de lin que l'on établissait (...). Rien pourtant n'était moins curieux que cette curiosité (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 116): 3. C'était comme pour les œufs, certainement qu'on les commandait exprès aux poules, car on n'en aurait pas trouvé d'aussi petits sur tout le marché de Cloyes : oui, une vraie curiosité, et donnés de si mauvais cœur, qu'ils avaient le temps de se gâter en route.
Zola, La Terre,1887, p. 212. b) Souvent au plur. Objet précieux, rare, œuvre d'art, bibelot. Un marchand, une boutique de curiosités. Ces gens, par le crétinisme de leur antiquaillerie, me dégoûtent de la curiosité et me font aujourd'hui regarder mes goûts comme les goûts d'un maniaque, d'un imbécile (Goncourt, Journal,1881, p. 117).On aime les bibelots (...), on ne les comprend pas. On les estime pour leur valeur d'art ou leur intérêt de curiosité (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 99): 4. ... ils affectionnent ces rues Troussevache et Qui-qu'en-poist, qui sont le centre de la mercerie et le marché de tous ses luxes et curiosités.
Faral, La Vie quotidienne au temps de St Louis,1942, p. 64. − Loc. Donner dans la curiosité (Ac.1932). Prononc. et Orth. : [kyʀjozite]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1190 curioseté « souci, préoccupation exagérée » (M. de France, Purgatoire, 1429 ds T.-L.) − fin xviies., La Bruyère ds Littré, ex. répertorié par les dict. qui considèrent ce sens comme ,,vieilli`` dep. Lar. 19e; d'où 1559 « goût, passion pour des choses rares » (Amyot, Lucul., 78 ds Littré); 2. xiiies. curiositeiz « désir de connaître » (Sermons St Bernard, éd. W. Foerster, p. 131, 3); ca 1268 péj. curiosité « désir d'apprendre des choses obscures sans nécessité » (Brunet Latin, Trésor, éd. F. J. Carmody, II, 69, 5); 3. xves. « ce qui retient l'attention » d'apr. FEW t. 2, p. 1564 a. Empr. au lat. class. curiositas « désir de connaître », attesté en lat. chrét. au sens de « ce qui entraîne la curiosité, qui est digne de curiosité ». Fréq. abs. littér. : 4 922. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 6 403, b) 6 811; xxes. : a) 7 294, b) 7 432. Bbg. Goug. Mots t. 2 1966, pp. 36-39. − Lew. 1960, p. 182. |