| CUL-DE-JATTE, subst. masc. A.− Domaine des infirmités physiques 1. Personne amputée des membres inférieurs ou qui ne peut en faire usage. Le cul-de jatte, avec ses moignons estropiés, sautait comme un crapaud (Gautier, Albertus,1833, p. 182).Vers elle un cul-de-jatte roula qui avait des tibias secs liés en X contre son ventre (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 474).Un cul-de jatte monte la rue du Rocher dans sa petite voiture à trois roues (Renard, Journal,1904, p. 942). − P. métaph. : 1. Et quelle place tiendra un individu qui est dans le siècle, qui n'a pas d'ambition et qui n'aime pas l'argent? Ambition et cupidité sont les deux jambes de l'homme du siècle; celui qui ne les a pas est un cul-de-jatte dans la foule. Nous cependant, qui écrivons ceci, nous tirons notre chapeau à ce cul-de-jatte.
Montherlant, Les Célibataires,1934, p. 758. Rem. La docum. atteste un emploi subst. au fém. Vous l'avez p't'être connue... la Vénus-tronc? Une cul-de-jatte (Richepin, Truanderie, 1891, p. 50). 2. Emploi adj. Vous aviez un fils estropié, cul-de-jatte, incapable de servir (Chateaubr., Mél. pol.,1816-24, p. 17). ♦ P. métaph. Des maisons ventrues, culs-de-jatte, enfoncées dans la terre (Rolland, J.-Chr.,Révolte, 1907, p. 540). − P. ext. et péj. Qui n'aime ou ne veut pas se déplacer : 2. Santillana, vieille localité, avec deux églises romanes intéressantes, dans un joli site sur le Besaya : voilà tout ce que trouve à dire le Baedecker, ce guide du voyageur cul-de-jatte et aveugle, au sujet de cette petite ville qui est la plus sincèrement intacte de toute l'Espagne et l'une des plus curieuses du pays.
T'serstevens, L'Itinéraire espagnol,1963, p. 305. B.− Au fig. Personne incapable, médiocre qui a des moyens intellectuels limités. Quelle percée et quelle ouverture sur la jeunesse antique! Quel contraste, si l'on met en regard notre éducation de « savantasses » et de culs-de-jatte! (Taine, Voy. Ital.,t. 1, 1866, p. 148). − Emploi adj. Les plus culs-de-jatte intellectuels (Bloy, Journal,1899, p. 302).Aveugle ou cul-de jatte, fourvoyé par mes erreurs, je gagnerais la guerre à force de perdre les batailles (Sartre, Mots,1964, p. 195). Prononc. et Orth. : [kydʒat]. Ds Ac. 1694-1878, s.v. cul (cf. ce mot pour le plur.). Ds Ac. 1932 en tant que vedette autonome. Écrit sans trait d'union ds Ac. 1694-1762 et Toulet, Almanach des trois impostures, 1920, p. 90. Étymol. et Hist. 1604 (Journal de J. Héroard sur l'enfance et la jeunesse de Louis XIII, I, 69 d'apr. FEW t. 2, 2, p. 1515 b); av. 1660 (Scarron, Poésies diverses,
Œuvres, t. VII, p. 10 ds Littré). Composé de cul*, de* et jatte* soit parce que l'infirmité rendait l'extrémité du corps de ces personnes semblables à une jatte, soit p. allus. à l'appareil en forme de jatte dont se servaient les estropiés pour se déplacer (cf. cul de jatte « sorte de jatte servant à ceux qui n'ont plus l'usage de leurs jambes » Scarron, Testament ds Littré, s.v. cul et aller le cul dans un plateau, 1617, A. d'Aubigné, Les Aventures du baron de Faeneste, II, 6). Fréq. abs. littér. : 77. |