| CUISSE, subst. fém. I.− Partie du corps. A.− [Chez l'être hum.] 1. Partie du membre inférieur qui s'articule à la hanche et va jusqu'au genou. Cuisse(s) mince(s), musculeuse(s), nerveuse(s). Une longue et rapide descente fatigue davantage les muscles des cuisses et des jambes qui portent tout le poids du corps (Maine de Biran, Journal,1816, p. 169).Parlons femmes, voulez-vous? Bien entendu, pas de la Femme éternelle (...), mais de cuisses, de fesses, de tétons, enfin, quoi, de choses qui existent vraiment (Aymé, Confort,1949, p. 169): 1. J'en ai choisi un moi de cinéma où il y avait des femmes sur les photos en combinaison et quelles cuisses! Messieurs! Lourdes! Amples! Précises! Et puis des mignonnes têtes par là-dessus, comme dessinées par contraste, délicates, fragiles...
Céline, Voyage au bout de la nuit,1932, p. 252. SYNT. Cuisse(s) blanche(s), charnue(s), grasse(s), maigre(s), nue(s), ronde(s), velue(s); l'os de la cuisse; se casser, fracturer la cuisse; pincer les cuisses de qqn; mettre, passer, poser la main sur ou entre les cuisses de qqn; avoir de l'eau à mi-cuisses. ♦ L'entre-cuisses. Espace entre les cuisses; p. méton., les parties sexuelles. Les femmes qui savent résister aux besoins de l'entre-cuisses (Renard, Journal,1891, p. 76). ♦ MAN. Aide des cuisses. Action que le cavalier exerce sur le cheval par la pression des cuisses afin de le diriger dans le sens voulu. Rem. Attesté ds la plupart des dict. à partir de Ac. Compl. 1842. − P. méton. ♦ CHORÉGR. (Quasi-)synon. de jambe.Temps de cuisse. Temps dans lequel une jambe se lève puis, en se rabattant, rejoint l'autre jambe (cf. Sandry-Carr. Th. 1963). Un temps de cuisse est un temps d'Adage (Meunier, Danse class.,1931, p. 278). ♦ Partie du pantalon correspondant à la cuisse (cf. jambe). Sur le dos du lit un pantalon de femme est étalé; une grande fente ovale bâille entre les cuisses de flanelle grise (Giono, Colline,1929, p. 125). Rem. La docum. atteste le dimin. cuissette, subst. fém. gén. plur., région. (Suisse). Culotte courte de sport. Enfiler ses cuissettes. Je tremblais dans mes cuissettes, prêt à me sauver au premier bruit suspect (G. Clavien, Les Moineaux de l'Arvêche, Pont-de-la-Morge, La Douraine, 1974, p. 63). ♦ Pop. [Gén. avec une épithète] Personne du sexe féminin. Celle-là s'était desséchée dans l'air embrasé des loges, au milieu des cuisses et des gorges les plus célèbres de Paris (Zola, Nana,1880, p. 1208). 2. Loc. et expr. a) Familier
α) Loc. pronom. − Se claquer, se taper (sur) les cuisses. Témoigner sa satisfaction, sa joie. Ils se donnaient de grandes claques sur les cuisses pour mieux manifester leur joie (Guèvremont, Survenant,1945, p. 64). − Se croire sorti de la cuisse de Jupiter, se dire noble comme la cuisse d'(à) Abraham, se croire de la cuisse du pape. Se croire de naissance ou de condition sociale élevée; p. ext., se croire supérieur aux autres. Ça se dit noble comme la cuisse à Abraham (Dumas père, Napoléon,1831, III, 3, p. 60).Il se croyait de la cuisse du Pape (Arnoux, Chiffre,1926, p. 88).Yvonne. − Nos familles existent. Georges. − À t'entendre on nous croirait sortis de la cuisse de Jupiter! (Cocteau, Par. terr.,1938, III, 2, p. 279): 2. − Mademoiselle Louise donc! Est-ce qu'on ne la dirait pas sortie de la cuisse de Jupiter?... Si vous voyiez dans sa chambre, tous ses petits pots, des pommades, des liqueurs!
Zola, La Joie de vivre,1884, p. 937. − Se faire rire les cuisses de. Se moquer d'une affaire, en plaisanter. Le secret de cette mystérieuse affaire [disait le journal] (...) Le secret! Je m'en serais fait rire les cuisses, s'il ne s'était agi de moi, dans ce coup! (Simonin, Cave se rebiffe,1954, p. 208).
β) Loc. non-pronom. − Faire une belle cuisse à qqn (vieilli). Pour indiquer que quelque chose est indifférent, n'a aucune importance. Synon. faire une belle jambe.La belle cuisse que cela fait à ses créanciers (E. Deschaumes, Événement,1880ds Larch. Nouv. Suppl. 1889, p. 76). Rem. 1. Le suj. est toujours le pron. dém. (cela, ça), le compl. souvent pron. pers. (me, te, lui...). 2. L'expr. est attestée par France 1907. − Montrer ses cuisses. Se produire sur scène, dans des spectacles médiocres. Synon. montrer son cul : 3. Ernest regarda la fille (...) et dit en hochant la tête :
− Ce n'est pas mal tourné (...), mais à quoi que ça peut servir? À montrer ses cuisses dans des beuglants de garnison...
Aymé, La Jument verte,1933, p. 206. ♦ P. métaph. Ce dix-huitième siècle français suspendu à un fil, où rien n'est plus d'aplomb (...) où la politique montre ses cuisses à l'air comme les marquises à l'escarpolette (Morand, Londres,1933, p. 185). b) Expr. [Évoque les activités sexuelles de la femme (cf. A 1 p. méton.)] (Quasi-)synon. cul, fesse(s). − Arriver par les cuisses. Parvenir à une situation sociale enviable en utilisant ses relations intimes. Synon. arriver par le cul.Ça se trouve, des femmes moches qui arrivent par les cuisses (...), seulement il faut qu'elles en mettent un sale coup (Beauvoir, Mandarins,1954, p. 184). − Avoir la cuisse accueillante, gaie, hospitalière, légère. Avoir des rapports sexuels fréquents et avec des personnes différentes : 4. J'avais un camarade qui s'était attaché durant la « drôle de guerre » à une petite Lorraine, qu'il grondait tendrement pour avoir eu jadis la cuisse un peu légère.
Ambrière, Les Grandes vacances,1946, p. 98. − Histoire de cuisses. Récit licencieux. Synon. histoire de cul.C'était (...) un garçon sensible, propre, ne recélant dans son corps aucun de ces dangereux mystères qui inclinent tant d'hommes à une compréhension trop indulgente des histoires de cuisses (Aymé, Travelingue,1941, p. 28). − [P. allus. au proverbe pas d'argent, pas de Suisse] Chez l'épicier, pas d'argent, pas d'épices, Chez la belle Suzon, pas d'argent, pas de cuisse (G. Brassens, Poèmes et chansons,Grand-père, Éd. musicales, 1957). B.− [Chez l'animal] 1. Partie du membre de certains animaux qui s'étend du bassin jusqu'à l'articulation avec le tibia. Cuisse de chameau, de grenouille, de poulet. Elle [une chatte] était grande comme un chien épagneul, les cuisses longues et musclées attachées à un rein large (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 226).Folcoche (...) s'acharne sur une cuisse de lièvre (H. Bazin, Vipère,1948, p. 271). SYNT. Cuisse d'antilope, de canard, de chapon, de cheval, de lapin, d'oie, de pigeon, de perdreau. Rem. Ac. Gastr. 1962 signale que ,,le gastronome ne connaît la cuisse de bœuf que sous les noms que le boucher donne à ses différentes parties (...); il apprécie la cuisse de mouton sous le nom de gigot, celle de veau sous le nom de cuisseau, qui devient cuissot quand il s'agit de gros gibiers (sanglier, cerf, chevreuil). Seules, pour lui, les volailles et les grenouilles ont des cuisses, le porc n'ayant que des jambons``. − Loc. Tirer cuisse ou aile de qqc. Tirer parti d'une situation. Vous avez eu, vous, en cette affaire, l'innocence d'un agneau. Vous serez forcé de montrer les dents à votre nouveau parti pour en tirer cuisse ou aile (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 515). 2. ZOOL. (insectes). Troisième article des pattes thoraciques. La patte, articulée au thorax entre le sternum et la plèvre, se compose de cinq articles principaux, la hanche ou coxa, le trochanter, le fémur ou cuisse, le tibia ou jambe, le tarse formé de 1 à 5 articles et terminé par des griffes (Zool.,t. 2, 1963, p. 495 [encyclop. de la Pléiade]). II.− P. anal. (principalement de I A 1) A.− [P. anal. de forme] 1. Cuisse-madame, cuisse-dame. Variété de poire longue et renflée et de couleur fauve. Il a offert des poires de cuisse-madame; (...) nous avons beaucoup ri du mot dans sa bouche (Goncourt, Journal,1864, p. 73). 2. Cuisse (de noix). Quartier de noix débarrassé de son enveloppe. Il [l'écureuil] a commencé par les noix, des cuisses fraîches, présentées une à une (Genevoix, Routes avent.,1958, p. 41). B.− [P. anal. d'aspect pour évoquer une teinte spéc.] 1. Cuisse(-)de(-)nymphe, cuisse(-)de(-)nymphe émue. Variété de rose blanche teintée d'incarnat pâle. Des odeurs farouches mêlées aux doux parfums des roses « cuisse de nymphe » qui embaument de leurs buissons l'entrée du jardin (Goncourt, M. Salomon,1867, p. 443).Ces roses [des toiles de Renoir] il ne nous manque que de les préciser « cuisse de nymphe émue » pour les reconnaître chez Fragonard (Mauclair, Maîtres impress.,1904, pp. 136-137). − En appos. inv. avec valeur d'adj. Couleur de cette rose. Gilet de piqué jaune à petites rayes couleur cuisse de nymphe émue (L'Observateur des modes, no3, 1819, p. 112).Elles se font tireuses de cartes. Affublées (...), coiffées du grand cabriolet de satin cuisse-de-nymphe (Paillet, Voleurs et volés,1855, p. 17). 2. Région. (Touraine), en appos. avec valeur d'adj. [En parlant d'un vin] Vin cuisse de bergère, se dit d'un vin rouge très faible en couleur (Rougé, Folkl. Touraine,1943). Prononc. et Orth. : [kɥis]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1100 quisse (Roland, éd. J. Bédier, 1492). Du lat. impérial coxa « os de la hanche; cuisse ». Pour l'élimination du lat. femur, cf. Wartburg-Ullmann, Problèmes et méthodes de la ling., 1969, t. 3, pp. 175-176, cf. aussi hanche. Fréq. abs. littér. : 1 511. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 420, b) 2 024; xxes. : a) 2 982, b) 2 335. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 166, 450. − Mat. Louis-Philippe 1951, p. 206. |