| CUIR1, subst. masc. A.− [En parlant d'un être vivant] 1. Vx ou p. plaisant. Peau de l'homme. Le berger accroupi, le menton ras, le cuir tanné, son cachimbau (pipe courte) au coin de la bouche finement dessinée, parlait à peine (A. Daudet, Trente ans Paris,1888, p. 167): 1. La trogne du père Bazouge, avec sa bouche tordue et son cuir encrassé par la poussière des enterrements, lui semblait [à Gervaise] belle et resplendissante comme un soleil.
Zola, L'Assommoir,1877, p. 779. ♦ Cuir chevelu (cf. chevelu A 1 a). − Loc. Entre cuir et chair (cf. chair I A 2 a). ♦ Tanner le cuir de qqn. Le battre, lui administrer une correction (cf. France 1907). − P. méton. [Désignant une partie de la pers., la pers. tout entière ou son caractère] Toi, Gérane amène ton cuir. Arthur se casa dans le fauteuil, offrit ses joues (H. Bazin, Tête contre murs,1949, p. 333).Ils auront ton cuir et ta moelle (Arnoux, Solde,1958, p. 86): 2. ... tu sais que je t'aime, toi, Juif, ami fraternel. Mais vraiment, vous avez le cuir trop irritable, vous êtes impossibles.
Duhamel, Chronique des Pasquier,Les Maîtres, 1937, p. 83. 2. Peau particulièrement épaisse de certains animaux. Cuir du chameau, de l'éléphant, de l'hippopotame. C'est la nature (...) qui a renfermé sous le cuir de la baleine tout ce qui était nécessaire aux besoins de l'homme (Bern. de St-P., Harm. nature,1814, p. 73).Les bombes atomiques les plus effroyables doivent n'être que quelque pétard sur le cuir d'un rhinocéros (Cocteau, Lettre Amér.,1949, p. 88): 3. Quand le taureau eut après lui sept ou huit banderillas dont le fer lui déchirait le cuir et dont le papier lui bruissait aux oreilles, il se mit à courir...
Gautier, Tra los montes,Voyage en Espagne, 1843, p. 83. B.− [En parlant de la peau séparée de la chair de certains animaux] 1. Dépouille d'animal, notamment de gros bovin, destinée au tannage. Négociant en cuirs et peaux : 4. Aujourd'hui, nous avons cinq tanneries, elles emploient tous les cuirs du département, elles en vont chercher quelquefois jusqu'en Provence, et chacune possède son moulin à tan.
Balzac, Le Médecin de campagne,1833, p. 51. Rem. 1. Dans ce sens, on dit aussi cuir brut (le procédé du salage qui nous intéresse (...) consiste à empiler les cuirs bruts côté poil en dessous, en recouvrant le côté chair de chacun d'eux par une couche de sel [Stocker, Sel, 1949, p. 90]); cuir cru (cf. cru I B 1 b); cuir vert. Anton. cuir tanné, cuir fini. 2. Le terme de peau, également employé dans ce sens, est gén. réservé aux dépouilles des animaux de petite taille. ♦ Cuir en tripe. Peau qui a subi la préparation (travail de rivière) précédant le tannage proprement dit (cf. Bérard, Gobilliard, Cuirs et peaux, 1947, p. 70) 2. Usuel. Matière imputrescible, relativement résistante à l'eau, souple, obtenue par tannage de la peau et utilisée à diverses fins. Cuir fauve; casquette, chaussures de cuir. Une ceinture de cuir, commandée au bourrelier, d'après un modèle que je lui avais moi-même fourni (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 157): 5. Une paire de bottes! c'était depuis longtemps le rêve, (...) du gros garçon. Il avait essayé de s'en faire avec de vieilles tiges à Deschartres et un grand morceau de cuir qu'il avait trouvé dans la remise, ...
Sand, Histoire de ma vie,t. 2, 1855, p. 379. SYNT. Cuir bouilli*, chamoisé (II A), durci, épais, fin, gaufré, glacé, gras, lissé, repoussé; cuir à bourrellerie, à empeigne, à semelle; cuir (tanné) au chrome; cuir de Cordoue; (côté) chair du cuir (cf. chair I A 2 a), (côté) fleur du cuir; odeur, relent de cuir, corroyage, nourrissage, travail du cuir; banquette, blouson, courroie, portefeuille, sac de (en) cuir; (personne, objet qui) sent le cuir; harnaché, sanglé, recouvert, relié de cuir (en plein cuir). ♦ Cuir de Russie. Cuir traité à l'huile de bouleau. Il voyait MmeEwans ouvrir sans cesse son petit porte-monnaie en cuir de Russie (A. France, Servien,1882, p. 48). ♦ Rond de cuir. Coussin plat en cuir. Mais il fallait de l'initiative et de l'intelligence, il s'agissait de ne pas s'endormir sur son rond de cuir, comme un empoté (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 29).Le rond de cuir du bureaucrate (Faure, Esprit formes,1927, p. 263).Au fig. cf. rond-de-cuir. − Expr., loc. ♦ Vx, iron. Orfèvre en cuir. Savetier (cf. Hautel t. 1 1808). Rem. Littré, Lar. 19e, Lar. 20eattestent la var. orfèvre en vieux cuirs. ♦ Au fig. Vouloir du cuir d'autrui faire large courroie. Vivre aux dépens d'autrui (cf. Ac. 1798-1878). − P. méton. Objet, vêtement en cuir. Le cuir d'aviateur que Gardet portait par-dessus sa combinaison (Malraux, Espoir,1937, p. 830). ♦ Cuir à rasoir. Bande de cuir utilisée pour entretenir le fil du rasoir (cf. Catal. d'instruments de lab. (Jouan), 1933, p. 106). ♦ Spéc., IMPR. Cuir de balle (cf. balle3B) ou absol. cuir (Bertrand-Quinquet, Impr.,1799, p. 169). ♦ Arg. ,,Ballon`` (Esn. 1966). − P. métaph. Cuir épais et mouillé des feuilles d'hortensia (Colette, Mais. Cl.,1922, p. 87).Ses belles épaules de cuir tiède (La Varende, Roi Écosse,1941, p. 153). − P. anal. a) Cuir artificiel, faux cuir, simili-cuir. Produit de remplacement d'origine naturelle (déchets divers) ou synthétique. Elle ouvrit son sac de faux cuir et se mit à fouiller parmi les objets qui s'y trouvaient (G. Roy, Bonheur occas.,1945, p. 94). ♦ Cuir de banane : 6. ... la grille du cimetière des chiens, à travers laquelle on voit de vieilles dames à fourrure en poil végétal, à boas en plume de palmier, à chaussures en cuir de bananes, terribles pour les végétaux, ...
Giraudoux, Suzanne et le Pacifique,1921, p. 30. b) Cuir de brouette (cf. brouette B 1). c) Cuir (de) laine. Sorte de tissu croisé très solide. C'est un bon cuir de laine et défiant l'usure (Rostand, Aiglon,1900, I, 9, p. 36). d) Carpe cuir. Variété de carpe (de chair médiocre) sans écaille (cf. Le Temps, 25 sept. 1938). Allégé, il [l'inconnu] repart (...) comme s'il était attiré par ce gargouillis (...) qui signale en tout temps l'emplacement du petit étang artificiel où prospèrent d'énormes carpes cuir (H. Bazin, Huile sur feu,1954, p. 14). Prononc. et Orth. : [kɥi:ʀ]. Ds Ac. 1694-1932. Homon. cuire. Étymol. et Hist. 1. Ca 1100 quir « peau de l'homme » (Roland. éd. J. Bédier, 1012); 1800 spéc. cuir chevelu (Geoffroy, Méd. prat., p. 447); 2. ca 1160 cuir « peau d'un animal tué » (Eneas, éd. J.-J. Salverda de Grave, 395 : cuir de tor); ca 1170 « peau tannée servant à divers usages » (Chr. de Troyes, Erec et Enide, éd. M. Roques, 3764). Du lat. class. corium « peau de l'homme » et « peau des animaux ». Fréq. abs. littér. : 1730. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 290, b) 3 437; xxes. : a) 2 473, b) 2 926. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 63, 254. − Goug. Mots t. 2 1966, p. 122. − Le Breton Grandmaison. Comment parlent les relieurs. Vie Lang. 1961, p. 434. − Quem. Fichier. − Straka (G.). En relisant Menaud, maître-draveur. In : [Mél. Imbs (P.)]. Trav. Ling. Litt. Strasbourg. 1973, t. 11, no1, p. 281. |