| CRÉTIN, INE, adj. et subst. A.− MÉD., adj. et subst. (Personne) qui est affecté(e) de crétinisme (cf. crétinisme A).Homme, femme crétin(e). Leur culte envers le crétin (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 29).Demi-crétins goitreux, imbéciles, difformes (Senancour, Obermann,t. 2, 1840, p. 156): 1. Nous ne parlerons point de ces cas où l'engorgement (...) produit la stupidité la plus absolue dans certains pays montueux, où les goitres sont endémiques, on remarque cette espèce d'engorgement chez un certain nombre de sujets, désignés sous le nom de « crétins ». (...) chez les vrais crétins, le cerveau n'ayant presqu'aucune action comme organe de la pensée, le foyer inférieur prend, avec l'âge, une prédominance remarquable...
Cabanis, Rapports du physique et du moral de l'homme, t. 1, 1808, p. 464. Rem. En ce sens, le subst. semble plus fréquemment employé que l'adjectif. B.− Par affaiblissement, fam. 1. Adjectif a) [En parlant d'une pers.] Qui est atteint de crétinisme (cf. crétinisme B). Le (la) plus/moins crétin(e). Devenir, être, rester crétin(e). Dieu a fait (...) les uns intelligents, les autres crétins (Goncourt, Journal,1857, p. 399).Un riche, moins férocement crétin que la plupart des représentants de l'espèce (Larbaud, Barnabooth,1913, p. 343). PARAD. (Quasi-)synon. abêti, bête, borné, idiot, imbécile, niais, sot, stupide; (quasi-)anton. averti, débrouillard, fin, intelligent, inventif, lucide, sagace. b) P. ext. [En parlant d'une chose abstr., d'une qualité humaine] Qui relève du crétinisme (cf. crétinisme B). Idée(s), parole(s) crétine(s). Avec ton incurie crétine! ton imbécile aveuglement (Céline, Mort à crédit,1936, p. 385).Crétines angoisses (Céline, Mort à crédit,1936p. 478). 2. Emploi subst. a) Personne atteinte de crétinisme, stupide. Lisez (...) le « Gaulois » de ce matin, c'est carré et net. On me traite de crétin et de canaille (Flaub., Corresp.,1896, p. 95).Tolstoï (...) célèbre crétin moscovite (Bloy, Journal,1901, p. 58).Elle fait marcher sa serinette de vertu (...) je sais bien comment sont les hommes : il n'y a que les crétines qui soient aimées (Montherlant, Celles qu'on prend,1950, I, 2, p. 783): 2. Qu'est-ce que vous disiez! que j'étais un idiot... un crétin... une brute... mais nous passons notre journée à nous dire de ces petits mots-là... dans le dos!
Goncourt, Charles Demailly,1860, p. 38. − En exclam. Terme d'injure. J'ai reçu l'article Limayrac. Quel crétin (...)! (Flaubert, Correspondance,1857, p. 188).Racine, un crétin! (Goncourt, Journal,1857, p. 356).Quels crétins que les peintres (...)! (Goncourt, Journal,1859, p. 659). SYNT. Absurde, fameux, triple crétin; bougre de, espèce de, tas de crétin(e)(s); ce(tte) jeune, vieux (vieille) crétin(e) de (marquis, M./Mme...). b) Spéc., arg. (de St-Cyr). Élève travailleur, potasseur. Dans la langue de Saint-Cyr, [sous le Second Empire] on appelait crétins, les piocheurs, ceux qui travaillaient pour s'instruire, et crétins potasseurs, les élèves qui occupaient les premiers rangs de la promotion (Titeux, Saint-Cyr,1898, p. 407): 3. Son père, magistrat inepte, en faisait un perroquet et le poussait aux « bonnes études ». Mais malgré tous ses soins, il n'est point devenu crétin (ce qui désole le père)...
Flaubert, Correspondance,1853, p. 101. Prononc. et Orth. : [kʀetε
̃], fém. [-in]. Ds Ac. 1835-1932. Étymol. et Hist. 1. 1750 en réf. aux crétins du Valais (T.G.F. de Maugiron, Mémoire lu à la Société royale de Lyon, 22 juil. ds Pat. Suisse rom., source directe de l'art. Cretins de l'Encyclop. t. 4, 1754); 2. 1835 « être stupide » (Ac.). Terme des régions alpines de Suisse romande (Vaud, 1660, 1720 au sens 1) où existe un crétinisme à l'état endémique; issu du lat. christianus (chrétien*) avec traitement -ianu > in caractéristique du fr.-prov.; l'évolution sém. s'explique p. euphém., le mot ayant dans un premier stade signifié « malheureux » (cf. benêt, innocent; cf. aussi l'a. béarnais crestiau « cagot », Lespy-Raym.), v. Pat. Suisse rom. Fréq. abs. littér. : 301. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 204, b) 627; xxes. : a) 805, b) 285. Bbg. Migl. 1968 [1927], p. 104, 326. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], pp. 285-286. |