| CRÉDIT, subst. masc. A.− Domaine personnel ou subjectif.Confiance qu'inspire quelqu'un. Individu disposant d'un large crédit, crédit d'argent ou crédit moral. Sa valeur dépend de la valeur du crédit (Mounier, Traité caract.,1946, p. 556). 1. Confiance qu'inspire une personne jugée digne de foi et d'estime : 1. J'ai déjà fait observer qu'il ne peut y avoir de « toi » que pour celui qui se donne, qui fait crédit, qui « croit ». Cette foi, cette attente peut être déçue uniquement dans la mesure où le « toi » reste un « lui » dont je me réserve en quelque sorte de pouvoir dire : « le misérable! « il » m'a trompé, « il » a abusé de ma confiance ».
Marcel, Journal métaphysique,1922, p. 274. 2. ... là m'apparaît la tragédie particulière d'un cas comme celui de Boylesve qui avait, lui, dans ses minutes d'exaltation, cette notion de la solitude, mais qui, et parce que Français, ne parvenait jamais tout à fait à lui faire crédit, à lui accorder confiance. Et sans doute son œuvre, du moins jusqu'à la guerre, bénéficia-t-elle de cette situation, puisque son vrai et invariable sujet − sujet si français, qui revient chez presque tous nos grands auteurs modernes -, est la pesée que la société et l'opinion publique exercent sur l'être supérieur.
Du Bos, Journal,1926, p. 133. 2. P. ext. a) Influence, ascendant qu'exerce une personne et qui est dû à sa faveur auprès de quelqu'un ou à la confiance qu'elle inspire. Avoir du crédit, user (de) son crédit. Je me flatte d'avoir quelque crédit à la cour (Montherl., Maître Sant.,1947, p. 650). b) Confiance que mérite une personne, une maison; p. ext. renommée qui s'y attache. Le nom des Pasquier jouissait, à Nesles, d'un crédit assez modeste (Duhamel, Nuit St-Jean, 1935, p. 131). 3. Confiance qu'inspire la solvabilité de quelqu'un. Avoir du crédit, faire crédit, crédit public, le crédit de l'État. Ne faites jamais de crédit (Dabit, Hôtel Nord,1929, p. 13): 3. Les effets du commerce s'étendent encore plus loin : non-seulement il affranchit les individus, mais, en créant le crédit, il rend l'autorité dépendante. L'argent, dit un auteur français, est l'arme la plus dangereuse du despotisme, mais il est en même temps son frein le plus puissant; le crédit est soumis à l'opinion; la force est inutile; l'argent se cache ou s'enfuit; toutes les opérations de l'état sont suspendues. Le crédit n'avait pas la même influence chez les anciens...
Constant, De l'Esprit de conquête,1813, p. 254. 4. Devant le vide du Trésor, il [Calonne] affecta un optimisme qu'il n'avait pas. Connaissant la nature humaine, il pensa que, pour ne pas se heurter aux mêmes oppositions que ses prédécesseurs, il fallait avoir l'économie aimable et non hargneuse (...). En même temps, au prix de quelques millions, il donnerait l'impression de la richesse, il restaurerait le crédit, un délai serait obtenu et les ressources de la France étaient assez grandes pour que l'État fût hors d'embarras au bout de quelques années.
Bainville, Histoire de France,t. 2, 1924, p. 19. B.− P. méton., domaine matériel. du dr., des fin. 1. [Avec idée de remboursement] a) Acte par lequel une personne, généralement un banquier, met à la disposition d'une autre personne, une somme d'argent ou un bien qui devra être restitué, ou son équivalent. Ouverture de crédit, crédit privé. Crédit bancaire (cf. Chenot, Entr. national.,1956, p. 60).Lettre de crédit (cf. Baudhuin, Crédit et banque,1945, p. 125). b) P. ext. Prêt consenti, généralement par une banque. Établissement de crédit (cf. Lesourd, Gérard, Hist. écon.,1968, p. 74 et Malraux, Cond. hum., 1933, p. 242).Il existe dans beaucoup de pays une ou des « institutions de droit public », qui pratiquent le crédit foncier sans but véritablement lucratif (Baudhuin, Crédit et banque,1945p. 211). SYNT. Crédit agricole. Crédit immobilier (cf. L'Activité en 1958 des services du Trésor publ., 1959, p. 5); crédit à court terme (cf. Baudhuin, Crédit et banque, 1945, p. 129); crédit à moyen terme (cf. Baudhuin Crédit et banque, 1945, p. 213); crédit à long terme (cf. Baudhuin, Crédit et banque, 1945, p. 60 et Univers écon. et soc., 1960, p. 3803). − Spéc. Caisse de crédit municipal. Synon. récent de mont-de-piété (cf. Baudhuin, Crédit et banque, 1945, p. 222). c) P. méton. Délai accordé pour le paiement (différé) d'une marchandise déjà livrée. L'huissier était en compte avec ces loups-cerviers d'Angoulême, et leur faisait un crédit de six mois (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 588). − Loc. et expr. proverbiales. ♦ Crédit est mort, les mauvais payeurs l'ont tué (cf. A. France, Crainquebille,1905, III, 1). ♦ Faire crédit de la main à la poche (cf. Balzac, César Birotteau,1837, p. 214). 2. [Sans idée de remboursement] a) FIN. Autorisation de dépenser une certaine somme donnée au gouvernement par le Parlement dans le cadre du budget ou par des lois spéciales, et affectée à un usage déterminé. Vote des crédits budgétaires par l'Assemblée (Conseil S.D.N.,1938, p. 30): 5. « Il vient, je crois, simplement pour savoir si le Parti français votera ou ne votera pas les crédits militaires que le gouvernement doit demander aux Chambres, dès lundi. »
Martin du Gard, Les Thibault,L'Été 1914, 1936, p. 614. SYNT. Crédits ordinaires. Crédits extraordinaires (cf. Joffre, Mém., t. 1, 1931, p. 52); crédits hors budget (cf. Joffre, Mém. t. 1, 1931, p. 52); crédits supplémentaires (cf. Encyclop. éduc., 1960, p. 114 et 155). b) COMPTAB. Partie d'un compte où est porté ce qui est dû à quelqu'un ou ce qu'il a versé. Porter une somme au crédit d'un compte (Ac.1835-1932).Les quelque 20 000 bureaux de poste (...) encaissent les versements à porter au crédit des comptes et effectuent les paiements en numéraire par débit des comptes (L'Admin. Postes et Télécom., 1964, p. 34): 6. Messieurs Cointet frères, se trouvant en compte courant avec Métivier, n'avaient pas besoin de faire traite. Entre eux, un effet retourné ne produisait qu'une ligne de plus au crédit ou au débit.
Balzac, Illusions perdues,1843, p. 592. C.− À crédit, loc. adv. 1. Sans payer comptant parce que le client inspire confiance; sans exiger de paiement comptant. Vente à crédit. Shelley (...) acheta la voiture à crédit (Maurois, Ariel,1923, p. 141). − Au fig. et pop. a) [En parlant d'une femme] Faire un enfant à crédit. Rem. Attesté ds Lar. 19e-20e. b) [En parlant d'un homme] Prendre à crédit un pain sur la fournée. Avoir un enfant sans être marié. Rem. Attesté ds Besch. 1845, Lar. 19e-Lar. encyclop., Littré Guérin 1892. 2. Fig., vieilli a) ,,Inutilement, en vain, sans profit`` (Ac. 1798-1878). ,,Vous vous donnez de la peine à crédit`` (Ac. 1798-1878). b) ,,Sans preuve, sans fondement`` (Ac. 1798-1878). ,,Vous dites cela, vous avancez cela à crédit, quelle preuve en avez-vous`` (Ac. 1798-1878). Rem. On rencontre ds la docum. le synon. arg. crédo, subst. masc. Fallait quand même, que je trouve du bulle!... On me faisait du « crédo » nulle part (Céline, Mort à crédit, 1936, p. 466). Prononc. et Orth. : [kʀedi]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. 1489-91 « influence, considération, dont jouit une personne, une opinion, etc. » (Commynes, Mémoires, éd. J. Calmette et G. Durville, t. 1, p. 12); 2. 1539 « confiance qu'inspire quelqu'un ou quelque chose » (Est.). B. 1. [1481 subst. fém. creditte « créance » (doc. de Mehun s. Yèvre, d'apr. K. Baldinger ds Z. rom. Philol., t. 67, p. 22 : credittes mobiliaires); id. dans des coutumes de 1509, 1523, 1531, ibid.]; ca 1508 vendre a credit « vendre sans exiger le paiement comptant » (J. d'Auton, Chron., IV, 395 ds Barb. Misc. 20, no6); 1563 lettre de credit « lettre dont le porteur peut toucher de l'argent chez lui à qui elle est adressée » (ds Kuhn, p. 179); 1819 crédit « somme mise à la disposition de quelqu'un dans une banque » (Boiste); 1852 p. méton. « établissement de crédit » (date de création du Crédit foncier d'apr. Lar. 19e); 2. 1636 crédit « confiance en la solvabilité de quelqu'un » (Monet); 3. 1675 terme de comptabilité, opposé à débit* (J. Savary, Le Parfait négociant, Paris, t. 1, p. 257). Empr. à l'ital. credito, attesté dep. le xives. au sens de « emprunt, dette » (Sacchetti ds Batt., cf. B; empr. au lat. class. creditum « id. », part. passé substantivé de credere au sens de « confier en prêt »), « confiance en la solvabilité de quelqu'un » (Id., ibid.), d'où « confiance » en gén. (xives., Comment. sur la Divine Comédie, ibid.) et « influence, considération, etc. » (xves., Bisticci, ibid.; d'où A). Le lat. creditum, proposé comme étymon de A par Bl.-W.5, n'a pas ce sens (v. FEW t. 2, p. 1310 b, note 52). Fréq. abs. littér. : 1 830. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 672, b) 1 698; xxes. : a) 2 042, b) 2 510. Bbg. Gall. 1955, pp. 30-31. − Gottsch. Redens. 1930, p. 73, 183. − Hope 1971, p. 36. |