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CRÉATION, subst. fém.
I.− L'acte, le fait de créer.
A.− [En dehors de l'ordre hum.]
1. Acte consistant à produire et à former un être ou une chose qui n'existait pas auparavant. Création organique, minérale. La vie (...) est donc composée de deux choses : la création vitale d'un organe, d'un organule, ou d'un organisme; puis la destruction normale et évolutive de cet organisme (C. Bernard, Princ. méd. exp.,1878, p. 159).Création de ce qui n'est pas (Hamelin, Éléments princ. représ.,1907, p. 174):
1. L'algèbre s'applique aux nuages; l'irradiation de l'astre profite à la rose; aucun penseur n'oserait dire que le parfum de l'aubépine est inutile aux constellations. Qui donc peut calculer le trajet d'une molécule? Que savons-nous si des créations de mondes ne sont point déterminées par des chutes de grains de sable? ... Hugo, Les Misérables,t. 2, 1862, p. 80.
2. En partic. Acte par lequel Dieu a tiré du néant l'univers et les êtres vivants qui peuplent le monde. La création du monde; les six jours de la Création; chaque journée de la création. Les théories de la création (Janet, Obsess. et psychasth.,1903, p. 13):
2. ... d'un mot, l'homo faber ne peut en aucun cas devenir un homo creator, parce que n'ayant lui-même qu'un être reçu, il ne saurait produire ce qu'il n'est pas, ni dépasser dans l'ordre de la causalité le rang qu'il occupe dans l'ordre de l'être. La création est donc l'action causale propre de Dieu, elle lui est possible et elle n'est possible que pour lui. Gilson, L'Esprit de la philos. médiév.,t. 1, 1931, p. 94.
SYNT. La création de l'homme, des cieux et de la terre; le dogme de la Création; le récit jéhoviste de la Création, les deux récits de la Création, le livre de la Création.
Rem. Dans cette valeur, la Création (toujours avec l'art. déf.) s'écrit parfois avec une majuscule. La valeur ressort du cont. Mais à la place du subst. employé seul, on rencontre aussi le syntagme plus explicite : La Création du monde (Péguy, Porche myst., 1911, p. 173).
3. Spécialement
a) Création continuée. Doctrine philosophique défendue par Descartes, selon laquelle Dieu assure à tout moment l'existence des êtres et des choses qu'il a créés. Reproduction et conservation sont des idées semblables; la conservation n'étant (...) qu'une création continuée (Bonald, Législ. primit.,t. 2, 1802, p. 60).
b) Création continue
[Chez Bergson] Accroissement par suite de la durée, de la substance cosmique.
[Chez certains astronomes contemp.] Apparition constante de nouveaux éléments de matière qui expliquerait l'expansion de l'univers. Cf. l'idée d'une création continue (F. Hoyle, La Nature de l'Univers, p. 115 ds Foulq.-St-Jean 1962).
B.− [Dans l'ordre hum.]
1. Acte qui consiste à produire quelque chose de nouveau, d'original, à partir de données préexistantes. Création personnelle, réfléchie. Créations spontanées (Proudhon, Confess. révol.,1849, p. 76):
3. L'homme ne fait guère qu'inventer. Mais celui qui s'avise de la facilité, de la fragilité, de l'incohérence de cette génération lui oppose l'effort de l'esprit. Il en résulte cette merveilleuse conséquence que les plus puissantes « créations », les monuments les plus augustes de la pensée, ont été obtenus par l'emploi réfléchi de moyens volontaires de résistance à notre « création » immédiate et continuelle de propos, de relations, d'impulsions, qui se substituent sans autre condition. Valéry, Variété V,1944, p. 87.
2. En partic. Acte par lequel un artiste produit une œuvre. La création dans l'art; création spontanée, miraculeuse. Toute invention, toute création, toute divination de l'art doit avoir pour base l'étude, l'observation (Hugo, Han d'Islande,1823, p. 2).La création chez Stendhal (Mauriac, Le Bâillon dén.,1945, p. 407):
4. La mission du siècle est de créer, non seulement de se sauver, mais de se sauver en créant. C'est un siècle essentiellement artiste, ouvrier. Artiste, et en cela même il est prêtre aussi. Il y a dans la création artistique une force religieuse et moralisante, ce que le Moyen Âge a profondément ignoré. Michelet, Journal,1849, p. 52.
Spéc. [Princ. dans la lang. du théâtre] Première représentation d'une pièce, d'une œuvre qui n'avait pas encore été jouée. Création d'un opéra; création d'un oratorio, d'un film. Les décors de la création (Combat,19-20 janv. 1952, p. 2, col. 3):
5. La direction, prudente jusqu'au cynisme, a biffé tour à tour, sur l'affiche, les coûteuses vedettes de la création... Colette, L'Envers du music-hall,1913, p. 214.
3. P. ext. Acte par lequel est officiellement instaurée une institution, un organisme parlementaire, militaire, juridique, commercial, industriel, etc. Création d'une commission, d'un organisme international; création des tribunaux d'exception; création des conseils de fabrique, d'une section syndicale. La création de la nouvelle compagnie des Philippines (Voy. La Pérouse,t. 2, 1797, p. 354).L'hôpital des aveugles est une création des bourgeois d'Athènes (About, Grèce,1854, p. 346):
6. Dimanche 9. L'Empereur a beaucoup parlé de la création du Directoire; il l'avait installé, se trouvant alors commandant en chef de l'armée de l'intérieur. Cela l'a conduit à passer en revue les cinq directeurs dont il a donné les portraits et le caractère. Las Cases, Le Mémorial de Sainte-Hélène,t. 1, 1823, p. 749.
SYNT. Création d'abattoirs, d'ateliers, de bureaux, d'agences, de parcs; les créations d'emplois.
Spéc. [Dans l'ordre des techn.]
♦ Domaine de l'écon. et du comm.Création d'une monnaie, création d'un port. Création d'une ville (cf. Michelet, Chemins Europe,1874, p. 155).
♦ Domaine de la phys.Avec le sens de « production de » dans le syntagme création de paires. Production par un photon, d'une énergie qui se matérialise en deux électrons (d'apr. Musset-Lloret 1964).
♦ Domaine de la mode.Poursuivre sa création (Elle,18 oct. 1976, p. 63).
♦ Domaine de la sylvic. et de l'hortic.Avec valeur d'« aménagement » dans les syntagmes : création d'un peuplement, d'un sous-étage, d'un milieu. La création d'un jardin d'agrément (J. Decaisne, Ch. Naudin, Manuel de l'amateur des jardins,Paris, F. Didot frères, t. 2, 1862-1871, p. 31).La création d'un coin de verdure (Goncourt, Journal,1871, p. 754).
II.− P. méton. Objet, chose créé(e).
A.− [En parlant de ce qui émane d'une puissance transcendante (Dieu) ou d'une puissance immanente (la Nature)]
1. [Au sing. seulement et toujours avec l'art. déf.] Ensemble formé par l'Univers, la Terre et ce qui la peuple (à l'exclusion des aménagements apportés par l'homme à la Terre, etc.). Toute la création; la création immense; les animaux, les plantes de la création. L'imparfaite création (Delacroix, Journal,1854, p. 173).Aimer éperdument la création, le ciel, les fleurs (cf. Green, Journal,Le Bel aujourd'hui, 1955-58, p. 135):
7. Le poëte allemand comprend la nature, non pas seulement en poëte, mais en frère; et l'on diroit que des rapports de famille lui parlent pour l'air, l'eau, les fleurs, les arbres, enfin pour toutes les beautés primitives de la création. Staël, De l'Allemagne,t. 2, 1810, p. 190.
Rem. Dans les syntagmes du type tous les ... de la création, le compl., empl. d'une manière plais., a la valeur de : du monde; qui sont au monde. Tous les civils de la création, tous les mâles de la création. Une longue table sur laquelle sont accumulées toutes les productions de la création (Claudel, Sagesse, 1939, p. 1119).
2. [Au sing. et au plur., le déterm. pouvant être l'art. déf., l'art. indéf. ou l'adj. poss.] Tout élément particulier (être ou choses) de la création, formé par Dieu ou par la Nature. Des créations difformes, falotes, accomplies, étranges. Ma création auguste entre toutes [la nuit] (Péguy, Porche myst.,1911, p. 301):
8. ... de gros saules ébranchés se dressaient aux deux côtés de la haie, et, dessinant sur le ciel leurs mutilations bizarres, semblaient autant de créations hideuses... Sand, Valentine,1832, p. 44.
B.− [En parlant de ce qui résulte de l'exercice du pouvoir qu'a l'homme de produire qqc. de nouveau, d'original, au terme d'un acte créateur]
1. Élément résultant de l'exercice du pouvoir qu'a l'homme de transformer, de renouveler quelque chose.
a) [En parlant d'un être vivant] J'ose dire que je suis votre création. Vous avez fait de moi un nouvel homme (Augier, Fourchambault,1878, p. 109):
9. On voit paraître en l'homme des besoins qui ne dépendent pas de son espèce, mais au contraire qui s'opposent à elle. L'espèce est à présent satisfaisante. Alors, création de l'individu : l'individu est la plus étrange création de l'homme. Valéry, Mauvaises pensées et autres,1942, p. 216.
b) [En parlant d'une œuvre, d'un rôle] Interprétation originale d'une œuvre, d'un rôle par un artiste dont l'apport personnel les enrichit et les renouvelle. Une nouvelle création; être félicité de sa dernière création; une brillante création; une création de Cocteau :
10. J'aurais bien des pages à écrire si je voulais noter toutes les créations de madame Pasta. J'appelle créations de cette grande cantatrice certains moyens d'expressions auxquels il est plus que probable que le maestro qui écrivit les notes de ses rôles n'avait jamais songé. Stendhal, Vie de Rossini,1823, p. 151.
c) Domaine de l'hortic.Faire une création. Effectuer une plantation qui modifie un site, un paysage :
11. Si le paysage est gai, plantureux, vert et fleuri, vous devez faire une création sévère : des arbres à feuillage foncé et quelques fleurs pour les éclairer. Si au contraire les environs sont arides, agrestes, faites une création des plus riantes, avec une profusion de fleurs. Gressent, Traité complet de la création des parcs et jardins,1891, p. 69.
2. Résultat de l'exercice du pouvoir qu'a l'homme de construire, de former, avec le concours d'une faculté spécifiée, un produit qui s'insère parmi les choses déjà existantes.
a) En gén. Une création de l'esprit; une création du cœur; une création du sens esthétique. « Drôle de jeu » est un roman, − au sens où l'on dit romanesque − une fiction, une création de l'imagination (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 6):
12. ... cette tête [la Joconde] (...) dont les traits, mélodieusement noyés dans une vapeur violette, apparaissent comme une création du Rêve à travers la gaze noire du Sommeil. Gautier, Guide de l'amateur au Musée du Louvre,1872, p. 24.
13. [Selon Adler] la névrose est (...) une création de l'individu qui, découragé par une enfance malheureuse et délaissée, essaie par tous les moyens au sein de la société d'échapper à cette insécurité. Choisy, Qu'est-ce que la psychanalyse?1950, p. 229.
b) Spécialement
α) Domaine des B.-A.
Au sing. Produit issu de l'activité d'un artiste et portant la marque de celui-ci. Selon le contexte, création désigne :
Construction architecturale. Une création de style gothique; les créations de Le Corbusier. Le vieil architecte s'était distingué par une création du genre Pompadour (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 186).
Personnage fictif de théâtre, de roman. Une pure création de l'auteur. Ce Polyeucte qui n'a rien à voir avec la liturgie, qui est une pure création de l'art (Tharaud, Pour fid. de Péguy,1928, p. 10).
Forme musicale. La création d'un musicien. Le nocturne de Chopin est une création dont le style et la forme lui appartiennent en propre (Rougnon1935, p. 325).
Au plur. Tout produit portant la marque de l'artiste créateur. Convertir ses conceptions en créations (Cousin, hist. philos. mod.,t. 2, 1847, p. 173).
En partic. Œuvre littéraire, musicale, architecturale, etc., portant la marque originale de l'artiste. Les créations de l'Art antique; la plus spontanée des créations musicales. Une des créations les plus originales du pinceau de Gérard (Las Cases, Ste-Hélène,t. 2, 1823, p. 348).Dans les dernières créations de Raphaël l'influence de Léonard est bien difficile à discerner (La Tourette, L. Vinci,1932, p. 146).
β) Domaine des arts décoratifs et de la mode.Les créations modernes; les créations des bijoutiers parisiens; une création de Dior, de Cartier. Les intérieurs conçus par Ruhlmann manifestent un luxe et une richesse inégalables et nombre de ses créations sont des chefs-d'œuvre (A, B, C Décor,oct. 1976, p. 24):
14. Moi, je prends une distance vis-à-vis de la rue, car je tiens à être commercial par de vraies valeurs, de vraies créations (...) Ensuite je donne mes créations à des confectionneurs et ces modèles alors descendent dans la rue. Elle,18 oct. 1976, p. 63.
γ) Domaine des techn.Les créations de la chimie. À l'époque des Mérovingiens, de nouvelles créations culinaires apparurent (Ali-Bab, Gastronomie pratique,1907, p. 24).Les créations mathématiques (Ruyer, Esq. philos. struct.,1930, p. 248).Les nouvelles créations : aéronautique, artillerie (cf. Joffre, Mém.,t. 1, 1931, p. 93).
C.− P. anal. Tout élément produit par une entité abstraite à laquelle on attribue un pouvoir de création. Dans l'antiquité (...) les plus grands efforts de l'industrie humaine se rapportaient essentiellement à la guerre, qui y donna lieu à tant de créations vraiment prodigieuses, surtout pour l'état des sièges (Comte, Philos. posit.,t. 5, 1839-42, p. 133).La lutte des classes n'est pas une création du marxisme; c'est un fait qu'il observe (Lacroix, Marxisme, existent., personn.,1949, p. 10).
15. Madame Cardinal était une des premières pratiques de Cérizet, elle revendait de la marée. Si les Parisiens connaissent ces sortes de créations particulières à leur terroir, les étrangers n'en soupçonnent pas l'existence... Balzac, Les Petits bourgeois,1850, p. 190.
Prononc. et Orth. : [kʀeasjɔ ̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. Début xiiies. creation del munde (Serm. Sapientia, 286, 6 ds T.-L.); spéc. 1688 création continuée (Mallebranche, Entretiens métaphysiques, VII ds Rob.); 2. xives. ms. « action d'établir pour la première fois » (Bersuire, B.N. 20312ter, fo61ads Gdf. Compl. : premiere creation des tribuns); 1364 creation d'escevins (Roisin, p. 176); 3. a) 1801 en parlant de l'imagination (Crèvecœur. Voyage, t. 2, p. 50 : ... son imagination exerçant toute sa puissance dans la création des présages les plus sinistres); 1810 (Staël, Allemagne, t. 2, p. 151 : pour les poètes, il faut que la création précède la parole); b) 1843 d'un rôle de théâtre (Balzac, Illus. perdues, p. 527). B. 1. 1790 « ensemble des êtres et choses créées » (Saint-Martin. Homme désir, p. 80); 2. 1791 « chose créée » (Volney, Ruines, p. 12 : les créations de la main de l'homme). Empr. au lat. creatio, class. « création, nomination »; à basse époque « action d'engendrer, procréation »; en lat. chrét. « création du monde » et « chose créée, créature ». Fréq. abs. littér. : 3 914. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 5 018, b) 4 540; xxes. : a) 4 396, b) 7 287.