| CRUCHE, subst. fém. A.− Vase à large panse, à anse et à bec, destiné à contenir des liquides. Cruche pleine, vernissée; une cruche d'eau, de vin; cruche de grès; remplir la cruche; boire à la cruche. Cruche hydropique avec ses flancs énormes (Gautier, Albertus,1833, p. 124).Il a serré le col de la cruche dans sa grosse main noire, et, sans fatigue, il la tient penchée sur son verre (Giono, Colline,1929, p. 20): Des enfants soufflaient dans des trompettes : on choquait des verres pour des santés interminables. Parfois un paysan descendait l'escalier de sa cave, une cruche de faïence bleue à la main, allant tirer au tonneau le vin des récoltes fameuses.
Moselly, Terres lorraines,1907, p. 11. − Région. (Suisse). Récipient étanche de grès, de métal ou de caoutchouc que l'on remplit d'eau bouillante pour chauffer un lit. Synon. bouillotte1.Faire une cruche. Préparer une bouillotte. Tu seras mieux dans ton lit avec une bonne cruche (A. Belperroud, Les Toutes bonnes du syndic,Lausanne, 1973, p. 37). Rem. La docum. atteste l'emploi du syntagme cruche cassée, p. allus. au tableau de Greuze « La Cruche cassée ». Au tour de Marcelino. Il arrivait en combinaison sans ceinture, regardant ses pieds avec un air de « cruche cassée » (Malraux, Espoir, 1937, p. 499). ♦ Proverbe fig. Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse. À force de s'exposer au danger ou de vouloir trop faire, on risque d'être victime ou de se lasser. Non! J'ai plus le courage que j'avais. Je suis fini. Tant va la cruche à l'eau qu'à la fin elle se casse (A. France, Crainquebille,1904, p. 48). − P. méton. Contenu d'une cruche. Vider sa cruche. Une cruche fraîche qu'on avale (Alain-Fournier, Corresp.[avec J. Rivière], 1908, p. 337). B.− Au fig. et fam. Personne qui manque de finesse et qui agit sottement. Quelle cruche! plaider comme une cruche. Tu es une cruche; même pas une cruche, un siau! (Colette, Cl. école,1900, p. 151).Ma cruche de cousine (Proust, Guermantes,1921, p. 486). − Emploi adj. Avoir l'air cruche. Jamais on n'avait vu des enfants si cruches (Zola, Germinal,1885, p. 308).Vous avez agi d'une façon « cruche » (Gourmont, Esthét. lang. fr.,1899, p. 156). Rem. La docum. mentionne a) Cruchée, subst. fém. ,,Ce que peut contenir une cruche. Une cruchée de vin. Il est peu usité`` (Ac. 1835). b) Cruchette, subst. fém. Petite cruche. Synon. cruchon (cf. Huysmans ds Lar. Lang. fr.). c) Crucherie, subst. fém., au fig. et fam. Tomber dans la crucherie sentimentale (cf. Bloy, Femme pauvre, 1897, p. 55). Prononc. et Orth. : [kʀyʃ]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1178 (Renart, éd. Martin, branche XIV, 68). B. 1633 (Gassendi, Lettres familières à F. Luillier, 89 ds Quem.). A, de l'a. b. frq. *krûkka (ags. crocca, isl. krukka, Thurneysen, p. 97) var. de *krucka (m. h. all. krūche, a. sax. krūka, m. néerl. crūke, ags. crūce, Kluge20, s.v. Krug1), d'où l'a. fr. cruie (ca 1230, Péan Gatineau ds T.-L.). B, emploi adj. du précédent. Fréq. abs. littér. : 448. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 473, b) 936; xxes. : a) 961, b) 421. Bbg. Gottsch. Redens. 1930, p. 228. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 154 (et s.v. cruchée). − Hebeisen (W.). Die Bezeichnung für Geschirr, Eimer, Krug im Französischen... Berne, 1921, passim. − Rog. 1965, p. 84. − Thurneysen 1884, p. 97. |