| CRIMINEL, ELLE, adj. et subst. A.− Qui réalise un crime. 1. [En parlant d'une pers.] a) Qui est coupable de quelque crime, de quelque infraction grave. La seule intention de pécher est ainsi punie. Car qui médite un crime est déjà criminel (Vigny, Journal poète,1852, p. 1295).En moins de dix secondes, il [le brick] était englouti avec son criminel équipage (Verne, Île myst.,1874, p. 450): 1. Le ministre pervers relit plusieurs fois la lettre impériale qui l'éloigne de la cour. Ses joues pâles, ses yeux égarés, sa bouche entr'ouverte, exprimoient les douleurs du courtisan criminel qui voit s'évanouir dans un instant les songes de sa vie.
Chateaubriand, Les Martyrs,t. 3, 1810, p. 142. b) Emploi subst. Celui, celle qui a commis un crime; celui, celle qui est accusé(e) de crime. Grands criminels. Criminels de Droit commun (cf. Ménard, Rêv. païen,1876, p. 214).Criminels de guerre (cf. Charte Nations Unies1946, p. 155).Les citoyennes vouaient la criminelle au supplice (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 97; cf. également crime ex. 2): 2. Aussi, depuis huit jours que le pourvoi du criminel était rejeté par la Cour de Cassation, Monsieur de Granville s'occupait-il de cette affaire et suspendait-il l'ordre d'exécution de jour en jour...
Balzac, Splendeurs et misères des courtisanes,1847, p. 556. 3. Le criminel serait donc un primitif attardé parmi nous. Il n'entre là aucune idée de dégénérescence semblable à celle dont font état les criminologistes actuels. Lombroso ne parle que d'une croissance interrompue, d'un homme des cavernes se promenant parmi nous. En 1887, il ajoute l'épilepsie aux facteurs criminogènes anatomiques.
David, La Cybernétique et l'humain,1965, p. 115. 2. [En parlant d'une chose] a) Qui constitue un crime : 4. Des agents du pouvoir exécutif enlèvent ce conspirateur de sa prison, et ni le procureur-syndic de la commune, ni le procureur du Châtelet ne font la moindre démarche : ce n'est que lorsque leur silence criminel est dénoncé à l'Assemblée nationale qu'ils se déterminent enfin à le rompre.
Marat, Les Pamphlets,On nous endort, prenons-y garde, 1790, p. 225. b) Qui est illicite, condamnable, contraire aux lois divines, morales. Amour criminel; action criminelle. Passion criminelle (cf. Chateaubr., Natchez,1826, p. 139).L'amour doit être sanctifié par le mariage, et cette passion devient vite criminelle si elle n'est consacrée par un sacrement (Stendhal, Lamiel,1842, p. 99): 5. On assurait qu'un externe nommé Bruet se rendait sous ses fenêtres pour échanger avec elle des signes. Certains complotèrent d'aller surprendre ce manège criminel.
Estaunié, L'Empreinte,1896, p. 67. 3. Au fig. a) Qui appartient, physiquement ou moralement, à un criminel. C'est là... là... que ma main criminelle versa le sang d'un infortuné (Guilbert de Pixer., Cœlina,1801, III, 1, p. 42; cf. également Mauriac, Th. Desqueyroux, 1927, p. 241).Lexique d'argot criminel (Morand, New York,1930, p. 75). b) Qui conçoit, ou sert à concevoir, réalise, ou sert à réaliser un crime. Vous êtes trop bon pour jamais concevoir de criminelles pensées (Balzac, Langeais,1834, p. 264).La femme (...) demeura sur une chaise, au pied de la couche criminelle (Maupass., Contes et nouv.,t. 1, Port, 1889, p. 1337).Projets criminels (A. France, Dieux ont soif,1912, p. 98). B.− Qui concerne les crimes. 1. DROIT a) Qui concerne la législation, la procédure relatives aux poursuites, aux jugements et aux peines des infractions. Code d'Instruction criminelle, lois criminelles; procès criminel. Jugement criminel (Cournot, Fondem. connaiss.,1851, p. 427): 6. En 1899, MM. Ballot-Beaupré et Manau font encore résistance à cette jurisprudence. Et la Cour de Cassation, toutes chambres réunies, n'accepte pas davantage la jurisprudence criminelle inaugurée par la Chambre criminelle en 1896.
Barrès, Mes Cahiers,1908-09, p. 105. SYNT. Affaires criminelles; condamnation criminelle; code, droit, greffe criminel; juge criminel; instruction, justice, matière, procédure criminelle; procès, tribunal criminel. b) Emploi subst. masc. Juridiction criminelle. Grand criminel, petit criminel (cf. égalementcivilex. 10): 7. ... il ne prit de conclusions que comme partie civile, les conclusions au criminel appartenant, suivant l'usage de France, au procureur du roi exclusivement.
Barante, Hist. des ducs de Bourgogne,t. 3, 1821-24, p. 84. 8. L'affaire ainsi posée arriverait au Tribunal, et monsieur Lesourd verrait alors à porter l'affaire au criminel en provoquant une instruction.
Balzac, Pierrette,1840, p. 143. − Cour. Au criminel. En mauvaise part. Cette méthode, qui consiste à conclure au criminel d'après les traces de pas, est tout à fait primitive (G. Leroux, Myst. jaune,1907, p. 93). ♦ Expr. proverbiale. Prendre qqc. au criminel. S'en tenir offensé. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. dont Ac. 1798-1878, hormis les Lar. sauf Lar. 20e. Aller d'abord au criminel. Juger défavorablement d'après les apparences. Rem. Attesté ds la plupart des dict. gén. du xixes. dont Ac. 1798-1878 ainsi que ds DG. 2. Mod. Qui étudie les crimes, la criminalité; qui se rapporte aux crimes, à la criminalité. Phénomène criminel (cf. Traité sociol.,1968, p. 224).Sociologie criminelle (cf. Traité sociol.,1968p. 409). Prononc. et Orth. : [kʀiminεl]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. A. 1. Ca 1080 « impie » adj. (Roland, éd. J. Bédier, 2456 : la gent criminel); 2. 1174-76 « qui constitue un crime » adj. pechiez criminals « péchés mortels » (G. de Pont-Ste-Maxence, St Thomas, éd. E. Walberg, 29). B. Ca 1174-78 dr. adj. (F. de Fougères, Manières, 516 ds T.-L. : dreit creminal); 1648 subst. au criminel (Guez de Balzac ds Lar. Lang. fr.). Empr. au b. lat. criminalis « criminel (p. oppos. à civil) », en lat. chrét. « blâmable »; cf. criminalia peccata « péchés mortels ». Fréq. abs. littér. : 2 091. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 4 176, b) 1 714; xxes. : a) 3 802, b) 2 122. DÉR. Criminaliser, verbe trans.DR. Porter, renvoyer à la juridiction criminelle un procès évoqué devant la juridiction civile ou, le plus souvent, correctionnelle. Criminaliser une affaire (Ac.1798-1932).− [kriminalize], (je) criminalise [kriminali:z]. Ds Ac. 1694-1932. − 1resattest. 1. 1584 « incriminer » (J. de Barraud ds Delb. Rec.); 2. 1694 dr. criminaliser une affaire (Ac.); de criminel, suff. -iser*. BBG. − Ritter (F.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, p. 390 (s.v. criminaliser). |