| CREVASSE, subst. fém. A.− Ouverture profonde produite à la surface d'une chose (notamment du sol) qui se crève, se fend par excavation ou fission. Le fond d'une crevasse. Synon. anfractuosité, fente, fissure.Pauvres murs lorrains lézardés de crevasses béantes, battus de pluie (Moselly, Terres lorr.,1907, p. 16): 1. Son voyage à la Vaubeyessard avait fait un trou dans sa vie, à la manière de ces grandes crevasses qu'un orage, en une seule nuit, creuse quelquefois dans les montagnes.
Flaubert, Madame Bovary,t. 1, 1857, p. 63. 2. Le soubassement archéen, fait de gneiss et de micaschistes, s'étale en larges plateaux, « couverts de petits arbres et de grands buissons », éventrés de profonds ravins. Les entrailles du sol semblent s'ouvrir par la crevasse béante où court la Truyère au-dessous de l'enjambée gigantesque du viaduc de Garabit. Le Lot en aval d'Entraigues, la Vézère vers Uzerche se tordent au fond de gorges aussi inhospitalières...
Vidal de La Blache, Tabl. de la géogr. de la France,1908, p. 278. − P. métaph. Distance infranchissable établie entre deux personnes ou deux choses. Ce trouble aurait déterminé dans mon esprit, dans l'ordre et la logique de mes idées, une crevasse profonde (Maupass., Contes et nouv., t. 2, Horla, 1886, p. 1113).Entre les sociétés de 1910 et de 1920 s'était ouverte une crevasse plus profonde, plus certaine qu'entre la société de 1820 et celle de 1910 (Druon, Gdes fam.,t. 1, 1948, p. 26): 3. ... rien d'ailleurs − c'était vers ces années 1900, dans l'histoire de leur ménage si grave − n'était plus tragique que leurs rapports : il y avait entre eux cette irrémédiable crevasse que rien ne pouvait plus faire se rejoindre sa vérité à lui et sa vérité à elle...
Du Bos, Journal,1925, p. 287. B.− Spéc., gén. au plur. 1. GÉOL. Crevasses glaciaires ou absol. crevasses. Fentes profondes sillonnant les glaciers et provoquées par la rupture de la glace en mouvement. La Grande crevasse (R. Frison-Roche, la Grande Crevasse,1948).Ce n'était pas le travail dans les séracs et les crevasses du cours de guides (Peyré, Matterhorn,1939, p. 90).Crevasses lunaires (attesté ds Galiana Astronaut. 1963, Muller 1966).Crevasses séismiques. Cassures du sol, provoquées par les tremblements de terre (attesté ds Nouv. Lar. ill., Lar. 20e). 2. MÉD. Fissures cutanées entamant l'épiderme, les muqueuses, fréquentes aux mains et aux lèvres et provoquées souvent par le froid, l'âge ou les travaux pénibles : 4. électre. − La dernière des servantes. Je lave le linge du roi et de la reine (...) il faut que je lave tout ça. Je ferme les yeux et je frotte de toutes mes forces. Je fais la vaisselle aussi. Tu ne me crois pas? Regarde mes mains. Il y en a, hein, des gerçures et des crevasses? Quels drôles d'yeux tu fais.
Est-ce qu'elles auraient l'air, par hasard, de mains de princesse?
Sartre, Les Mouches,1943, I, 4, p. 29. ♦ Crevasses des seins. Il existe au niveau des mamelons des crevasses ou de petites érosions superficielles qui, depuis plusieurs jours rendent l'allaitement vraiment douloureux (Quillet Méd.1965). 3. MÉD. VÉTÉR. Plaies cutanées d'origine infectieuses apparaissant au pli du paturon du cheval, de l'âne ou du mulet. Parfois la peau éclate dans le pli du paturon ou au boulet et forme des crevasses très douloureuses (Garcin, Guide vétér.,1944, p. 183). Prononc. et Orth. : [kʀ
əvas]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. Ca 1120 cravaces « écluses » (du ciel) (Psautier d'Oxford, éd. F. Michel, XLI, 9); ca 1120 cravace « fente » (dans une pierre) (Ph. de Thaon, Bestiaire, éd. E. Walberg, 3042); 1575 crevasses méd. (A. Paré, éd. J.-F. Malgaigne, XVI, 36). Dér. de crever*; suff. -asse*. Fréq. abs. littér. : 269. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 343, b) 738; xxes. : a) 318, b) 263. Bbg. Lew. 1960, p. 30, 119. |