| CRAPULE, subst. fém. A.− [Nom coll.] Vieilli 1. Au sing., vx. État de débauche grossière, vile. Se livrer à la crapule. La culbute des gens chics dans la crapule du vice surprenait encore Nana (Zola, Nana,1880, p. 1314). − Spéc. Abus de vin, ivrognerie. Un mari qu'elle [MmeBeaudésyne] avait à subir toutes fois qu'il n'avait pas bu jusqu'à la crapule (Toulet, J. fille verte,1918, p. 220). 2. P. méton. a) Au sing., vieilli. Ensemble de personnes qui vivent dans la débauche, le vice ou la malhonnêteté. Synon. canaille, racaille, pègre.Marseille évoque l'énorme Orient des échelles, depuis la crapule de Port-Saïd jusqu'aux saints pirates de Phocée (Suarès, Voy. Condottière,t. 1, 1910, p. 256).Alain, qui avait déjà beaucoup souffert en prison et coudoyé la crapule, s'effrayait moins (Van der Meersch, Invas. 14,1935, p. 229): 1. Germinie continuait à aller. Elle battait tout l'espace où la crapule soûle ses lundis et trouve ses amours, entre un hôpital, une tuerie et un cimetière : la Riboisière, l'Abattoir et Montmartre.
Goncourt, Germinie Lacerteux,1864, p. 214. − Couche inférieure de la société (sans idée de malhonnêteté). (Quasi-)synon. populace.Oh! cette voix de gorge, pleine de fausses larmes, le sentimentalisme bête de l'ouvrier (...) Les guenilles étendues laissaient passer un coin du ciel bleu entre les cordes, et toute cette crapule, affamée d'idéal à sa manière, tournait là-haut ses yeux mouillés (A. Daudet, Contes lundi,1873, p. 226). b) Au plur. Période ou moment de crapule. Elle [Marthe] se sentait écœurée et lasse, comme au sortir de longues crapules (Huysmans, Marthe,1876, p. 34). B.− [Désigne un individu] Usuel. Personne sans principes, capable de commettre n'importe quelle bassesse, n'importe quelle malhonnêteté. Une parfaite, une sale crapule; la dernière des crapules. Synon. escroc, voyou, canaille, fripouille.Notre armée d'Afrique était alors pleine de ces crapules, excellents soldats, mais peu scrupuleux (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Mohammed-Fripouille, 1884, p. 270).Vous croyez qu'on mettra la main sur la crapule qui a étranglé cette petite? (Simenon, Vac. Maigret,1948, p. 142).Je tiens d'abord à vous dire que vous êtes un être immonde, une crapule de l'espèce la plus malpropre que j'ai jamais vue (Aymé, Tête des autres,1952, p. 228): 2. ... il y eut dans la foule [des grévistes] une longue secousse, et une vieille femme déboula. C'était La Brûlé (...) Et, sans attendre, elle tomba sur l'armée, la bouche noire, vomissant l'injure.
− Tas de canailles! tas de crapules! ça lèche les bottes de ses supérieurs, ça n'a de courage que contre le pauvre monde!
Zola, Germinal,1885, p. 1503. SYNT. Une belle, fameuse, grande crapule; une basse crapule; une (sale) petite crapule; crapules joviales des cabinets d'affaires; une crapule sympathique, intelligente. Son directeur, un nommé Savine, une bien intelligente crapule (Abellio, Pacifiques, 1946, p. 225). − [En constr. antéposée avec valeur expressive] Une crapule de..., cette crapule de... Cette petite crapule de chauffeur qui va chercher les gendarmes (Pagnol, Marius,1931, II, 2, p. 106). − Par antiphrase affective. Une bête que j'ai soignée quinze nuits, pendant sa bronchite. Quand je me permets de la laisser seule, une heure à la maison, la petite crapule fait semblant de ne pas me reconnaître (Colette, Vagab.,1910, p. 77). C.− Emploi adj., rare 1. [En parlant d'une pers.] Qui se conduit comme une crapule. Ces macaques ne sont plus dangereux et ils ne sont pas encore crapules (Morand, Magie noire,1930, p. 175). 2. [En parlant de gestes, d'expressions] Propre à une crapule. Synon. crapuleux.Elle n'en avait guère gardé que quelques expressions un peu vives et quelques gestes un peu crapules (Léautaud, Pt ami,1903, p. 115). Rem. La docum. atteste le subst. masc. crapulard, vx. Augmentatif de crapule (supra B; cf. France 1907). L'apache, la frappe, le crapulard! Mais, attends, i'me revaudra ça! (Barbusse, Feu, 1916, p. 31). Prononc. et Orth. : [kʀapyl]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1359-77 « excès de vin, ivrognerie » (Gace de La Buigne, Roman des Deduis, éd. Åke Blomqvist, 1992); 2. 1754 (Encyclop. t. 4 : Le terme de crapule ne s'appliquoit qu'à la débauche du vin; on l'a étendu à toute débauche habituelle & excessive); 3. 1798 (Ac. : On se sert aussi de ce mot familièrement, pour désigner Ceux qui vivent dans la crapule. N'allez pas avec ces libertins, ce sont des crapules); 4. [av. 1850 Balzac d'apr. Guérin 1892- Lar. Lang. fr.] 1866, déc. « individu malhonnête » (Goncourt, Journal, p. 307 : Comment? Tu vis encore, petite crapule!). Empr. au lat. class. crapula « excès de vin » (du gr. κ
ρ
α
ι
π
α
́
λ
η). Fréq. abs. littér. : 246. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 54, b) 317; xxes. : a) 812, b) 340. DÉR. Crapuler, verbe intrans.,vx et rare. Vivre dans la débauche (correspond à crapule A). Attesté ds les dict. du xixes., ds Pt Lar. 1906, Lar. 20e, Quillet 1965, Lar. Lang. fr. On ne rencontre ds la docum. qu'un seul exemple :Quoi! lui ai-je dit, un homme de famille honnête, se crapuler ainsi, avec de pareilles femmes! (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 223).− [kʀapyle], (je) crapule [kʀapyl]. Ds Ac. 1694-1878. − 1resattest. 1519 crapulez part. passé « qui a bu à l'excès, ivrogne » (Prem. vol. des expos. des Ep. et Ev. de kar., fo42 rods Gdf. Compl.); ca 1560 « boire de manière excessive » (A. Paré, XX, i, 22 ds Hug.); 1771 « vivre dans la débauche » (Trév.); de crapule, dés. -er. − Fréq. abs. littér. : 2. BBG. − Dauzat Ling. fr. 1946, p. 49. − Goug. Lang. pop. 1929, p. 153. |