| CRAINDRE, verbe trans. I.− [Le suj. désigne un être animé, gén. un être hum.] Avoir une réaction de retrait ou d'inquiétude à l'égard de quelqu'un ou de quelque chose qui est ou pourrait constituer une source de danger. A.− [Le compl. d'obj. est un subst.] 1. [Le compl. d'obj. désigne un être animé] a) [L'existence de l'être, désigné par le compl. d'obj., est effective ou supposée telle]
α) Éprouver un sentiment d'inquiétude à l'égard de quelqu'un qui paraît constituer une source de danger. Craindre les bêtes féroces, les gendarmes, ses rivaux. Synon. avoir peur de, redouter.Craignant l'ennemi (cf. ex. 4).Elle le craignait parce qu'il était méchant (Staël, Lettres jeun.,1788, p. 231): 1. Son établissement [du rossignol] près de nous montrait qu'il ne nous craignait guère, qu'il avait un sentiment de la sécurité profonde qu'il pouvait avoir à côté de deux ermites du travail...
Michelet, L'Oiseau,1856, p. 264. 2. Gilbert ne craignait pas les gardes-chasse, mais il redoutait tout l'appareil de l'État inconnu, invisible, présent par les affiches, la conscription, les gendarmes, le percepteur (...), et par les nouvelles qui venaient jusqu'à la Vigie.
R. Bazin, Le Blé qui lève,1907, p. 58. − [À la forme nég., par litote] Ne craindre personne pour/à qqc.S'estimer égal ou même supérieur à n'importe qui, en quelque chose. Il ne craint personne aux armes (Restif de La Bret., M. Nicolas,1796, p. 193).Pour la jactance il craint personne (Céline, Mort à crédit,1936, p. 44). ♦ Emploi pronom. réciproque. Nous nous sommes craints l'un l'autre (Balzac, Mém. jeunes mar.,1842, p. 351).Emploi pronom. réfl. Elle aime M. de Nemours, (...) elle le craint et se craint elle-même (A. France, Vie littér., t. 4, 1892, p. 297). ♦ (Être) à craindre.Ces gens étaient à craindre, avec leur odieux journal (Sardou, Rabagas,1872, III, 2, p. 108).Soit qu'on jugeât ces pauvres hères moins à craindre que nous... (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 303). − Emploi factitif ♦ Faire craindre qqn.[Le suj. de faire craindre désigne une caractéristique de la pers. qui constitue la cause de l'inquiétude] Sa dédaigneuse raillerie ne contribuait pas médiocrement à la faire craindre (Balzac, Langeais,1834, p. 259). ♦ Se faire craindre (de qqn).Les classes supérieures de la société commencèrent à se préoccuper du sort du pauvre avant que celui-ci se fît craindre d'elles (Tocqueville, Anc. Rég. et Révol.,1856, p. 286).
β) Spéc., RELIG. (lang. biblique). Craindre Dieu (Dieu terrible). Les habitants d'Orléans craignaient Dieu. En ce temps-là Dieu se faisait beaucoup craindre; il était presque aussi terrible qu'au temps des Philistins (A. France, J. d'Arc,t. 1, 1908, p. 135). − P. ext. Craindre Dieu (Dieu bon, mais constituant une autorité). Respecter, adorer. Il se trouva que le charpentier qui avait fait l'échelle, craignait Dieu (...) cet homme pieux établit sur la colonne un toit (A. France, Thaïs,1890, p. 276). ♦ Loc. Ne craindre ni Dieu ni diable. Ne rien respecter, n'avoir aucun scrupule. − P. anal. [Le compl. d'obj. désigne une autorité hum.] Avoir des sentiments de respect mêlés d'inquiétude. Craindre ses chefs. Synon. révérer, vénérer.Maîtresse absolue de son terrain, vénérée et crainte (Gobineau, Nouv. asiat.,1876, p. 104).Le rédacteur judiciaire (...) est craint ou envié des policiers (Coston, A.B.C. journ.,1952, p. 115): 3. Puis il [l'enfant] avait encore hérité d'une voix
Où le commandement se mêlait à la fête
Cordiale qu'on a de craindre sa maman
Verlaine, Poèmes divers,Retraite, 1896, p. 183. b) [L'existence de l'être désigné par le compl. d'obj. est possible] Envisager avec inquiétude l'existence possible de quelqu'un qui paraît constituer une source de danger. Synon. redouter.Lui, ne craignait pas de rival, Quand il traversait mont ou val (Cros, Coffret santal,1973, p. 21).Aucun despote à craindre (Sully Prudh., Justice,1878, p. 68).Dans la confiance inconsciente que nul danger n'était proche, qu'aucun ennemi n'était à craindre (Pergaud, De Goupil,1910, p. 155). − Rare. [Le danger vise une pers. autre que celle qui ressent de l'inquiétude, cette pers. étant désignée par un compl. prép. pour; cf. I A 3 b] Je ne crains pour vous que les bandits sur la route, à cette heure (Montherl., Reine morte,1942, III, 6, p. 229). 2. [Le compl. d'obj. désigne une chose] a) [L'existence de ce qui est source de danger est effective ou supposée telle] Éprouver de l'inquiétude à l'égard de quelque chose qui paraît constituer une source de danger. Synon. avoir peur de, redouter.
α) [Le compl. d'obj. désigne un objet matériel, un élément ou un phénomène naturel] Elles [les chiennes] aiment leur maître, elles craignent la cravache (Colette, Music-hall,1913, p. 177).Thomas, cette nuit, ne craint pas la mer. Il craint le vent (Queffélec, Recteur,1944, p. 113): 4. D'autre courage, point; craignant le tonnerre, craignant les ténèbres, craignant l'ennemi, et implacable pour qui lui faisait peur.
Michelet, Hist. romaine,t. 2, 1831, p. 291. ♦ Proverbe. Chat échaudé craint l'eau froide. La déclaration est un tant soit peu roide, Mais, bah! chat échaudé craint l'eau, fût-elle froide (Verlaine,
Œuvres compl.,t. 1, Jadis, 1884, p. 320). − Fam. Se méfier de, éviter. Craindre le fromage. [A la forme nég., par litote] Ne pas craindre le vin. L'aimer, pouvoir en consommer une assez grande quantité. Aimez-vous la bière, monsieur Guitrel? − Je ne la crains point, monseigneur (A. France, Anneau améth.,1899, p. 325).
β) [Le compl. d'obj. désigne un fait, un événement, un élément de situation de la vie hum.] Craindre la maladie, la mort. Et je crains l'amitié de l'homme variable (Moréas, Iphigénie à Aulis,1903, p. 158).L'homme craint la vérité encore plus qu'il ne l'aime (Alain, Propos,1922, p. 407): 5. Tarkington ne craignait pas le danger : les obus font partie du travail de jour. Mais ses rhumatismes craignaient l'eau...
Maurois, Les Silences du colonel Bramble,1918, p. 101. b) [L'existence de ce qui est source de danger est possible] Envisager avec inquiétude l'existence possible, et/ou sentie comme imminente, de quelque chose qui paraît constituer une source de danger. Craindre l'accident fatal, une/la guerre, une/la tempête. Synon. appréhender, redouter.La mer devient houleuse... Je crains bien un orage (Chénier, Bucoliques,1794, p. 172).Il se faisait (...) de petites remontrances intérieures et il craignait les reproches de Marius (Hugo, Misér.,t. 2, 1862, p. 440).Il fallait craindre des complications (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 187): 6. ... les vivres enchérissaient. Le peuple craignait la famine; les aristocrates, disait-on, la souhaitaient, les accapareurs la préparaient.
A. France, Les Dieux ont soif,1912, p. 66. 7. « Quand nous traverserons la clairière, se dit Alban, s'il passe un avion... » Et tout de suite il sursauta. Depuis quand avait-il de ces appréhensions? Était-ce son cœur mécontent qui lui faisait voir tout en trouble? Jamais, jamais, depuis trois mois, la pensée de pouvoir craindre un avion ne s'était présentée à lui...
Montherlant, Le Songe,1922, p. 133. − [Le danger vise une pers. autre que celle qui éprouve l'inquiétude, cette pers. étant désignée par un compl. prép. pour; cf. I A 3 b] Elle avait craint pour lui les fatigues et les dangers de la guerre (Sand, Hist. vie,t. 1, 1855, p. 412).Quand il faisait de l'orage, [elle] craignait pour lui la foudre (Flaub., Trois contes,Cœur simple, 1877, p. 35). − [Avec un compl. prép. de désignant ce qui est à l'orig. du danger] ♦ Craindre qqc. de la part de qqn.Je craignais de ta part des suppositions odieuses (Flaub., Corresp.,1846, p. 217). ♦ Avoir (peu, ...) à craindre de qqn/qqc.Ceux qui ont tout à craindre de la vérité (Clemenceau, Iniquité,1899, p. 280).Quand elle n'eut plus rien à craindre d'eux (Miomandre, Écrit sur eau,1908, p. 168). − Emploi factitif. Faire craindre qqc. (à qqn).[Le suj. de faire craindre désigne ce qui constitue un signe de ce qui est considéré comme une source de danger] Porter à envisager avec inquiétude l'existence possible de quelque chose qui paraît constituer une source de danger. Sa réserve diplomatique [du billet] me fit craindre un refus du roi (Chateaubr., Mém.,t. 3, 1848, p. 569).Déclarations faisant craindre le pire (Beaufre, Dissuasion et stratég.,1964, p. 78).Ces crises gastro-intestinales (...) font craindre une défaillance surrénale aiguë (Quillet Méd.1965, p. 497). 3. Emploi abs. Éprouver un sentiment d'inquiétude déterminé par l'idée d'un danger existant ou possible. a) [Sans compl. prép. pour] Quelque raison de craindre (Sainte-Beuve, Volupté,t. 1, 1834, p. 6; cf. aussi ex. 9).Sans espérer ni craindre (Alain, Propos,1928, p. 784): 8. L'animal, sans doute, ne rumine pas l'idée de la mort. Il ne craint que contraint de craindre. Le péril disparu, la puissance du pressentiment funeste s'évanouit...
Valéry, Variété III,1936, p. 189. − Arg. ,,Être recherché par la police`` (Le Breton 1960). ,,Depuis qu'il craint, Miton, qui est plutôt chaleureux, ne déplanque de sa piaule que la noïe`` (Le Breton1960). b) [Avec compl. prép. pour désignant la pers. ou la chose menacée] − [Le compl. prép. pour désigne une pers.] Craindre pour ses enfants : 9. alain. − Il y a longtemps qu'elle me fait peur.
élisabeth. − Pourquoi ne m'en as-tu rien dit?
alain. − Je ne voulais pas attirer ton attention... Je craignais pour nous deux... Tu vois? J'avais raison de craindre...
Mauriac, Les Mal Aimés,1945, II, 9, p. 214. − [Le compl. prép. pour désigne une chose, le plus souvent un fait, un événement, un élément de situation de la vie hum.] Craindre pour la raison de qqn, pour sa santé. Elle craignait pour l'avenir de ses enfants (Champfl., Avent. MlleMariette,1853, p. 113).J'avais craint pour les bâtiments du port (Larbaud, Journal,1932, p. 265). B.− [Le compl. d'obj. est un énoncé verbal ou son substitut pronom.] 1. [Le suj. de l'énoncé verbal compl. est le même que celui de craindre] Craindre de + inf. a) Éprouver un sentiment d'inquiétude à l'idée de faire ou de subir quelque chose. Craindre de se baisser, d'être seul. Il craignait de s'engager dans les montagnes (Las Cases, Mémor. Ste-Hélène,t. 1, 1823, p. 543).Craignant de partager sa chambre longtemps (Zola, Pot-Bouille,1882, p. 330): 10. Il [le traducteur] doit toujours craindre, par une précision excessive, de limiter l'essor de l'imagination. L'âme humaine (et pourquoi craindre d'employer ce mot pour désigner ce faisceau d'émotions, de tendances, de susceptibilités dont le lien n'est peut-être que physiologique) reste de contours vaporeux, changeants, insaisissables...
Gide, Journal,1942, p. 132. − [À la forme négative, p. litote] Oser, avoir l'audace de. Ne pas craindre d'affirmer, de choquer : 11. ... Faria, abbé, savant, homme d'église, n'avait pas craint de risquer la traversée du château d'If à l'île de Daume, (...); lui, Edmond le marin (...) hésiterait-il donc à faire une lieue en nageant?
Dumas père, Le Comte de Monte-Cristo,t. 1, 1846, p. 190. b) Envisager avec inquiétude qu'un fait jugé néfaste ait une existence effective. Craindre d'avoir été ridicule, de fondre en larmes, de tomber. Synon. appréhender de.Avec la hâte d'un voyageur pressé qui craint de manquer le train (Rolland, J.-Chr.,Buisson ard., 1911, p. 1400).Craindre de limiter l'essor de l'imagination (cf. ex. 10): 12. Nous passâmes si près de ce bâtiment, que nous observâmes jusqu'à la physionomie des individus; elle n'exprima jamais la crainte, pas même l'étonnement : ils ne changèrent de route que lorsqu'à portée de pistolet de l'astrolabe, ils craignirent d'aborder cette frégate.
Voyage de La Pérouse,t. 3, 1797, p. 3. ♦ [Dans la lang. de la conversation, avec expr. hyperbolique; caractérisant les relations sociales] Craindre d'importuner. Je vous remercie, mon Père, mais je craindrais d'abuser... (Billy, Introïbo1939, p. 233) 2. [Le suj. de l'énoncé verbal compl. est différent de celui de craindre] Craindre que + subj.Envisager avec inquiétude qu'un fait jugé néfaste ait une existence effective. Sans craindre qu'il me trahisse (Staël, Lettres jeun.,1786, p. 120).Craindrai-je que l'univers connoisse mon péché, quand je n'ai pas craint que le Seigneur le connût (Saint-Martin, Homme désir, 1790, p. 395) : Je crains toujours que tu ne sois pas heureux ici (Martin du G., Thib.,Pénitenc., 1922, p. 698): 13. On a pu craindre d'abord qu'elle [la Résistance] ne se survive artificiellement; on lui trouvait d'inquiétantes ressemblances avec le parti unique des dictatures. Cette inquiétude s'est dissipée à mesure que son rôle véritable se dégageait chaque jour plus clairement − son rôle qui est de susciter une nouvelle génération de grands parlementaires...
Mauriac, Le Bâillon dénoué,1945, p. 451. Rem. 1. Emploi de la particule explétive ne et de la négation complète, dans la sub. régie par une forme de craindre. a) Après une forme affirmative non interr. de craindre, si ce que l'on craint consiste dans la réalisation d'un fait, la particule explétive ne est gén. empl. dans la sub., mais il arrive qu'elle soit omise, cette tendance apparaissant comme un peu plus fréq. dans les textes du xxes. que dans ceux du xixes. Je craignais qu'on ne se mît à rire (Senancour, Obermann, t. 1, 1840, p. 115). Les deux officiers craignaient que l'un des voyageurs aperçût l'iceberg (Peisson, Parti Liverpool, 1932, p. 194). Après une forme négative non interr. de craindre, la particule explétive ne n'apparaît jamais dans la sub. : sans craindre qu'il me trahisse (cf. supra). Après une forme interr., la particule explétive ne est souvent omise dans la sub. Craindrai-je que l'univers connoisse mon péché (cf. supra); l'emploi de la particule est plus fréq. lorsque la forme de craindre est à la fois interr. et négative. Ne craignez-vous pas que la publication de la Vita ne réveille mainte haine (...)? (Montherl., Malatesta, 1946, IV, 9, p. 530). Ne craignez-vous point que Dieu se lasse (...)? (Bernanos, Dialog. Carm., 1948, p. 1593). b) Pour exprimer la négation dans la sub., on emploie la négation complète (ne... pas, etc.), qui s'oppose à la particule explétive ne. Je crains toujours que tu ne sois pas heureux ici (cf. supra). 2. On rencontre, exceptionnellement, ds la docum. craindre + compl. d'obj. subst. + adj. ou part. attribut du compl. d'obj., équivalant à craindre que + suj. + une forme de être + adj. ou part. attribut du suj. Je les [les hôtels] crains très tuberculisés (Valéry, Corresp. [avec Gide], 1908, p. 414). Nous les [les origines d'un ouvrage] craignons humbles (Valéry, Variété I, 1924, p. 227). 3. Je le crains, nous le craignons (en incise, le représentant un énoncé verbal). Or, je le crains, l'auteur serait un professeur ennuyeux (Amiel, Journal,1866, p. 225).Une série de superbes fragments, les Illuminations, à tout jamais perdus, nous le craignons bien (Verlaine,
Œuvres compl., t. 4, Poètes maud., 1884, p. 34).Ils cèdent, je le crains, à une sympathie personnelle (Mauriac, Journal 3,1940, p. 262). − [Avec omission de le] Ce qui me manque, je crains, c'est la patience (Delacroix, Journal,1822, p. 18). II.− [Le suj. désigne une chose; le compl. d'obj. désigne un agent physique] Manifester de la sensibilité à quelque chose qui apparaît comme nocif. Le myrte craint les froids de l'hiver (Chénier, Bucoliques,1794, p. 246).Un taxi qui ne craint ni les caniveaux ni même les degrés des raidillons (T'Serstevens, Itinér. esp.,1933, p. 112): 14. − L'ibex a peur du lion, la colombe redoute l'épervier, la prunelle craint le soleil, et je ne te vois encore qu'à travers les terreurs et les éblouissements...
Gauthier, Le Roman de la momie,1858, p. 327. Rem. Sur l'emballage de certaines marchandises sont inscrites des formules ell. comme craint l'humidité, la chaleur. ♦ Arg. ,,Ça craint le soleil, c'est de la marchandise volée`` (Lacassagne, Arg. « milieu », 1928, p. 188) − P. anal. [Le suj. est une pers. envisagée comme qqc. de fragile] Une douceur sournoise d'être fragile qui craint les chocs (Zola, Bête hum.,1890, p. 243).Ses parents, qui, craignant le chaud... (Colette, Naiss. jour.,1928, p. 25).J'ai toujours craint l'air vif à l'aube, je ne saurais trop me défendre contre sa malignité, reprit-il après un long silence (Bernanos, M. Ouine,1943, p. 1528). Rem. Le sujet désigne parfois, non la pers., mais une caractéristique de la pers. Ses rhumatismes craignaient l'eau (cf. ex. 5). Prononc. et Orth. : [kʀ
ε
̃:dR̥], (je) crains, (il) craint [kʀ
ε
̃], (nous) craignons [kʀ
ε
ɳ
ɔ
̃]. Homon. crin. Conjug. : [kʀ
ε
̃], 1re, 2e, 3epers. du sing. du prés. de l'ind. (crains, craint). Impér. sing. (crains). Part. passé (craint, fém. crainte [kʀ
ε
̃:t]). [kʀ
ε
ɳ-] : 1re, 2e, 3epers. du plur. du prés. de l'ind. (craignons, craignez, craignent). Tout l'imp. de l'ind. (craignais, etc.). Tout le passé simple de l'ind. (craignis, etc.). Subj. imp. (craignisse, etc.). Part. prés. (craignant). Impér. plur. (craignons, craignez). [kʀ
ε
̃dR̥] : inf. (craindre). Fut. (craindrai, etc.). Cond. prés. (craindrais, etc.). Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. Fin xes. emploi abs. « avoir peur de » crement subj. prés. 2epers. du plur. (cf. introd. de l'éd. p. 76) (Passion, ms. Clermont, éd. D'A. S. Avalle, 403); ca 1050 suivi de que + subj. et ne discordantiel criem ind. prés. 1repers. du sing. (Alexis, éd. Chr. Storey, 60 : mult criem que ne t'em perde); ca 1100 trans. crendrez ind. fut. 2epers. du plur. (Roland, éd. J. Bédier, 791); 1120-50 suivi de que + subj. criem (Grand mal fit Adam, I, 129 ds T.-L.), en concurrence avec les formes pronom. jusqu'au xvies.; ca 1175 avec de + inf. crient (Chr. de Troyes, Chevalier Lion, éd. W. Foerster, 1512), en concurrence avec les formes pronom. jusqu'au xvies.; xiiecriendre (Psautier Cambridge, éd. Fr. Michel, 48, 16); 2. ca 1120 « révérer, éprouver un grand respect pour (Dieu) » crendrez (St Brendan, éd. E.G.R. Waters, 477); ca 1275 creindre (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 11500); 3. ca 1530 ne pas craindre sa peine « ne pas ménager sa peine » (Marguerite de Navarre, Nativité, 9, éd. Schneegans ds IGLF); 4. 1580 « être sensible à l'action de, ne pas supporter » (B. Palissy, Discours admirables, éd. A. France, p. 413, ibid.). Issu du lat. class. trĕmĕre « trembler » d'où « trembler de peur devant quelque chose, redouter, craindre », altéré en gallo-roman sous une forme *cremere par croisement avec un rad. celtique *crit- postulé par le bret. kridien, le cymrique crit et le gaélique crith « frisson, tremblement » (cf. Henry (V.), p. 82; FEW t. 13, 2, p. 240 a; REW3, no8877). Pour les changements dans la conjugaison et en partic. le passage de cr(i)embre à criendre puis à craindre, v. Fouché Morphol., § 69. Fréq. abs. littér. Craindre : 9 834. Craint : 2 022. Craignant : 938. Fréq. rel. littér. Craindre : xixes. : a) 18 722, b) 13 789; xxes. : a) 11 047, b) 11 814. Craint : xixes. : a) 4 131, b) 2 564; xxes. : a) 2 381, b) 2 267. Craignant : xixes. : a) 1 455, b) 1 754; xxes. : a) 1 491, b) 910. Bbg. Aymeric (J.). Ind. après craindre, falloir, vouloir. Z.fr. Spr. Lit. 1889, t. 11, p. 269. − Gottsch. Redens. 1930, p. 10, 11, 221, 259. − Popinceanu (I.). Elemente nichtlateinischen Ursprungs im fr. und rumänischen Wortschatz. In : [Mél. Gamillscheg (E.)]. München, 1968, p. 420. − Ritter (E.). Les Quatre dict. fr. B. de l'Inst. nat. genevois. 1905, t. 36, pp. 387-388. |