| COULOIR1, subst. masc. Lieu de passage. A.− CONSTRUCTION 1. Passage qui met en communication plusieurs pièces, appartements ou immeubles, ou qui leur sert de dégagement. Après un lent et insipide piétinement sous un long couloir sombre, qui serpentait dans le palais comme le canal intestinal du vieil édifice, il parvint auprès d'une porte basse (Hugo, N.-D. Paris,1832, p. 350): 1. Un escalier en colimaçon, à rampe de bois graisseuse; des odeurs et des lueurs de quinquets; des portes, des paliers; tout cela étroit, un labyrinthe de couloirs, de corridors, quelque chose comme ces endroits resserrés où l'on va toujours dans les rêves.
E. et J. de Goncourt, Journal,1863, p. 1274. − [P. anal. de forme ou de fonction] D'étroits couloirs liquides s'ouvrent profondément sous les ramures (Gide, Voy. Congo,1927, p. 703).Des couloirs d'ombre sèche (Aragon, Beaux quart.,1936, p. 139): 2. Le long des sentiers creux, dans la nuit verte, nous rencontrions des femmes qui allaient à Toulven entendre la première messe du matin. Du fond de ces longs couloirs de verdure, on les voyait venir avec leurs collerettes, avec leurs hautes coiffes blanches, dont les pans retombaient symétriques sur leurs oreilles...
Loti, Mon frère Yves,1883, p. 211. 3. ... nous nous engageons au couloir infini de la rue chinoise, tranchée obscure et mouillée dans une odeur d'intestin au milieu d'un peuple mélangé avec sa demeure comme l'abeille avec sa cire et son miel. Et longtemps nous suivons l'étroit sentier dans un tohu-bohu de foirail.
Claudel, Connaissance de l'Est,1907, p. 76. − P. métaph. ♦ [En association avec un espace abstr.] . V. aussi abstraire, ex. 25 : 4. Je touche au côté faible de du Guet et j'y appuie. Il avait trop vécu dans l'ombre, dans un couloir étroit, dans le corridor prolongé de sa doctrine, où il n'y avait lumière qu'à l'extrémité. Il n'a pas le bon sens élevé, l'étendue d'horizon, la stabilité de Bossuet...
Sainte-Beuve, Port-Royal,t. 5, 1859, p. 412. ♦ [En association avec le temps] Et lui se faufilait dans l'étroit couloir des minutes (Morand, Champions du monde,1930, p. 199). ♦ [En association avec une sensation] Engagée dans un couloir de douleurs (Chardonne, L'Épithal.,1921, p. 382). − Arg. Couloir de bois. Cercueil (cf. Esparbès, Vent du boulet, 1909, p. 147). ,,Sortir par le couloir de bois. Mourir`` (Carabelli, [Lang. pop.]). 2. Emplois partic. a) [Lieux publ. de rassemblement] − THÉÂTRE. Passage de dégagement autour du parterre, des galeries et des loges. La fanfare (...) placée dans le couloir des secondes galeries (Champfl., Souffr. profess. Delteil,1853, p. 208). − ARÈNE. Intervalle circulaire entre la piste et les gradins. Des gens du couloir sautèrent dans l'arène (Montherl., Bestiaires,1926, p. 546). − Spéc. au plur. Voisinage de la salle des séances d'une assemblée, où circulent les bruits officieux. Bruits, intrigues de couloirs; les couloirs de la Chambre, du Palais de Justice. Les combinaisons de couloirs et d'antichambre (Doc. d'hist. contemp.,1852-1959, p. 59). b) [Moyen de transp.] Passage de dégagement permettant la circulation des voyageurs. Le couloir de la carlingue (Malraux, Espoir,1937, p. 516).Le café Gobillot (...) tout en longueur comme un couloir d'autobus (Fargue, Piéton Paris,1939, p. 92).Parcourir les couloirs et les coursives (Cendrars, Bourlinguer,1948, p. 45). − En partic. Passage permettant l'accès aux compartiments d'un wagon; p. méton., les voyageurs qui l'occupent : 5. ... un vent glacial transperce les voyageurs du couloir.
− Vous ne pourriez pas nous ouvrir ces compartiments vides? demande Juliette au contrôleur qui passe en écrasant les gens contre les parois du wagon.
− Vous ne savez pas lire? C'est pour les occupants...
− Je ne comprends pas le patois, répond Juliette, et le couloir s'esclaffe.
E. Triolet, Le Premier accroc coûte deux cents francs,1945, p. 66. SYNT. Couloir d'entrée, de la maison; couloir central, obscur, ténébreux, vitré; le couloir aboutit, débouche, dessert, mène, relie; bout, détour, entrée, extrémité, fond, ombre du couloir; dédale, enfilade de couloirs; enfiler, traverser, suivre un couloir; déboucher, disparaître, s'enfoncer, s'engorger, errer dans un couloir; donner sur un couloir. B.− Emplois techn. 1. CIN. Le couloir [est la partie de l'appareil cinématographique], dans lequel le film se déplace de haut en bas (Graffigny, Cours cinématogr.,1923, p. 87). 2. CIRCULATION a) [Aérienne] Couloir aérien. Itinéraire fixé à la circulation des avions. b) [Fluviale] Couloir d'écluse. Canal d'écluse (cf. Forest. 1946). c) [Terrestre] Espace matérialisé sur une chaussée, pour réglementer la circulation. Couloir d'autobus, de circulation. 3. GÉOGR. Passage resserré entre deux rives, régions ou pays. Couloir rhodanien, de Dantzig : 6. Entre Metz et les Vosges restaient 80 kilomètres environ de frontière ouverte. Mais ce champ d'action était lui-même divisé en deux couloirs par la région des étangs, l'un, la trouée de Delme large de 40 kilomètres, l'autre, le couloir de Sarrebourg qui en avait à peine 20.
Joffre, Mémoires,t. 1, 1931, p. 115. 4. GÉOL. Dépression encaissée et verticale, à flanc de montagne. Lorsqu'on voyage dans les Alpes, on reconnaît fort bien ces couloirs : ce sont de vastes pentes entièrement dégarnies d'arbres, de rocs, et au bas desquelles sont accumulés des débris séculaires que la végétation envahit et recouvre à mesure qu'en s'amoncelant ils se servent de remparts à eux-mêmes (Toepffer, Nouv. genev.,1839, p. 449). 5. HABILLEMENT a) Rare. Anneau dans lequel glisse un ruban ou un galon. Au centre de la cravate, à travers un petit couloir de métal (Gide, Caves,1914, p. 686). b) Arg. ,,Échancrure du veston`` (Esn. 1966). 6. MÉTÉOR. Couloir de basse/haute pression. Zone atmosphérique comprise entre deux autres, de pression contraire. 7. MINES. Glissière disposée en pente pour assurer le transport du charbon ou du minerai. Le charbon (...) jeté à la pelle dans un couloir en tôle (E. Schneider, Charbon,1945, p. 240). 8. SP. et JEUX. Bande longitudinale matérialisée sur une piste, un court ou un terrain de jeux. Couloir de tennis, de ski, de billard, de quilles (cf. Pesquidoux, Chez nous,1923, p. 26). Prononc. et Orth. : [kulwa:ʀ]. Ds Ac. 1762-1932. Étymol. et Hist. 1704 mar. (Trév. : Couloir. On appelle ainsi le passage qui conduit dans les chambres du vaisseau); 1752-56 plus gén. (J.-F. Blondel, Architecture française, t. 3, p. 54 : les chapelles [...] sont toutes dégagées par un corridor ou couloir extérieur); 1866 les couloirs subst. masc. plur. « lieu où se transmettent les informations officieuses, les tractations plus ou moins secrètes » (Lar. 19e); 1786 alpinisme (Saussure, Voy. Alpes, II, 565 ds Quem. Fichier). Dér. du rad. de couler*; suff. -oir*. Bbg. Archit. 1972, p. 36. − Gohin 1903, p. 377. − Quem. 2es. t. 4 1972. |