| CORPS, subst. masc. I.− [Chez les êtres vivants organisés] Ensemble des parties matérielles constituant l'organisme, siège des fonctions physiologiques et, chez les êtres animés, siège de la vie animale. Mon corps avec ses diverses parties et ses divers organes est un, quoique composé (Senancour, Rêveries,1799, p. 174).Les végétaux sont des corps vivans organisés (Lamarck, Philos. zool.,t. 1, 1809, p. 387): 1. ... celui qui voit le corps de l'homme et ses mouvemens, voit l'homme autant qu'il peut être vu, quoique le principe de ses mouvemens, de sa vie et de son intelligence reste caché...
Dupuis, Abr. de l'orig. de tous les cultes,préf., 1796, p. 5. 2. ... la substance de tout corps animal permet à la cause excitatrice d'y établir un orgasme énergique et l'irritabilité; tandis que la substance de tout corps végétal ne laisse à la cause excitatrice que le pouvoir de mettre en mouvement les fluides visibles contenus, ...
Lamarck, Philos. zool.,t. 2, 1809, p. 164. II.− En partic. [Chez l'homme] A.− [Le corps humain du point de vue de son anatomie et de son aspect extérieur] 1. [Le corps comme formant un tout] Corps bien bâti; haut du corps; étudier le corps; être beau de corps. Une assez belle tête sur un corps nain et difforme (Sand, Hist. vie, t. 2, 1855, p. 322); ce grand corps tout en os et en peau (Giono, Colline, 1929, p. 82); ce grand corps flasque est sans âge (Martin du G., Vieille Fr.,1933, p. 1087): 3. ... le corps de l'homme possède non-seulement un squelette articulé, mais encore celui de tous qui est le plus complet et le plus perfectionné dans toutes ses parties. Ce squelette affermit son corps, fournit de nombreux points d'attache pour ses muscles, et lui permet de varier ses mouvemens presqu'à l'infini.
Lamarck, Philos. zool.,t. 1, 1809, p. 138. SYNT. Corps bien/mal constitué, proportionné; corps difforme, disgracié; corps mince, svelte; corps de liane; corps dodu, épais, trapu; corps chétif, amaigri, décharné; corps osseux, squelettique; morphologie, constitution, configuration du corps; silhouette, lignes du corps; parties, partie inférieure, haut du corps; membres, attaches du corps; muscles, organes, veines du corps; beauté, difformité du corps; beau corps; corps harmonieux; (être) beau de visage et de corps; (être) sans défaut de corps; (être) mince de corps; étudier, disséquer le corps humain. − Loc. fig., vieilli. Prendre l'ombre pour le corps. Confondre de trompeuses apparences avec la réalité. [Le suj. désigne deux pers.] Être comme l'ombre et le corps. Être inséparables, ne pas se déplacer l'une sans l'autre. C'est comme l'ombre et le corps. − Spécialement a) [Le corps féminin p. oppos. au corps masculin et dans sa représentation poétique] Corps superbe, gracieux, élégant; joli corps; corps de vierge, de fée, de déesse : 4. Tout ton essai a ce même charme grêle, timide et gauche que tu attribues au corps de la femme. La forme des phrases suggère sans cesse cette subtilité frileuse et enveloppée : toujours leur mouvement est juste et reproduit l'inflexion délicieusement déformée du corps féminin.
J. Rivière, Correspondance[avec Alain-Fournier], 1907, p. 281. b) [Le corps humain du point de vue des vêtements qui le couvrent] Jeannot avait sur le corps nu un petit pantalon blanc avec des bretelles (Triolet, Prem. accroc,1945, p. 111). SYNT. Linge* de corps; (re)couvrir, revêtir son corps (d'un vêtement); jeter un vêtement sur son corps; avoir un vêtement autour du corps; (avoir) le corps serré dans un vêtement. ♦ Loc. adj. [En parlant d'un vêtement] Près du corps. Très ajusté, sans être tout à fait collant. On a beaucoup remarqué l'apparition d'un smoking près du corps en fin lainage bleu pastel (Le Monde,1969ds Giraud-Pamart 1971). 2. P. méton. a) [P. oppos., explicite ou implicite, à tête et à membres] Partie centrale et massive du corps humain, contenant l'ensemble des organes vitaux, à laquelle viennent s'attacher la tête et les membres (c'est-à-dire le tronc; plus rarement, le buste). Il avait le corps pris dans une cuirasse brune tailladée en petites écailles (Flaub., Salammbô,t. 2, 1863, p. 9). SYNT. Inclinaisons de tête et de corps; avoir une grosse tête sur un petit corps; avoir un corps et des membres bien proportionnés. ,,Il a le corps bien fait, mais les jambes un peu trop courtes. Il a le corps long, le corps tout de travers`` (Ac.). Pencher, plier le corps en avant; rejeter le corps en arrière. Vêtement, robe qui moule le corps. − Loc. adv. À mi-corps. À mi-hauteur du corps, au niveau de la taille, de la ceinture. Portrait à mi-corps. Portrait en buste. − Loc., BOXE. Travailler (un adversaire) au corps. Frapper (un adversaire) à la poitrine et à l'estomac. − P. méton. Partie de certains vêtements qui enveloppent le tronc. Corps de chemise, de robe. ,,Les manches d'un corps. Ce corps est trop long, trop large, trop étroit. Élargir, étrécir un corps`` (Ac.). Corps d'armure, de cuirasse. ♦ Vieux Corset. Corps rembourré ,,pour cacher les défauts de la taille`` (Ac.). Corps de baleine ou corps baleiné. Corset pourvu de baleines destiné à affiner la taille. Corps piqué. Corps de jupe ou, p. ell., corps. Corsage d'une robe : 5. ... la robe se compose de la jupe et du buste ou corps de la jupe : ensuite toutes les femmes ayant la prétention d'être minces, le corps de la jupe est devenu par courtoisie un petit corps ou corset et il deviendra sans doute un corselet.
Gourmont, Esthétique de la lang. fr.,1899, p. 207. Rem. Cf. Leloir 1961. b) [Dans qq. loc.] Personne dans sa totalité. − Vieilli, fam. C'est un pauvre corps. C'est un homme sans vigueur et dépourvu d'esprit. Le pauvre corps! (cf. Ac.1835, 1878).C'est un drôle de corps. C'est un homme singulier. C'est un plaisant corps. Je suis un drôle de corps comme disait Chéruel, j'ai cru me connaître dans un temps, mais à force de m'analyser je ne sais plus du tout ce que je suis (Flaub., Corresp.,1845, p. 49).Avoir (une mauvaise affaire) sur le corps. ,,Être impliqué dans une affaire compromettante, dangereuse`` (Ac. 1878). − Garde du corps. Garde attaché à la protection d'une personnalité, en particulier d'un homme d'État. Gardes du corps du roi, du général; gardes du corps personnels; uniforme, capitaine, escadron, compagnie, revue des gardes du corps. P. anal. Il me faut être son garde du corps. Jusqu'au jour où elle prendra mari, s'entend. Je suis relevé de mon serment le jour des noces (Pourrat, Gaspard,1925, p. 20).P. ext. Cinq ou six gros chiens capables de dévorer un homme, (...) sont ses gardes du corps (About, Grèce contemp.,1854, p. 92). Rem. Cf. par ailleurs les loc. passer sur le corps de qqn; à son corps défendant; à corps perdu (infra II B 2 c, e) et répondre de qqn corps pour corps (infra II B 4). − En partic., DR.
α) [Désigne la pers. p. oppos. aux biens matériels] Séparation de corps (et de biens); demande en séparation de corps (et de biens); requérir, prononcer la séparation de corps (et de biens). − Tu ne devrais pas divorcer, Agnès, c'est mal. (...) − Tu peux simplement demander une double séparation de corps et de biens (Drieu La Roch., Rêv. bourg.,1939, p. 224). ♦ Spéc., MAR. [Désigne le navire, p. oppos. aux marchandises appelées biens] Assurance sur corps; navire (déclaré) perdu corps et biens, qui a péri corps et biens; couler, sombrer corps et biens. Rem. Corps ,,A pris aujourd'hui le sens de « passagers » ou d'« équipage » à la suite d'un contresens sur l'expression corps et biens...`` (Barber. 1969).
β) [Désigne la pers. en tant qu'elle peut être contrainte physiquement, arrêtée et incarcérée, par voie de justice, en cas d'infraction aux lois] Prise* de corps; jugement, ordonnance, décret de prise de corps; obtenir une prise de corps contre qqn; contrainte* par corps; exercer une contrainte par corps; condamner par corps; appréhender au corps. B.− 1. [Le corps humain du point de vue de la physiologie, sous le rapport de la santé, de la maladie et des différentes phases de son développement] Vieillissement du corps; corps bien portant. Elle était bien de corps, mais malade de cœur (Lamart., Graziella,1849, p. 275).Le vieux corps était agité d'un tremblement convulsif (Bernanos, Imposture,1927, p. 471): 6. ... un corps bien portant qu'il faut soigner est comme un bon outil qu'on doit entretenir; un corps malade est comme une machine qu'on répare; la fatigue, le sommeil, la souffrance livrent le corps aux choses; ...
Ricœur, Philos. de la volonté,1949, p. 326. SYNT. Petit corps d'enfant; frêle corps d'adolescente; merveilleux corps de jeune fille; beau corps de femme; corps sain, vigoureux; corps gracile, frêle; corps courbatu(ré), moulu de fatigue, exténué; corps meurtri, infirme, amputé de ses bras; pauvre corps douloureux; jeune corps musclé; corps courbé par l'âge; fatigue, affaiblissement, maladie, souffrance, détresse du corps; frissonner, trembler, frémir de tout son corps; sentir son corps se glacer. − Locutions ♦ Prendre corps. Grossir, devenir corpulent, prendre de l'embonpoint. Avoir trop de corps. Il s'était développé tout à coup, avait pris du corps et des muscles (Maran, Batouala,1921, p. 47).Spéc., MAN. [Le suj. désigne un cheval] Avoir du corps. Avoir de larges et longues côtes, bien développées. ♦ N'avoir rien dans le corps.
α) Avoir l'estomac vide, être à jeun.
β) Être sans vigueur, sans ressort. ♦ [Le suj. désigne un aliment] Tenir au corps. Être très nourrissant. ♦ (Être) en bon/en mauvais corps (vx). (Être) en bonne/en mauvaise santé (cf. Littré). Avoir un corps de fer (fig., fam.). Être de constitution robuste, être résistant. C'est un corps de fer (Ac.1835, 1878).Ne pas être traître à son corps (fam.). Être attentif à son bien-être (cf. Ac. 1835, Littré).Faire de son corps une boutique d'apothicaire (p. métaph., vieilli). Faire un usage abusif des médicaments (cf. Littré).Faire corps neuf (fig.). [Après une longue maladie] Se rétablir, recouvrer ses forces en ayant le sentiment de revivre (cf. Ac. 1835, Littré).Spéc., MAN. [Le suj. désigne un cheval] Être nourri au fourrage frais, être mis au vert. ,,Ce cheval a fait corps neuf`` (Ac.1835). − En partic. a) [Le corps humain sous le rapport de l'effort physique, du travail] Bourreau de son corps (fam.) Personne qui abuse de ses forces, se dépense sans se ménager (cf. Ac. 1878-1932).Gagner sa vie, gagner son pain, manger son pain à la sueur de son corps. Gagner sa vie... durement, en travaillant et en se donnant beaucoup de peine. Synon. usuel gagner son pain* à la sueur de son front*.,,Ce sont de pauvres gens qui gagnent leur vie à la sueur de leur corps`` (Ac.1835, 1878).[Le suj. désigne gén. une pers. laborieuse dont les résultats ne sont pas en rapport avec l'effort déployé] Se tuer le corps et l'âme. (P. hyperb., fam.). Se donner beaucoup de mal, user ses forces, s'épuiser. ,,Il s'est tué le corps et l'âme pour amasser de quoi vivre`` (Ac.1835, 1878). b) [Le corps humain en tant que support matériel de la pensée et de son expression, et des ressources du caractère] Savoir, connaître, voir... ce que qqn a dans le corps. Savoir, connaître... ses pensées dissimulées, ses intentions secrètes, savoir, connaître... ses possibilités, ses ressources de caractère. Synon. usuel fam. savoir, connaître... ce que qqn a dans le ventre*.N'avoir rien dans le corps. N'être capable de rien manquer de caractère. Synon. usuel fam. ne rien avoir dans le ventre*.Faire rentrer à qqn ses paroles dans le corps (fig., vieilli, fam.). Lui faire retirer ses paroles de force (cf. Littré, DG). Rem. Cf. infra la rem. sous B 2 a. − Loc. hyperbolique. Pleurer toutes les larmes de son corps (cf. Balzac, Cous. Pons, 1847, p. 299). c) [Le corps du point de vue de la psychol., de la philos.] :
7. ... s'il est vrai que j'ai conscience de mon corps à travers le monde, (...) il est vrai pour la même raison que mon corps est le pivot du monde : je sais que les objets ont plusieurs faces parce que je pourrais en faire le tour, et en ce sens j'ai conscience du monde par le moyen de mon corps.
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 97. − Image du corps. Représentation qu'un sujet a de son corps. Corps objectif. Corps humain en tant qu'il est matériel. [P. oppos. à corps subjectif] Corps phénoménal, corps(-)propre, corps-sujet : 8. ... la permanence du corps propre, si la psychologie classique l'avait analysée, pouvait la conduire au corps non plus comme objet du monde, mais comme moyen de notre communication avec lui, ...
Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception,1945, p. 109. 2. [Le corps humain du point de vue de la motricité en général ou appliquée aux exercices physiques, à la lutte.] Motricité, inactivité du corps; corps souple; jeux qui exercent le corps. Je ne savais rien faire de mon corps, pas même nager ni monter à bicyclette (Beauvoir, Mém. j. fille,1958, p. 162). SYNT. Maîtrise, obéissance, mouvements, attitudes, positions, paresse, immobilité du corps; corps flexible, agile, nerveux, musculeux, athlétique; corps sans souplesse. − Loc. (souvent à sens fig.) a) Avoir le diable au corps ♦ [Avec l'idée d'énergie intense, infernale] Déployer une grande activité physique, s'agiter bruyamment; être dans un état de grande excitation. [En parlant d'un enfant] Être remuant, turbulent; ne pas tenir en place. − Voulez-vous me laisser tranquille! Mais vous avez donc le diable au corps tous les deux! (Barrière, Capendu, Faux bonsh.,1856, IV, 1, p. 142): 9. Au lieu de mes gros bons chevaux tranquilles d'autrefois, de petits chevaux arabes qui ont le diable au corps, se battent, se mordent, (...) et me brisent mes brancards à coups de pieds...
A. Daudet, Tartarin de Tarascon,1872, p. 105. Rem. À noter, dans le même esprit : Ce louchon d'Augustine qui venait de pratiquer un trou au milieu du marc, en enfonçant une cuiller dans le filtre. − Veux-tu te tenir tranquille! cria Gervaise. Qu'est-ce que tu as donc dans le corps? Nous allons boire de la boue, maintenant (Zola, Assommoir, 1877, p. 545). Déployer une étonnante activité en y mettant énergie et passion, en faisant preuve de qualités d'esprit, de courage... Je ne sais où il prend tout ce qu'il dit, tout ce qu'il fait est prodigieux, je crois qu'il a le diable au corps, il faut qu'il ait le diable au corps (Ac.1835, 1878).♦ Péj. Être agressif, violent; accomplir de mauvaises actions, agir mal. − Avez-vous le diable au corps de vous quereller ainsi? (Lemercier, Pinto,1800, I, 10, p. 32). b) Couvrir qqn de son corps; faire à qqn un rempart de son corps. M. Castel, craignant (...) que les révolutionnaires n'eussent le projet d'assassiner le prince, ne le quitta pas, résolu à lui faire un rempart de son corps (Chênedollé, Journal,1833, p. 151). c) Passer sur le corps de qqn. Une fois par terre, leurs tilburys vont vous passer sur le corps (Stendhal, Rouge et Noir,1830, p. 248).P. méton. de l'obj. Passer sur le corps d'une troupe ennemie. Triompher d'une troupe ennemie en forçant l'obstacle qu'elle représente (cf. Ac. 1878-1932). Fig. Passer sur le corps de qqn, sur le corps à qqn. Triompher, par n'importe quel moyen et sans aucun scrupule, d'une personne qui se présente comme un obstacle sur son chemin. d) Fig., vieilli. Tomber rudement sur le corps de qqn, sur le corps à qqn. Maltraiter quelqu'un en paroles, en sa présence ou à son insu (cf. Ac. 1835, 1878). e) Loc. adv. ou adj. À bras*(-)le(-)corps. ♦ Corps à corps. En saisissant l'adversaire directement au corps; corps contre corps; de très près. Lutte, combat corps à corps; se battre, lutter, combattre corps à corps avec qqn; prendre corps à corps qqn. Les deux adversaires se saisirent corps à corps, s'enlacèrent comme deux serpents et se frappèrent avec furie (Ponson du Terr., Rocambole, t. 1, 1859, p. 54).Fig. De front, face à face : 10. ... l'auteur qui ose prendre corps à corps la prudence, l'égoïsme, toutes ces choses prétendues raisonnables derrière lesquelles les gens médiocres se croient en sûreté pour lancer des traits contre les caractères ou les talents supérieurs.
Mmede Staël, De l'Allemagne,t. 3, 1810, p. 201. Emploi subst. Un corps(-)à(-)corps. Rudes, furieux corps(-)à(-)corps; éviter le corps(-)à(-)corps avec l'ennemi. P. ext. Le corps à corps purement érotique, étroitement limité au temps du plaisir, n'admet pas non plus les tricheries (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 108).Fig. Ce que je sais, c'est l'action qui me l'a appris. Le corps à corps avec les réalités (Martin du G., Thib.,Épil., 1940, pp. 990-991).♦ À son corps défendant. En se défendant contre une attaque (vx; cf. Ac. 1835, 1878). Fig., fam. Contre sa volonté, de mauvais gré. Il a dû, à son corps défendant, emporter cet été à la campagne mon volumineux manuscrit (Martin du G., Notes A. Gide,1951, p. 1361). ♦ Loc. adv. À corps perdu. De toutes ses forces, avec une fougue que ne tempère pas la perspective de la fatigue, la crainte du danger. Se jeter, s'élancer à corps perdu dans la mêlée. Fatigué de s'en être tant donné, car les enfants font tout à corps perdu, il s'endormit (Pourrat, Gaspard,1925, p. 40).En emploi adj., plus rare. Le grand travail à corps perdu dans les blés en retard (Pourrat, Gaspard,1931, p. 202).Fig. Avec passion, sans hésitation et sans mesure, sans retenue et sans prudence. Je me lance à corps perdu dans les lectures religieuses (Flaub., Corresp.,1846, p. 415). 3. [Le corps humain sous le rapport de la sexualité] Corps pétri de désirs; corps enlacés. Le frémissement de son corps voluptueux avouait son amour (Mille, Barnavaux,1908, p. 163).La jouissance, la grande joie fleurie des corps consentants et complices? (Camus, Homme rév.,1951, p. 63): 11. ... elle (...) regarda avec pitié son chaste corps intact, (...). Elle savait qu'il aurait droit à toute caresse, et à celle-là, mystérieuse et terrible, après quoi un enfant naîtrait, ...
Mauriac, Le Baiser au lépreux,1922, p. 168. SYNT. Corps (de femme) humide et voluptueux; corps frigide*; corps amoureux; corps noués l'un à l'autre; corps de femme pantelant d'ardeur; appétits, concupiscences du corps; enlacement de deux corps; jouissances fiévreuses du corps; s'étreindre corps à corps; couvrir un corps de baisers; posséder un corps; jouir d'un corps de femme; être un même corps et une même chair avec une femme; femme qui fait cadeau de son corps, livre son corps à un homme, aux caresses d'un homme; femme qui vend son corps. − Avoir le diable au corps (supra II B 2 a). Se laisser emporter par les passions charnelles. Le diable au corps (roman de R. Radiguet). [Le suj. désigne une femme] Être folle; faire folie; faire des folies de son corps (vieilli). Être libertine, mener une vie dissipée. 4. [Le corps humain en tant que symbole de la vie] Faire bon marché de son corps. Ne pas craindre d'exposer sa vie (cf. Ac. 1798-1878). Un soldat est habitué à faire bon marché de son corps (Lar. 19e). Répondre de qqn corps pour corps. Répondre de quelqu'un comme de soi-même, en répondre sur sa propre vie. Je connais sa probité, je répondrais de lui corps pour corps (Ac.1835, 1878). C.− [Le corps humain en tant qu'il est matériel, sous son aspect charnel ou en tant qu'il est mortel, p. oppos. à âme et à esprit (ou, dans le même ordre d'idées, à pensée, à tête)] 1. [P. oppos. à âme « principe de vie de nature spirituelle et immortelle », dans les conceptions dualistes, chrétiennes en particulier] Le corps est homme, et l'âme est Dieu! (Lamart., Jocelyn,1836, p. 774): 12. Un journal où l'on pourrait tout dire, qui ne serait pas le journal du corps en rébellion contre l'âme, ni de l'âme opprimant le corps, mais le journal des deux, le journal de l'homme enfin réconcilié avec lui-même.
Green, Journal,1948, p. 191. SYNT. a) De corps et d'âme : (femme) parfaite de corps et d'âme; (être) fort, robuste, faible de corps et d'âme; (être) léger, malade de corps et d'âme; souffrir de corps et d'âme. b) Du corps et de l'âme : connaissance, vie du corps et de l'âme; exigences, lutte du corps et de l'âme; pain, repos du corps et de l'âme; santé, infirmités, tortures, du corps et de l'âme; netteté, grâce du corps et de l'âme. c) Autres synt. Union, relations de l'âme et du corps; subordination du corps à l'âme; souffrir dans son corps et dans son âme. − [L'opposition est implicite] Corps de chair; corps terrestre et passager; dompter le corps; mortifier son corps. Trois fois j'ai purifié mon corps par de longues ablutions (Du Camp, Mém. suic.,1853, p. 185).Il [le vent de la montagne] nous reprochait la vanité de nos œuvres, la turpitude de nos corps (Flaub., Tentation,1856, p. 532): 13. Le christianisme est bien dans vos moelles, et votre fameuse démoralisation d'après guerre, (...) a restauré la notion de péché. La notion de péché sans la grâce, imbéciles! Vous méprisez votre corps parce qu'il est l'instrument du péché.
Bernanos, Un Mauvais rêve,1948, p. 969. − Corps et âme*; corps sans âme*; avoir l'âme* (bien) chevillée au corps. − HÉRALD. [P. oppos. à âme* d'une devise] Corps d'une devise. Figure emblématique représentée dans la devise. 2. [P. oppos. à esprit « principe et siège des facultés intellectuelles », ou, dans le même ordre d'idées, à pensée, à tête] On voit trop, dans la plupart des amants, leurs esprits s'ignorer aussi naturellement que leurs corps se connaissant (Valéry, Variété I,1924, p. 80).Une guerre est une épreuve de force qui (...) juge les corps mais aussi les esprits et les cœurs (Mauriac, Journal occup.,1944, p. 307): 14. Il faut détruire l'antagonisme du corps et de l'esprit, non pas en égalant les deux termes, mais en portant l'un des termes à l'infini, de sorte que l'autre s'anéantisse et devienne comme zéro. Cela fait, accordez au corps ses jouissances; car les lui refuser, ce serait supposer que ces misères ont quelque valeur.
Renan, L'Avenir de la sc.,1890, p. 404. SYNT. a) Le corps et l'esprit : lutte entre le corps et l'esprit; nourrir, reposer le corps et l'esprit. b) Du corps et de l'esprit : vie, forces, santé, aliment du corps et de l'esprit. c) De corps et d'esprit : occupation, fatigue, misère de corps et d'esprit; (être) sain, agile, faible, malade de corps et d'esprit. d) D'esprit et de corps : activité, repos, abattement d'esprit et de corps; (être) heureux, fatigué d'esprit et de corps. D.− Spéc., RELIG. CHRÉT. Corps du Christ (en latin Corpus Christi), corps de Notre Seigneur. Corps humain qu'a pris le Christ par l'Incarnation (cf. Marcel 1938). Rem. ,,Ce raffinement de la philosophie platonicienne qui a fourni à l'auteur de l'évangile de Jean, le seul morceau théologique qui se trouve dans les évangiles. « Le verbe prit un corps; il habita parmi nous, et nous avons vu sa gloire; c'est celle du fils unique du Père.» ``(Dupuis, Orig. cultes, 1796, p. 386). − Représentation du corps du Christ sur la croix : 15. Le prêtre se releva pour prendre le crucifix; (...) collant ses lèvres sur le corps de l'Homme-Dieu, elle y déposa de toute sa force expirante le plus grand baiser d'amour qu'elle eût jamais donné.
Flaubert, Madame Bovary,t. 2, 1857, p. 180. − [Le corps, et le sang du Christ en tant qu'ils sont substantiellement présents dans le sacrement de l'Eucharistie, le premier sous l'apparence du pain ou de l'hostie, le second sous l'apparence du vin (cf. Saintes Espèces)] :
16. Le prêtre après qu'il a consommé le pain reçoit la substance de Jésus-Christ
Sous une espèce liquide,
Le corps concomitant au sang, Dieu au corps par le Verbe réuni
Tient dans ce calice qu'il vide,
...
Claudel, Poèmes de guerre,Le Précieux sang, 1916, p. 533. ♦ Recevoir le corps du Christ. Recevoir l'hostie, le sacrement de l'Eucharistie; communier. Tu reçus pour la première fois le corps de Notre-Seigneur-Jésus-Christ. (...) la communication du corps de Notre-Seigneur guérit tous les maux (Péguy, Myst. charité,1910, p. 61). − Corpus Christi. ,,Nom latin officiel de la Fête-Dieu`` (Foi, t. 1, 1968). − Vx ou région., loc. interjective employée comme juron. Corps(-)Dieu! Oloferno, se débattant. Corps-Dieu! (Hugo, L. Borgia,1833, III, 1, p. 153). E.− [Le corps humain sous le rapport de la mort; souvent en oppos. avec âme dans une perspective religieuse] Corps mortel, périssable (cf. supra II C). Elle restait là, (...) à sentir son corps s'en aller un peu plus, d'heure en heure (Zola, Bête hum.,1890, p. 32).Le sentiment de liberté que doit nous donner la mort, quand nous sommes désempêtrés du corps physique (Green, Journal,1936, p. 53). − Corps expirant, mourant, agonisant. Nous trouvons le spasme au bout de l'ombre. Il secoue un corps à l'agonie. Ce corps, nous l'avons reconnu. (...) c'est Bernier qui râle (G. Leroux, Parfum,1908, p. 136).Corps et âme qui se séparent; trancher les liens du corps et de l'âme; âme qui abandonne un corps. La chaleur s'éteindra comme la chaleur d'un corps que l'âme vient d'abandonner, et la vie disparaîtra (Verne, Île myst.,1874, p. 195). − Corps mort ou, p. ell. et plus fréquemment, corps. Cadavre. Corps inerte et raidi; corps glacé par le trépas; corps d'un défunt : 17. Entre le cadavre et le corps il y a une différence telle, que le cadavre n'est pas le corps. Le cadavre est un autre corps : il sera la matière, si vous voulez le nommer ainsi; mais il n'est pas le corps. L'être, comme dit Apollonius, a cessé de se manifester; de visible qu'il était, il est devenu latent ou invisible; et en devenant invisible, il a laissé dans le monde visible un cadavre.
P. Leroux, De l'Humanité,t. 2, 1840, p. 451. − (Chambre) où repose un corps; veiller le corps; (procéder à) la levée du corps; enlever le corps; suivre le corps à l'église; départ du corps pour le cimetière; accompagner, porter le corps au cimetière; mettre, porter un corps en terre; descendre le corps dans la tombe; couvrir le corps de terre; enterrer, ensevelir un corps; inhumer le corps. Corps en décomposition; crémation du corps; restes d'un corps; embaumer, incinérer un corps; faire don de son corps; léguer son corps (à la faculté de Médecine), faire l'autopsie d'un corps. Quand nous mourons, vieux ou bambin, On vend le corps au carabin (Béranger, Chans.,t. 3, 1829, p. 232).Je veux que mon corps soit déposé dans un mausolée (Bourges, Crépusc. dieux,1884, p. 341). − Spéc., RELIG. CATH. ♦ Résurrection* des corps. La résurrection des corps humains détruits par la mort n'est ni une œuvre impossible à Dieu, ni une œuvre indigne de lui (Gilson, Esprit philos. médiév.,1931, p. 198). ♦ Corps pneumatique ou spirituel, par opposition à corps psychique ou animal. ,,L'homme rené de l'Esprit de Dieu (I Co 15, 44) et promis à la résurrection avec le Christ et à la vie éternelle`` (Foi t. 1 1968), par opposition à ,,l'homme vivant, après le péché`` (Foi t.1 1968) : 18. ... les dons du Saint-Esprit dont nous nourrissons notre corps spirituel sont appuyés sur cette bonne volonté en nous dont tout le mérite consiste dans sa pureté inaltérable.
Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 183. Rem. ,,Le corps qui nous est promis est un corps spirituel, suivant ce texte de saint Paul (I Cor. XV, 44-49) : est semé le corps animal, ressuscitera le corps spirituel. S'il est un corps animal, il en est aussi spirituel ainsi qu'il est écrit (saint Paul fait sans doute ici allusion à ce verset de la Genèse (II, 7) où Dieu insuffle dans les narines d'Adam un spiracle de vie) : ...`` (Claudel, Un Poète regarde la croix, 1938, p. 183). ♦ Corps glorieux. Corps des Bienheureux transfiguré par la résurrection : 19. ... l'âme à son tour renaîtra à la vie totale dans un corps spirituel : car il faut que ce corps corruptible revête l'incorruptibilité, et que ce corps mortel revête l'immortalité. (...) Cette foi en la résurrection des corps glorieux (...) résout enfin les contradictions de l'émotion, en nous rétablissant dans une unité qui défie toutes les séparations.
J. Vuillemin, Essai sur la signif. de la mort,1949, p. 260. P. plaisant. C'est un corps glorieux. C'est une personne qui ne semble pas soumise à certaines nécessités physiologiques (cf. DG). Ce n'est pas un corps glorieux. − Corps(-)saint. Dépouille mortelle d'un saint. ,,On trouva dans cette église plusieurs corps-saints`` (Ac.).Loc. Enlever qqn comme un corps(-)saint. ,,L'enlever de vive force et sans qu'il ait le temps de résister`` (Littré). Rem. Littré précise : ,,Ainsi écrite, cette locution est inintelligible; (...) voyez-en l'explication à corsin qui est une bonne orthographe, celle-ci étant tout à fait vicieuse. [corsin : usurier, négociant en argent. (...) (les Lombards et hommes d'argent étaient, dans le moyen âge, exposés à de fréquentes violences)] (...) comme on ne comprenait plus la locution, on y a attaché un sens tout opposé et en rapport avec corps saint, c'est-à-dire enlever en pompe et avec honneur, (...)``. III.− P. anal. [P. réf. aux idées dominantes attachées à la notion de corps humain] A.− [P. réf. au corps humain en tant qu'il est matériel] 1. PHYS., CHIM. Ensemble inorganique de molécules. P. oppos. à corps vivant, organisé, animé (supra I). Corps inanimé, inorganique, inorganisé; étude, propriétés des corps. Tout corps brut ou inorganique n'a l'individualité que dans sa molécule intégrante (Lamarck, Philos. zool.,t. 1, 1809, p. 378): 20. ... le poids d'un corps est proportionnel à sa masse; d'autre part, (...) la masse d'un corps est quelque chose d'invariable, de fondamental et de persistant, à travers toutes les modifications que le corps est susceptible d'éprouver...
Cournot, Essai sur les fondements de nos connaissances,1851, p. 183. − Corps célestes. Astres, planètes autres que la terre. Mouvements, trajectoire des corps célestes. Corps planétaires. Corps célestes, appartenant au système solaire. Le grand foyer de l'attraction est le soleil, qui l'exerce sur tous les corps planétaires qu'il fait tourner autour de lui (Bern. de S.-P., Harm. nat.,1814, p. 271).[Mécan. céleste] Problème des trois corps (cf. Lar. encyclop.). − HIST. DE LA PHILOS. [Chez Épicure] Petits corps. Synon. atomes*. − [Du point de vue de la phys.] Substance, dimensions d'un corps; conductibilité, densité d'un corps; corps physiques; corps solides, fluides, liquides, gazeux; corps soluble, friable, résistant, combustible, réfractaire, radioactif. Corps électriquement neutre, isolant, semi-conducteur (cf. Neyron1970). − [Du point de vue de la chimie] Corps chimiques, acidité d'un corps; corps oléagineux, minéral, neutre, instable, toxique, putrescible. ♦ Corps (pur) simple. Corps constitué d'une seule sorte d'élément chimique, que l'on ne peut pas décomposer et qui est le terme ultime de l'analyse (cf. Duval 1959, p. 881 et Grand. 1962). Synon. Corps élémentaire, élément chimique. ♦ Corps pur composé. Corps constitué par la combinaison (et non le mélange) de deux ou plusieurs corps purs simples dans un rapport fixe et possédant donc des constantes physiques et chimiques (cf. Duval 1959, p. 881 et Grand. 1962). Corps composé. Corps composé pur mélangé à d'autres corps (cf. Grand. 1962). ♦ Corps pur. Corps pur, simple ou composé que caractérise l'identité de toutes ses molécules, (constituées ou non d'atomes différents), où l'analyse révèle toujours les mêmes éléments dans des proportions invariables et dont les propriétés physiques et chimiques sont constantes (cf. Charles 1960 et Grand. 1962). ♦ Corps gras (neutre). ,,Graisses ou huiles animales et végétales (...)`` (Grand. 1962). 2. P. ext. a) Objet matériel quel qu'il soit : 21. Cette coquille m'a servi, excitant tour à tour ce que je suis, ce que je sais, ce que j'ignore... (...) ce petit corps calcaire creux et spiral appelle autour de soi quantité de pensées, dont aucune ne s'achève...
Valéry, Variété V,1944, p. 37. b) Spécialement − DR. CIVIL. Corps certain. Chose caractérisée par sa matérialité et son individualité et qui n'est donc pas interchangeable (cf. Cap. 1936, Jur. 1971 et Barr. 1974). Anton. chose fongible*, chose de genre*.DR. PÉNAL. Corps du délit (corpus delicti). Objet qui constitue et prouve le délit. Confiscation du corps du délit. Si nous avons été condamnés en Amérique, nous ne le serions jamais en Europe, car devant des juges européens le corps du délit manqueroit (Balzac, Annette,1824, p. 65). − MAR. Corps flottant. Bouée, coffre... Corps(-) mort. Dispositif de mouillage solidement établi à un point fixe, comportant notamment une chaîne, maintenue en surface par un corps flottant, à laquelle peuvent s'amarrer des bâtiments. La dilatation des eaux irrésistibles détache de la boue, allège comme des bouchons les pontons et les corps-morts (Claudel, Connaiss. Est,1907, p. 98). Rem. ,,On appelle encore corps-morts, les ancres, canons, pieux, boucles, anneaux, qui sont employés comme points d'arrêt pour les câbles ou amarres que les bâtiments, dans un port, peuvent avoir besoin de fixer le long des quais`` (Bonn.-Paris 1859). − MÉD. Corps étranger. Corps inanimé, provenant de l'extérieur ou formé sur place (caillot de sang, calcul, fragment d'os, etc.), dont la présence anormale dans l'organisme peut être cause de complications, particulièrement à certains endroits (organe, conduit, etc.). Vous pouvez guérir. La balle deviendra un corps étranger bien toléré (Bourget, Sens mort,1915, p. 159). ♦ Corps flottant. Corps étranger mobile dans le corps vitré de l'œil (cf. Méd. Biol. t. 1 1970). Rem. Corps vitré, infra B 3 c. c) Région. (Canada). Corps(-)mort. Arbre abattu, mort par suite d'une tempête ou de son grand âge. Une terre à bois pillée, remplie de corps morts qu'on n'a pas su utiliser quand il en était temps (A. Thério, La Soif et le mirage,Montréal, Cercle du Livre de France, 1960, p. 222). 3. P. méton. a) [Pour signifier la nature d'une matière]
α) [Épaisseur, solidité, tenue... en parlant de choses plus ou moins minces, souples... par nature] ,,Une étoffe qui a du corps`` (Ac. 1932). ,,Ce parchemin, ce papier n'a pas de corps, n'a pas assez de corps`` (Ac. 1932). ,,Cette lame d'épée est bien mince, elle n'a point de corps`` (Ac. 1932). Il fume. Il regarde sa fumée. Elle se déploie hors de sa pipe comme une chose vivante; elle a du corps (Giono, Regain,1930, p. 234). − TYPOGR. Corps d'un caractère. Épaisseur, mesurée verticalement, de la tige de plomb qui supporte toute la lettre, hampe et jambage compris, exprimée en points typographiques. ,,Ce caractère est fondu sur le corps dix, sur le corps douze`` (Ac. 1835-1932). Force de corps d'un caractère. Rem. Cf. corps d'une lettre, infra A 3 b.
β) [Consistance, en parlant de substances plus ou moins liquides par nature] ,,Ce sirop n'est pas assez cuit, il n'a pas assez de corps `` (Ac. 1932). ,,Cet onguent, cet emplâtre a trop peu de corps`` (Ac. 1932). Pour donner corps à son potage, il trempait un épi dans la jarre d'huile de noix et se contentait de le laisser s'égoutter sur l'écuelle (Pourrat, Gaspard,1925, p. 25). − En partic. [P. réf. au corps humain matériel en tant qu'il est le siège de la force physique] ♦ [En parlant d'une boisson alcoolisée, surtout d'un vin] Force, vigueur. ,,Un vin qui a du corps, qui n'a point de corps, qui prend du corps`` (Ac. 1932). ♦ Fig. Plus le style a de corps, plus il est moral (Joubert, Pensées,t. 1, 1824, p. 319).Le chant naturel (...) est plein et soutenu sans le secours de l'harmonie; (...) nulle musique n'a autant de corps ni autant de force (Alain, Beaux-arts,1920, p. 114).
γ) Loc. verbales fig. − [Le suj. désigne une chose abstr.] Prendre corps. ♦ Devenir perceptible, sensible, comme matériel; se matérialiser. Cet être de délicatesse et d'ineffable douceur, c'est le songe même du poète ayant pris corps dans une vision à la fois réelle et symbolique (Bourget, Nouv. Essais psychol.,1885, p. 97).Dans cette pièce, où tous les six, muets, nous nous tenions, ce silence prenait corps dans une pâte humaine (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 275). ♦ Prendre forme, se préciser, devenir consistant, prendre de l'importance et de la réalité. Désir, crainte qui prend corps; soupçons qui prennent corps. Il faut que l'idée de révolution sociale prenne corps dans des revendications précises (Jaurès, Et. soc.,1901, p. 105).Alors commença de prendre corps dans les journaux parisiens la honteuse légende de la captivité agréable et dorée (Ambrière, Gdes vac.,1946, p. 129). − [Le compl. d'obj. désigne une chose abstraite] Donner (un/du) corps à qqc. ♦ Donner (un) corps à qqc. Lui donner forme, précision, consistance; lui donner de la réalité, le matérialiser; le réaliser, le concrétiser. Donner corps à l'espoir, à l'ambition, à une œuvre; donner un corps à une idée, à une théorie, à des rêves. L'écriture donne un corps à la parole en la mettant sous les sens (Bonald, Législ. primit.,t. 2, 1802, p. 9).La métaphore vient donner un corps concret à une impression difficile à exprimer (Bachelard, Poét. espace,1957, p. 79). ♦ Donner du corps à qqc. Lui donner plus de consistance, plus de réalité. Donner quelque corps à qqc.; donner quelque corps à une hypothèse. Si mon mari avait été gravement malade, cela aurait donné du corps à tous ces potins (Mauriac, Nœud vip.,1932, p. 146): 22. L'imagination donne du corps aux idées et leur crée des types et des symboles vivants qui sont comme la forme palpable et la preuve d'une théorie abstraite.
Vigny, Le Journal d'un poète,1824, p. 880. b) [P. réf. au corps, et en partic. au tronc (cf. supra II A 2) en tant qu'il est le contenant des organes corporels vitaux] Partie, élément qui, du fait de sa masse, de sa situation, de sa constitution, de sa fonction... constitue la partie, l'élément central et essentiel de quelque chose, par opposition à ce qui est relativement accessoire.
α) ANAT. ANIMALE ET HUM. Partie centrale, principale de certains os, muscles ou organes. ♦ Corps d'un os : corps de l'os hyoïde, d'une phalange, du sphénoïde, du sternum. Partie moyenne de l'os hyoïde, d'une phalange... (cf. Méd. Biol. t. 1 1970). Corps du fémur, corps de l'os maxillaire supérieur. Corps vertébral. ,,Partie antérieure, renflée et cylindrique, d'une vertèbre. (...)`` (cf. Méd. Biol. t. 1 1970). Corps des vertèbres, corps de l'atlas. Corps d'un muscle, corps du biceps brachial. Corps d'un organe : corps du clitoris, corps de la verge, corps du pancréas, corps de la vésicule biliaire.
β) BOT. Corps ligneux. Dans les branches, la tige ou la racine de certains végétaux, zone ligneuse, centrale entre la moelle et l'écorce. On n'a pas idée de la nappe qui circule dans un corps ligneux adulte pour répondre à son besoin d'eau (Pesquidoux, Livre raison,1928, p. 17).
γ) ARCHIT. Corps de logis ou corps de bâtiment. Partie centrale, ou la plus massive d'un bâtiment (isolé ou compris dans un ensemble), souvent par opposition aux ailes* où à des annexes diverses. Le pavillon (...) était situé au fond du jardin et dans un isolement complet (...) l'écurie se trouvait dans un des corps du logis de l'hôtel (Ponson du Terr., Rocambole,t. 1, 1859, p. 314).L'hôtel se dressait, ayant aux angles deux pavillons, deux sortes de tours engagées à demi dans le corps du bâtiment (Zola, Curée,1872, p. 331). − FORTIF. Corps d'une place ou d'une forteresse. ,,La place ou la forteresse considérée, abstraction faite de ses dehors`` (Ac. 1835, 1878). ,,Les assiégeants avaient pris les dehors, et étaient attachés au corps de la place`` (Ac.1835, 1878).
δ) MAR. Corps d'un bateau, d'un navire... Coque du bateau, du navire... sans les ponts, les mâts, les voiles... Corps de voile. Chacune des voiles principales d'un navire.
ε) Dans le domaine des écrits.Corps d'un livre, d'un ouvrage... Développement de la pensée de l'auteur, texte même, par opposition aux pages préliminaires, aux commentaires marginaux, aux appendices, tables et index divers. Corps d'un chapitre; corps d'un journal, d'un article. Pour le numéro d'août, dans le corps de la revue, un article sur le Saint-Jean-de-la-Croix de Jean Baruzi (Du Bos, Journal,1924, p. 48). ♦ Dans le domaine épistolaire.Corps d'une lettre, d'une missive... Texte même, par opposition aux indications secondaires (date, formule de politesse, signature...). Rem. Cf. corps d'une lettre infra A 3 b ζ.
ζ) TECHNOL. et divers. [Dans une machine, un appareil, une pièce...] Partie essentielle, centrale ou la plus massive. Corps de bibliothèque, de meuble, de chauffe, de roue (cf. Lar. encyclop.), corps de charrue (cf. Quillet 1965), corps de palier (cf. Poignon 1967), corps de poulie (cf. Bonn.-Paris 1895), corps de pompes (centrifuge) (cf. Colas-Cab. 1968 et Minéral. 1972). Corps de poêle. ,,Partie comprise entre le socle et la corniche`` (DG). Des lignes (...) qu'interrompaient avec symétrie de grands corps de cheminées (Gautier, Fracasse,1863, p. 88). ♦ Corps de violon, de guitare. Partie creuse du violon, de la guitare, le manche n'étant pas compris. Corps de harpe. ,,Dans la harpe, le corps est concave et comprend le dos et la table d'harmonie de l'instrument`` (Rougnon 1935). ♦ Corps d'une lettre (de l'alphabet). Principal trait parmi ceux qui dessinent une lettre. B.− [P. réf. au corps hum. en tant qu'il constitue un assemblage qui est un modèle d'unité organique autonome; selon les emplois, l'accent est mis sur l'une ou plusieurs de ces idées dominantes] 1. [Le corps comme symbole d'union] a) Loc. verbales fig. − [Seulement en parlant de pers.] Ne former qu'un corps; ne faire qu'un corps (et qu'une âme) : 23. Et il n'y a point de chefs, ni de soldats, mais chacun Garde sa partie comme un musicien, et ils ne forment qu'un corps.
Claudel, Tête d'or,2eversion, 1901, p. 268. − [En parlant de deux ou plusieurs pers. ou choses] Faire corps avec. Être solidaire de, être uni à, ne faire qu'un avec; adhérer à, ne former qu'un tout, qu'une masse avec. Je faisais corps tout entier avec une sorte de volonté droite, dont je sentais le poids, entre mes deux seins (Bosco, Mas Théot.,1945, p. 75).Les conséquences (...) dépendent de la décision et font corps avec elle (Jankél., Je-ne-sais-quoi,1957, p. 213). ♦ Faire corps. ,,Ces deux branches font tellement corps ensemble, qu'il est presque impossible de les séparer`` (Ac.1835, 1878).Que deviendrons-nous (...) si nous ne faisons pas corps, solidement? Unis, nous sommes invincibles (Vogüe, Morts,1899, p. 180). b) Spéc., RELIG. Corps du Christ, corps de l'Église, corps mystique (du Christ). ,,Corps du Christ, unité organique des chrétiens rattachés, dans leur corps même (...) par les rites du baptême (...) et de l'Eucharistie (...) au corps du Christ ressuscité et vivifié, par l'Esprit`` (Foi t. 11968) : 24. − Par notre union au Christ, son chef, dans l'unité visible de l'Église, le corps des fidèles est restitué à Dieu.
− Il faut communiquer au Christ. Pour tenir à la tête, il faut être corps. Nous sommes corps de l'Église par notre soumission à la forme, c'est-à-dire aux pasteurs légitimes, et par notre participation à la vie, c'est-à-dire aux sacrements qui en sont les canaux.
Claudel, Correspondance[avec Gide], 1899-1926, p. 65. 2. [Le corps comme symbole d'unité d'organisation des pers.] Groupe de personnes constitué en ensemble plus ou moins organisé du fait de liens divers, d'intérêts communs et solidaires. Tout corps existant a droit à sa conservation (Destutt de Tr., Comment. Espr. des lois,1807, p. 15). SYNT. Formation, organisation, ensemble, intérêts, d'un corps; élément(s), membre(s) d'un (même) corps; visite, repas de corps. ,,Corps respectable, influent, vénéré`` (Ac. 1835, 1878). Entrer dans un corps, appartenir à un corps. ,,Il a été agrégé au corps, reçu dans le corps`` (ibid.). Faire, former un corps à part; faire corps à part (cf. Ac.). − Loc. adv. En corps. Tous les membres de la collectivité, du corps, étant unis et solidaires : 25. ... ils se déclarent en corps contre l'État, ils s'insurgent en corps contre l'État, mais cette déclaration même, mais cette insurrection même, ils ne la font que comme corps de l'État, et au titre d'un corps de l'État.
Péguy, L'Argent,1913, p. 1209. Rem. Cf. infra les loc. esprit de corps et en corps constitué. − En partic. a) [Au plan soc., prof.] Corps social; corps de la noblesse; corps enseignant, corps professoral; corps médical; corps savant; corps ecclésiastique, corps épiscopal; corps des avocats; corps des guides. Ces quatre-vingts petites ingénues qui composent le corps de ballet (About, Nez notaire,1862, p. 17).Les chevaliers, c'est-à-dire le corps aristocratique, ne prirent pas part à cette insurrection (Fustel de Coul., Cité antique,1864, p. 487). ♦ Corps de métier. Ensemble organisé de personnes exerçant la même profession (cf. corporation). HIST. [Sous l'Ancien Régime] Corps (de) marchands. Ensemble organisé et régi par des statuts particuliers, des personnes exerçant le même commerce. ,,Il y avait autrefois, en France, six corps des marchands. Les merciers étaient un corps séparé des drapiers`` (Ac.1835, 1878).Esprit de corps. Esprit de solidarité existant entre les membres d'un même corps de métier. P. ext., esprit de solidarité, communauté de pensée... qui existe entre les différents membres de tout groupe. Esprit de corps exclusif et hostile; avoir, entretenir un esprit de corps; manquer d'esprit de corps; esprit de corps qui aveugle : 26. − La superbe? reprit le père Felletin. Ne la confondez-vous pas avec l'esprit de corps qui est une fierté mal placée, injuste quelquefois, mais qui est issue de la solidarité de gens vivant ensemble, enfermés, et dont le champ de vision est fatalement restreint.
Huysmans, L'Oblat,t. 1, 1903, p. 215. b) [Au plan pol., institutionnel] Corps d'un État, d'un royaume; corps judiciaire, de la magistrature; corps administratif, corps d'origine (cf. Admin. 1972); Corps diplomatique (cf. Jur. 1971); corps consulaire; corps municipal; corps conservateur. − En dehors des corps académiques reconnus par l'État, lui dit le secrétaire, il existe nombre de petites sociétés savantes (Champfl., Bourgeois Molinch.,1855, p. 260). ♦ Corps constitué(s) DR. ,,Organe collectif ayant une existence permanente (...) et une constitution unitaire (...), et investi d'une part de l'autorité ou d'une participation à l'administration publique`` (Cap. 1936). Rem. Cap. 1936 précise : ,,L'expression est employée d'ailleurs dans des acceptions d'étendue inégale. Au sens de la loi sur la presse (L. 29 juill. 1881, art. 30), les « corps constitués », que la loi distingue à la fois et des « cours et tribunaux » et des « administrations publiques », comprennent les assemblées législatives``. Usuel.
α) [P. oppos. aux assemblées législatives] Organes de l'Administration et tribunaux prévus par la Constitution.
β) ,,(...) surtout à l'occasion des cérémonies officielles, (...) réunion des représentants des activités participant au fonctionnement de l'État`` (Admin. 1972). Recevoir l'hommage des corps constitués. Rem. Lar. Lang. fr. enregistre la loc. fig. ,,venir en corps constitué venir en groupe résolu et organisé pour prendre une décision grave``. ♦ Grands corps de l'État. Corps de hauts fonctionnaires ne faisant pas partie des administrations centrales, particulièrement Conseil d'État, Cour des comptes et Inspection générale des Finances. ♦ Corps politique.
α) Ensemble des citoyens considérés en tant qu'ils exercent des droits politiques.
β) Groupe organisé intervenant de façon active et suivie dans la vie politique d'un état. Mais est-il nécessaire que le clergé soit un corps politique dans l'État (Staël, Consid. Révol. fr.,t. 2, 1817, p. 222). ♦ Corps électoral. Ensemble des citoyens jouissant du droit de vote. La méthode, contraire aux traditions démocratiques, qui consisterait à appeler le corps électoral à se prononcer par voie de référendum sur un projet de constitution (De Gaulle, Mém. guerre,1959, p. 257). ♦ HIST.
α) [Dans différentes Constitutions] Corps législatif. Assemblée délibérante chargée de voter les lois.
β) [Sous l'Ancien Régime] Corps intermédiaires. Groupes se situant entre le pouvoir politique central et le corps électoral et représentant des intérêts intermédiaires (cf. Admin. 1972). La monarchie (...) est entourée de corps intermédiaires qui la soutiennent à la fois et la limitent (Constant, Espr. conquête,1813, p. 186). c) [Dans l'organisation milit.] Unité militaire plus ou moins importante, jouissant d'une certaine autonomie. SYNT. Corps de régiment, de garnison; rejoindre son corps; corps d'armée; général de corps d'armée; corps de troupe(s); corps de bataille; corps aérien; corps de réserve, (par oppos.) corps actif. ♦ En partic. Ensemble des militaires de certaines armes spéciales, de certains services. Corps d'artillerie, d'infanterie, de cavalerie; corps alpin, colonial, blindé; corps léger d'intervention; corps sanitaire, corps de santé. On ne double pas, pour de simples manœuvres, les troupes du corps d'observation sur la frontière (Adam, Enf. Aust.,1902, p. 504).Corps expéditionnaire. Corps spécialement formé pour accomplir une expédition lointaine. Corps(-)franc.
α) Petit groupe militaire formé sur la base du volontariat spécialement constitué et entraîné pour s'acquitter d'opérations isolées et délicates.
β) Groupe plus ou moins important de volontaires levé en temps de guerre, hors du cadre de l'armée, dans des circonstances exceptionnelles. Corps francs du maquis (Vailland, Drôle de jeu,1945, p. 180).Ils [les Français] ont été ahuris de voir (...) les antimilitaristes prendre la tête de corps-francs pour poursuivre la lutte malgré l'armistice (Vailland, Drôle de jeu,1945p. 50). Corps de garde. Groupe de soldats chargé d'assurer la garde d'un poste, d'un bâtiment de l'armée. Corps de garde avancé; établir un corps de garde. Synon. mod. poste* de garde.P. méton. Local où se tient le corps de garde. Salle, atmosphère, veillées du corps de garde; emmener qqn au corps de garde, passer la nuit au corps de garde. [P. réf. à la façon dont peuvent se comporter des soldats entre eux pendant les heures de garde] Langage, expressions, plaisanteries, histoire, couplets... de corps de garde. Langage, expressions... que caractérise la vulgarité. Récits exacts de toutes les querelles de cabaret, de toutes les grossièretés de corps de garde, de toutes les rixes d'ivrognes (Stendhal, L. Leuwen,t. 2, 1836, p. 338).Spéc. Ensemble des militaires constituant les cadres d'une armée, d'une arme, d'un service. Corps des officiers, corps de l'Intendance; corps d'état-major. Ensemble des officiers sans commandement de troupes attachés à un officier supérieur, à un général dont ils constituent l'état-major. 3. [Le corps comme symbole ou principe d'unité d'organisation des choses] Ensemble d'éléments dont la réunion forme un tout organisé. a) Ensemble formé par la réunion de textes relatifs à un même domaine. Synon. souvent vieilli de corpus*.,,Corps des poètes grecs, des poètes latins. Le corps des historiens de France, des historiens d'Allemagne. C'est un grand corps, un beau corps d'histoire`` (Ac. 1835, 1878). Corps de droit civil, de droit canon; corps de lois; corps de règles juridiques, de règles morales; corps de connaissances. ,,Il faut rassembler toutes ces pièces et en faire un corps`` (Ac.). − Loc. adv. En corps. Je ne prétends pas (...) rassembler en corps ce qui est partout disséminé dans les livres ou dans la mémoire des érudits lorrains (Barrès, Cahiers,t. 8, 1909-11). b) Ensemble organisé d'entités matérielles ou intellectuelles. ♦ Corps de doctrine. Ensemble de principes formant une doctrine. Corps de doctrines religieuses, corps de doctrine scientifique; corps de doctrine conforme aux traditions; créer un corps de doctrine; rassembler, réunir en corps de doctrine. − Spécialement ♦ DR. Corps de preuves. Faisceau concordant de preuves partielles de différentes sortes dont l'ensemble constitue la preuve complète qui établit un fait. ♦ FORTIF. Corps de place. Ensemble des ouvrages constituant l'enceinte continue de la place (cf. Lar. 19e20e; voir par ailleurs supra III A 3 b γ
corps d'une place ou d'une forteresse). ♦ MAR. Corps de voilure. Ensemble des voiles du navire (cf. DG; voir par ailleurs supra III A 3 b δ
corps de voile). ♦ MATH. MOD. Ensemble muni de deux lois internes de composition (addition, multiplication) (cf. Chamb. 1970 et 1972; Math. mod. 1972).Corps abélien* (cf. Sumpf-Hug.1973). c) [L'ensemble unifié jouit d'une certaine indépendance] − ANAT. Élément anatomique ou organe présentant, du fait de sa constitution cellulaire, de sa fonction... une relative indépendance. Corps vitré. ,,Masse de consistance visqueuse (...) qui occupe l'espace compris entre la surface postérieure du cristallin et la rétine`` (Méd. Biol. t. 1 1970). Corps striés. Ensemble constitué par la réunion de trois amas de substance grise contrastant avec la blancheur des parties environnantes (cf. Méd. Biol. t. 1 1970). Corps calleux. Commissure interhémisphérique se présentant comme une lame de substance blanche (Méd. Biol. t. 1 1970). Corps thyroïde. Synon. (glande) thyroïde* (cf. Méd. Biol. t. 1 1970).Le corps thyroïde règle notre embonpoint (Proust, Sodome,1922, p. 603).Corps jaune. ,,Corps qui se forme dans l'ovaire, chez les Mammifères, à la place du follicule de Graaf après sa rupture et la libération de l'ovule. (...). Le corps jaune agit, comme une glande à sécrétion interne, produisant de la progestérone (...)`` (Méd. biol. t. 1 1970). Corps jaune gravidique, gestatif ou vrai; corps jaune menstruel ou périodique : corps jaune persistant. − ARCHIT. Corps de logis. Bâtiment, servant de logement, indépendant de la construction principale. ,,Il occupe un petit corps de logis sur le devant`` (Ac.). Rem. V. par ailleurs supra A 3 b γ
archit. corps de bâtiment ou corps de logis. Prononc. et Orth. : [kɔ:ʀ]. La finale -ps n'est pas prononcée dans temps, printemps, corps, romps, corromps (cf. Kamm. 1964, p. 170 et Mart. Comment prononce 1913, p. 284 et 309). Noter que l'on fait gén. la liaison dans les expr. corps et âme [kɔ
ʀzeɑ:m] (cf. Fouché Prononc. 1959, p. 441) et corps et biens [kɔ
ʀzebjε
̃]. Cependant Mart. Comment prononce 1913 prononce [kɔ:ʀeɑ:m] et Barbeau-Rodhe 1930 transcrit [z] entre parenthèses. Buben 1935, § 232, relève encore : ,,On dit le corps | humain (sans liaison), les corps˘humains (avec liaison), mais des corps | épais, lutter corps | à corps (sans liaison).`` Enq. : /koʀ/. Ds Ac. depuis 1694. Homon. cor. L'expr. corps(-)mort (cf. supra III A 2 c) s'écrit avec ou sans trait d'union. Étymol. et Hist. A. « Partie matérielle des êtres animés » 1. a) ca 881 corps « l'organisme humain (p. oppos. à l'âme, à l'esprit) » (Eulalie, 2 ds Henry Chrestomathie, p. 3); 1remoitié du xiies. cors a cors « de très près (dans un combat, une lutte) » (Couronnement Louis, éd. E. Langlois, 2360); 1888 corps à corps subst. masc. (Courteline, Train 8 h 47, p. 68); ca 1260 faire folie de son corps (en parlant d'une femme) « mener une vie déréglée » (Ph. de Novare, Quatre âges, 50 ds T.-L.); 1863 femme folle de son corps (Littré); ca 1243 cors « l'organisme humain (p. oppos. aux biens matériels) » (Ph. Mousket, Chron., éd. Reiffenberg, 30264); b) ca 1050 cors « cadavre » (Alexis, éd. Ch. Storey, 583); c) ca 1160 le cors Nostre Seinur « l'Eucharistie » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, t. 1, p. 188, 753); 1524 corps glorieux (Gringore, Le Blazon des hérétiques ds
Œuvres complètes, éd. Ch. d'Héricault et A. de Montaiglon, t. 1, p. 333); 2. a) ca 1050 corps « personne, individu » (Alexis, éd. Ch. Storey, 399) − ca 1465, Maistre Pierre Pathelin, éd. R. T. Holbrook, 186; b) fin xiies. sor lor cors deffendant « en se défendant » (Conquête de Jérusalem, éd. C. Hippeau, 141); ca 1220 seur son cors deffendant « malgré elle » (Lai ombre, éd. J. Bédier, 677); 1585 en son, leur corps defendant (N. Du Fail, Contes d'Eutrapel ds
Œuvres facétieuses, éd. J. Assézat, t. 2, p. 200); 1613 à mon, son corps deffendant (Régnier, Satire XV ds
Œuvres complètes, éd. G. Raibaud, p. 198, 8); c) 1283 prise de (leur) cors (Ph. de Beaumanoir, Coutumes de Beauvaisis, éd. A. Salmon, t. 2, p. 269, 1522); d) 1580 à corps perdu (R. Garnier, Antigone, 1151 ds Tragédies, éd. W. Foerster, t. 3, p. 41); e) 1549 garde du corps « ensemble de personnes chargées de la garde d'un souverain » (Est.) − 1671, Pomey ds FEW t. 17, p. 516 b; 1567 gardecors « personne chargée de la protection d'un souverain » (Baïf, Le Brave ds Euvres en rime, éd. Ch. Marty-Laveaux, t. 3, p. 213), forme isolée; 1680 garde du corps (Rich., s.v. garde); f) 1672 drôle de corps (Montfleury, La Fille capitaine, V, 3 ds Livet Molière, t. 2, s.v. drôle); 3. début xiies. cors « tronc du corps » (Roland, éd. J. Bédier, 1586); 4. ca 1170 cors « partie d'un vêtement qui couvre le buste » (Wace, Rou, éd. A. J. Holden, t. 2, 8120); 1575 corps de robbe (Inventaire Château Montrond ds IGLF); 1666 corps de jupe (A. Furetière, Le Roman bourgeois, éd. E. Colombey, p. 109). B. « Partie principale » 1. xiiies. [ms.] cors de la cité « partie principale de la ville » (G. de Villehardouin, Conquête de Constantinople, éd. E. Faral, 387 var.); 2. xiiies. cors de la maison [lat. :
œdem] (Macchabées, éd. P. Meyer ds T.-L.); 1590 cors de logis (Comptes manoir Rouen, 500 ds IGLF); 3. 1528 typogr. corps d'une lettre (Inventaire de Louis Royer ds Mém. de la Soc. de l'hist. de Paris et de l'Île-de-France, t. 21, 1894, p. 108, 207); 1671 corps d'un discours, d'un livre, etc. « le discours, le livre lui-même, à l'exclusion de la préface, des notes, etc. » (Pomey); 1694 calligraphie corps d'une lettre « trait principal d'une lettre » (Ac.); 4. 1754 corps de délit (Encyclop. t. 4, p. 267 a); 1824 corps du délit (Balzac, Annette, t. 4, p. 65). C. « Objet matériel » 1. ca 1270 cors celestre (J. de Meung, Rose, éd. E. Langlois, 17094); 2. 1552 petitz corps « atomes » (Ronsard, Amours, éd. P. Laumonier, t. 4, p. 40); 3. 1561 anat. corps estrange (A. Paré,
Œuvres, éd. J.-F. Malgaigne, t. 2, p. 76 a); 1680 corps étranger (Rich., s.v. étranger); 4. 1580 corps « tout objet matériel » (B. Palissy, Discours admirables, p. 430 ds IGLF); 5. 1585 chim. corps simple (N. Du Fail, Contes et discours d'Eutrapel, éd. J. Assézat, t. 1, p. 274). D. « Groupe (de personnes, de choses) » 1. fin xiiies. corps de lois (Couronnement Renart, éd. Méon, 2528 ds T.-L.), attest. isolée; 1671 (Pomey); 2. a) 1304 cors de ville (Roisin, éd. Brun-Lavainne, p. 345); b) 1434 corps « ensemble organisé de personnes (en gén.) » (Journal de Clément de Fauquembergue, éd. A. Tuetey, t. 3, p. 142); 1585 corps politic (N. Du Fail, op. cit., t. 2, p. 15); 1606 en corps (Nicot); 1789 corps constitué (Sieyès, Qu'est-ce que le Tiers état? p. 70); 1790 corps électoral (Mirabeau, Disc. ds Brunot t. 9, 2, p. 754, note 5); 1817 corps diplomatique (Staël, Consid. Révolution fr., t. 2, p. 273); 3. 1469 corps « groupe de soldats » (Lettre de Louis XI ds Bartzsch); av. 1662 corps d'armée (Pascal, Proph. 26 ds Littré); 1579 corps de garde [sens indéterminé] (H. Estienne, La Précellence du langage françois, éd. E. Huguet, p. 355); 1580 « local dans lequel se tiennent les soldats de garde » (R. Garnier, Antigone, 805 ds Tragédies, éd. W. Foerster, t. 3, p. 30); 1583 « groupe de soldats chargés de garder un poste, etc. » (Id., Les Juives, loc. cit., p. 124); [1689 Les quolibets que je hasarde Sentent un peu le corps de garde (La Fontaine, Lettre au duc de Vendôme ds
Œuvres, éd. H. Régnier, t. 9, p. 446)]; 1694 plaisanteries, etc. de corps de garde (Ac.); 4. 1607 corps des artisans, etc. (Hulsius); 1771 esprit de corps (Turgot,
Œuvres, éd. G. Schelle, t. 3, p. 521); 5. 1835 corps de ballet (Ac.). E. « Consistance » 1. 1580 d'une teinture (B. Palissy, Discours admirables, éd. A. France, p. 460 ds IGLF : les teintures sont toutes diaphanes, n'ayant aucun corps); 1680 d'un vin (Rich.); 2. av. 1715 fig. donner du corps (à une idée, etc.) (Fénelon ds Guérin). Du lat. class. corpus, attesté aux sens de base A 1, 2, 3, B 1; sens C en lat. class., repris en fr. surtout au xvies.; le sens D est également latin; corpus juris en b. lat. comme titre du Code Justinien. En a. fr., l'emploi de corps pour désigner un individu n'est possible que lorsque le mot est déterminé; ce sens ne s'est maintenu en fr. mod. que dans des expr. figées, cf. A 2, b-f. Fréq. abs. littér. : 33 119. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 50 077, b) 35 826; xxes. : a) 40 754, b) 54 417. Bbg. Cohen 1946, p. 14. − Gohin 1903, p. 354, 357, 361, 363. − Gottsch. Redens. 1930, passim. − Hubschmid (J.). Zur Etymologie von span. lúa, port. luva. Vox rom. 1960, t. 19, p. 203. − La Landelle (G. de). Le Lang. des marins. Paris, 1859, p. 403. − Rog. 1965, p. 18, 102. |