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CORNET, subst. masc.
I.− Instrument grâce auquel on produit des sons.
A.− Vx. Corne, petite trompe, utilisée par les bergers, les soldats, etc. Le cornet du chasseur, le cri des chiens courants (Jammes, De tout temps,1935, p. 16).
SYNT. Cornet de chevrier; cornet de poste ou de postillon (vx); cornet avertisseur (synon. corne, klaxon, trompe); donner l'alarme avec un cornet.
B.− MUS. ANC.
1. Instrument à vent de taille et de forme variables, en corne et percé de sept trous :
1. Madrigaux ou Chansons de Cour, ces aristocratiques compositions à plusieurs voix ne tardent pas à être transcrites pour quelques violes, cornets ou trombones, ... V. d'Indy, Cours de composition musicale,t. 2, 1, 1897-1900, p. 103.
MUS. MIL. ANC. Cornet, cornet de voltigeurs. Instrument à vent dont la partie centrale est enroulée une fois sur elle-même, utilisé au xixes. dans certains corps d'armée à la place du clairon. Un aigre cornet hongrois excitait les fantassins à la charge (Giono, Bonheur fou,1957, p. 163).P. méton. Soldat qui joue de cet instrument.
2. Cornet, cornet à bouquin
a) Grande flûte courbée utilisée autrefois dans l'orchestre pour soutenir les chœurs.
b) Instrument de terre cuite produisant des sons rauques, utilisé dans les fêtes du carnaval, les charivaris. Un dimanche gras, (...) pendant que les cornets à bouquins sonnaient dans les rues (Zola, Romanc. nat.,1881, p. 141).
C.− MUS. MOD. Cornet ou cornet à pistons. Instrument à vent (introduit en France en 1826) du même type que le cor ou la trompette, dont la partie centrale est enroulée plusieurs fois sur elle-même et qui est muni de pistons permettant la production de toutes les notes chromatiques. Jouer du cornet dans un orchestre de jazz Nouvelle-Orléans. [L'orchestre] soufflait vaillamment dans les cornets à piston une ritournelle toujours la même (Gautier, Tra los montes,1843, p. 29).Le cornet à pistons, dont l'origine est l'ancien cornet de poste, n'était en réalité qu'un cor aigu que l'on a peu à peu transformé et substitué à la trompette (Guiraud, Busser, Traité instrumentation,1933, p. 80).
P. méton. Instrumentiste qui joue du cornet à piston. Synon. cornettiste.
D.− Jeu de mutation composée de l'orgue. Grand cornet; cornet d'écho, de récit.
E.− Meuble du blason représentant une corne, une trompe, un cornet. Cornet attaché, pendu, virolé.
II.− P. ext.
A.− Vx. Instrument servant à amplifier les sons, soit du côté de l'émetteur soit du côté du récepteur. Cornet porte-voix.
1. Cornet acoustique ou cornet. Instrument évasé à l'une de ses extrémités et resserré à l'autre, plus ou moins courbé ou enroulé sur lui-même, qui permettait aux personnes atteintes d'une surdité partielle d'entendre mieux. Prenant le cornet que lui présenta le maréchal et lui parlant dans l'oreille (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 314).Elle était sourde comme un pot au point de ne rien entendre avec un cornet long d'une demi-aune et qui ne quittait jamais son oreille (Mmede Chateaubr., Mém. et lettres,1847, p. 26).
2. Instrument qui permettait de s'entendre d'une pièce à l'autre. On siffla d'en haut et le caissier, appliquant son oreille au cornet, entendit la voix d'Hermeline (A. Daudet, Le Nabab,1877, p. 191).
B.− Partie évasée, destinée à amplifier les sons des phonographes, téléphones, radios (cf. actuellement haut-parleur, récepteur). Le cornet d'un phonographe, son pavillon, dans les premiers modèles. Une citation (...) inarticulée qui semble sortir du cornet d'un phonographe (A. Daudet, Évangéliste,1883, p. 162).
C.− Fam. Le cornet de l'oreille. Le « creux », le « tuyau », de l'oreille. Moi, lui souffla Zazie dans le cornet de l'oreille, je me tire au prochain feu rouge (Queneau, Zazie,1959, p. 129).
D.− Loc. En cornet. En forme de cornet pour amplifier, diriger les sons. Un gros garçon (...) souffla dans ses deux mains ajustées en cornet : « Ewans, on te demande au parloir » (A. France, Servien,1882, p. 34).Main gauche arrondie en cornet autour de l'oreille (A. Daudet, 30 ans Paris,1888, p. 96):
2. Il fallait se les imaginer tous deux, heureux d'être ensemble, le petit la bouche bée, naturellement, écarquillant les yeux et mettant les oreilles en cornet, pour ne rien perdre de la manne divine. Sartre, L'Âge de raison,1945, p. 153.
III.− [P. anal. de forme (cf. corne I C 1)]
A.− Objet de forme conique, servant à contenir quelque chose.
1. JEUX. Sorte de godet (en corne ou en cuir, à l'origine) de forme cylindrique ou tronconique, dans lequel un joueur remue des dés avant de les lancer. Le roulement des dés dans le cornet. Les bourgeois jetèrent dans la rue leurs tables à jeu, leurs billards et leurs billes, leurs dés et leurs cornets (A. France, J. d'Arc,1908, t. 1, p. 482).Le Cornet à dés (1923), œuvre de Max Jacob.
2.
a) MOBILIER. Vase d'ornement, généralement translucide. Des cornets de vieux Venise. La veilleuse, dans un cornet bleuâtre, brûlait sur la cheminée (Zola, Page amour,1878, p. 801).Sur les plaques de porcelaine peinte du guéridon, un cornet de cristal (...) portait des branches de lilas blanc (A. France, Lys rouge,1894, p. 61).
Rem. Plus cour. au xixes. que de nos jours.
b) Vx. Verre, pot, destiné à contenir une boisson et spécialement du vin. J'ai la vision très nette d'un régiment de bouteilles casquées sur la nappe et devant moi d'un cornet plein (Courteline, Ronds-de-cuir,Un Homme qui boit, 1891, p. 222).
Cornet de champagne. Flûte de champagne.
c) P. anal., pop. Estomac, ventre; gosier. Se mettre qqc. dans le cornet. Manger. S'en fourrer plein le cornet. Se rincer le cornet. Boire. N'avoir rien dans le cornet. Être à jeûn (cf. Delvau, Dict. lang. verte, 1866). Il a la dalle en pente (...) il s'envoie les verres dans le cornet à la même vitesse que moi (Giono, Gds chem.,1951, p. 48).
3. Vx. Partie supérieure d'une écritoire, dans laquelle ,,les élèves mettaient leurs plumes`` (Coulabin, Dict. loc. pop. Rennes, 1891); ,,partie de l'écritoire dans laquelle on met l'encre`` (Besch. 1845).
4.
a) Feuille de papier, de matière souple pliée en forme d'une corne, de tronc de cône et destinée à servir de contenant. Cornet de dragées, de frites. Mettre du tabac dans un cornet. Cornet de papier blanc à dragées (Balzac, Cous. Bette,1846, p. 72).Des pots de fleurs dans leurs cornets de papier blanc (A. Daudet, Fromont jeune,1874, p. 247).
P. anal. Maires à la trogne fleurie, étranglés par de gigantesques cornets de toile blanche tels qu'on en voit sur d'anciennes lithographies coloriées (Bernanos, Gde peur,1931, p. 57).
Loc. fam., vx. Cornet d'épices. Capucin (d'apr. les dict. d'arg. du xixes.).
P. ext. Petite boîte de carton dans laquelle on vend des frites, des châtaignes, etc.
Rem. Lorsqu'il s'agit de crèmes glacées, on parle de cornet à propos de contenant comestible (gaufrette) et de pot à propos de contenant de carton ou de matière plastique.
b) P. méton. Contenu d'un cornet. Un cornet de bonbons; un cornet de poivre. Le papier du cornet de tabac de l'un d'eux [des vitriers] (E. de Goncourt, Élisa,1877, p. 190).
Loc. fam., vieilli (milieu d'artistes). Faire un cornet. Organiser une souscription en faveur d'un camarade malade ou pauvre (d'apr. Delvau, Dict. lang. verte, 1867, p. 183). Cornet du modèle. Gratification que les élèves d'un atelier donnent au modèle en fin de semaine (d'apr. Hugues, Expr. d'atelier) :
3. Ces modèles héroïques (...) vieux débris (...) auxquels l'atelier ne manquait jamais de faire la charité d'habitude avec les vieux modèles, ce qu'on appelle un « cornet », une feuille de papier tournée (...) qui circule, et où chacun met le fond de sa poche. E. et J. de Goncourt, Manette Salomon,1867, p. 31.
c) Spéc. Cornet ou cornet (à) surprises. Grande poche de papier fort, vendue fermée, remplie de petits jouets et de friandises et que les enfants achètent dans les épiceries et boulangeries. Cornets pour les filles et cornets pour les garçons.
Rem. Zola atteste l'orig. de cet emploi : Les cornets sont de minces cornets de papier où les épiciers mettent les débris de leur étalage et les dragées cassées, les marrons glacés tombés en morceaux, les fonds suspects des bocaux de bonbons (Le Ventre de Paris, 1873, p. 89).
P. métaph. :
4. Depuis le Cubisme, je regarde un cornet à surprises verser sur l'Europe : hypnoses, envoûtements exquis, dentelles en marche, insolences, épouvantails, aérogynes... Cocteau, Poésie critique 1,1959, p. 115.
5. Préparation comestible en forme de cornet.
a) Cornet à la crème feuilleté. Gâteau à la crème, formé d'un cornet de pâte feuilletée contenant de la crème pâtissière.
b) Cornet de jambon. Entrée constituée par une tranche de jambon roulée autour de légumes en macédoine.
B.− Emplois spéc.
1. [Objets ou éléments naturels]
a) ANAT. Lamelle osseuse, enroulée sur elle-même, qui se trouve dans la cavité des fosses nasales. Cornets ethmoïdaux. Cornet supérieur, moyen. Le cornet inférieur est un os indépendant, mince, légèrement enroulé sur lui-même, qui est appliqué sur la paroi externe de la fosse nasale (Gérard, Manuel anat. hum.,1912, p. 67).Cornet sphéroïdal. ,,Chacun des osselets qui forment la partie inférieure des sinus sphéroïdaux (synon. cornet de Bertin)`` (Méd. Biol. t. 1 1970).
Cornet dentaire. ,,Cavité dentaire externe des incisives des Équidés`` (Lar. 20e).
b) BOTANIQUE
Prolongement évasé des enveloppes florales de certaines plantes. Des datura trapus élargissaient leurs cornets violâtres (Zola, Faute Abbé Mouret,1875, p. 1351).
Partie de fleur enroulée sur elle-même. L'arum qui grince en déroulant son cornet (Colette, Gigi,1944, p. 193).Feuille qui affecte cette forme. Scarole en cornet, aux feuilles presque frisées.
c) BOUCH. Trachée (d'un animal); forte veine. Couper le cornet d'une langue de mouton.
Rem. Arg. du xixes. Faire le coup du cornet. Égorger quelqu'un.
d) CONCHYLIOLOGIE. Lame courbe, formant des cloisons incomplètes à l'intérieur de certaines coquilles.
Cornet ou cornet de mer, cornet à bouquin. Gros coquillage en forme de spirale.
2. [Objets ou éléments fabriqués, artificiels]
a) MAR. Cornet ou cornet de mât. ,,Pièce de bois creusée longitudinalement, sur laquelle s'applique la partie antérieure du mât de certains bateaux de rivière, depuis l'étambrai jusqu'à la carlingue`` (Gruss 1952).
b) ORFÈVR. Cornet d'essai. Feuille de métal tirée du bouton d'essai que les essayeurs de matière d'or amincissent à l'extrême et enroulent sur elle-même pour en déterminer ensuite le titrage.
P. anal., PAPET. Type de papier mince. Grand, petit cornet (selon le format).
c) CUIS. ,,Cornet, puis poche en toile servant à décorer les appâts`` (Ac. Gastr. 1962). Cornet à décorer (Mont.1967).Synon. plus usuel poche.
d) RELIG. Éteignoir d'église dont l'extrémité métallique a la forme d'un cornet (cf. Lar. 19e).
e) MÉD. Instrument pour appliquer des ventouses.
Rem. Littré, DG, Lar. 19eattestent dans ce sens un verbe corneter, en méd. vétér. Poser des ventouses à un cheval.
f) TÉLÉCOMM. Antenne terminale d'un guide d'onde en forme de cône, etc. Cornet conique, parabolique, pyramidal (d'apr. Lar. encyclop. Suppl.1968).
Rem. Les dict. normatifs du xixes. (J.-F. Rolland, Dict. mauvais lang., 1813; Jullien, Lang. vicieux corr., 1853, etc.) ainsi que Lar. 19eattestent un sens régional de cornet « tuyau ». Cornet de poêle.
Prononc. et Orth. : [kɔ ʀnε]. Ds Ac. depuis 1694. Étymol. et Hist. Désigne différents objets, éléments en corne ou en forme de corne, notamment : début xiiies. encrier (St Jean Bouche d'or, 223 ds T.-L.); ca 1223 espèce de récipient (G. de Coincy, Miracles, éd. F. Koenig, 1 Mir 10, 2056); 1remoitié xiiies. instrument de musique (Aucassin et Nicolette, éd. M. Roques, XXI, 14); 1483 pâtisserie (doc. ds Gdf. Compl.); 1660 cornet pour un sourd, à bouquin, à jouer aux dez, d'escritoire, de papier (Oudin, 2epartie du trésor des deux langues esp. et fr.); 1835 anat. (Ac.). Dér. de l'a. fr. cor(n), corne*; suff. -et*. Fréq. abs. littér. : 374. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 518, b) 666; xxes. : a) 508, b) 484. Bbg. Goug. Lang. pop. 1929, p. 189. − Quem. Fichier. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 102. − Sain. Lang. par. 1920, p. 377.