| CORDONNIER, subst. masc. A.− Vx. Artisan qui fabrique (sur mesures) et vend des chaussures. Cordonnier pour femmes, pour hommes; apprenti, maître, ouvrier cordonnier. Synon. mod. chausseur, bottier : 1. Qu'un de vous, ajouta-t-il, ait besoin d'une paire de bottes, il la commande à son cordonnier; et, pour peu qu'elle soit à peu près dans les formes convenues, il croit, avec cela, pouvoir le matin se présenter partout...
Jouy, L'Hermite de la Chaussée d'Antin,t. 1, 1811, p. 76. Rem. Le subst. fém. cordonnière est attesté, mais se rencontre plus rarement. Madame Maluchet, la cordonnière pour femmes (Balzac, Comédiens, 1846, p. 323). La cordonnière (...) essayait des souliers bleus à un enfant de dix-huit mois (A. France, Crainquebille, 1904, p. 14). − Loc. proverbiales ♦ Les cordonniers sont les plus mal chaussés. On néglige de faire ou d'obtenir pour soi-même ce qu'on s'emploie à faire ou à obtenir pour les autres. ♦ Cordonnier, tiens-t'en à la chaussure! ou Cordonnier, mêlez-vous de votre pantoufle! ou Cordonnier, pas plus haut que la chaussure! Que l'on ne s'occupe de, et que l'on ne juge que ce que l'on connaît. Rem. Ces 3 var. sont des adaptations fr. de l'expr. proverbiale lat. Ne sutor ultra crepidam; allus. ,,à ce qu'on raconte du peintre Apelle, qui, acceptant la critique d'un cordonnier pour la chaussure d'un de ses personnages, le renvoya aux pantoufles quand il voulut critiquer d'autres parties du tableau`` (Littré). B.− Mod. Artisan qui répare les chaussures (à la main ou à la machine). Boutique de cordonnier; outils de cordonnier; porter ses chaussures à ressemeler chez le cordonnier. Synon. vx savetier, arg. bouif : 2. − Et une paire de souliers? Vous refuseriez de vendre une paire de souliers?
(...)
− Je suis cordonnier et pas marchand de chaussures. Ne sutor ultra crepidam comme disaient les Anciens.
Queneau, Zazie dans le métro,1959, p. 103. Rem. 1. La docum. fournit un ex. du syntagme cordonnier en réparations [cordonnier qui répare des chaussures] qui semble constituer un état intermédiaire entre le sens A vx et le sens B mod. de cordonnier. Son père est un cordonnier en réparations. Ce que le peuple appelle un bouif (Bourget, Actes suivent, 1926, p. 124). 2. Le mot se rencontre comme n. vulg. donné à certains animaux (de tels emplois sont attestés ds plusieurs dict. gén., parmi lesquels Littré, DG, Lar. 20e, et l'un d'eux est attesté ds Will. 1831). 3. Lar. 19eet Guérin 1892 attestent que le mot désigne un jeu de société où un joueur, mimant les gestes du cordonnier (sens A), tente d'attraper avec les mains la jambe ou le bas de la robe d'un autre des joueurs qui tournent en rond autour de lui. 4. Arg. (vieilli, dér. du sens A). Cordonnier de campagne. Homme qui est à la fois hétérosexuel et homosexuel, ,,parce qu'il travaille à la fois pour hommes et pour femmes`` (G. Macé ds Bruant 1901, p. 354). ,,Homosexuel`` (Dict. de l'arg. ou la Lang. des voleurs dévoilée, 1847). Prononc. et Orth. : [kɔ
ʀdɔnje], fém. [-njε:ʀ]. Ds Ac. depuis 1694. Fér. Crit. t. 1 1787 propose la graph. cordonier. Étymol. et Hist. [1100 lat. médiév. corduanarius (Rec. des actes des comtes de Ponthieu, 18 ds Bambeck Boden, p. 168)]; début xiiies. cordoennier (Aymeri de Narbonne, éd. L. Demaison, 2127); ca 1255 cordonnier (Documents relatifs à l'hist. de l'industrie et du commerce en France, éd. G. Fagniez, t. 1, p. 194). Dér. de cordoan, cordouan*, suff. -ier*; cordonnier représente une altération due à l'infl. de cordon*. Fréq. abs. littér. : 270. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 378, b) 365; xxes. : a) 409, b) 382. Bbg. Axisa (H.). Au jardin des étymol. Déf. Lang. fr. 1972, no65, p. 29. − Ducháček (O.). L'Interdépendance et l'interaction du contenu et de l'expr. Orbis. 1972, t. 21, p. 474. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 219. − Lew. 1960, p. 210. − Quem. 2es. t. 4 1972. |