| COQUILLE, subst. fém. A.− Enveloppe. 1. Enveloppe calcaire de mollusque. a) Enveloppe dure des mollusques testacés (escargots, etc.), des brachiopodes et de quelques vers : 1. ... il est assez probable que dans le progrès de l'accroissement du mollusque et de sa coquille, selon le thème inéluctable de l'hélice spiralée, se composent indistinctement et indivisiblement tous les constituants que la forme non moins inéluctable de l'acte humain nous a appris à considérer et à définir distinctement : ...
Valéry, Variété V,1944, p. 32. Rem. 1. Pour parler d'huîtres, écaille s'employait autrefois de préférence à coquille. 2. Dans l'Antiquité, on inscrivait sur une coquille ou un tesson de poterie semblable à une coquille le nom de celui que l'on voulait bannir. Là, le grand homme injustement condamné écrivoit son nom sur la coquille ou buvoit la ciguë (Chateaubr., Essai Révol., t. 1, 1797, p. 177). − P. métaph. ♦ Maison, intérieur. J'ai remarqué une logique énorme, une corrélation intime, presque chez tous, entre l'habitant et la coquille, l'homme et le milieu (Goncourt, Journal,1862, p. 1174). ♦ Enveloppe extérieure protégeant la personnalité. Ah! pourquoi ne peut-on pas briser cette transparente et dure coquille qui nous enferme chacun seul avec soi? (Beauvoir, Tous hommes,1946, p. 57). − Expr. fig. Se renfermer, se retirer dans sa coquille. On sent, lorsqu'il en laisse échapper quelque chose, avec quelle joie il se renfermait dans sa coquille, comme ces insectes qui se cachent à l'approche de l'homme (Musset, Le Temps,1831, p. 143). b) Spécialement − ARCHÉOL. Enveloppe de ces mollusques à l'état fossile ou son empreinte. Coquille fossile. Les fossiles mêmes (...) que l'on trouve par couches au dessous de la terre végétale, tels que (...) les bancs de coquilles (Bern. de St-P., Harm. nat.,1814, p. 237). − BLAS. Figure d'armoiries représentant une coquille. Rem. Attesté ds Besch. 1845, Lar. 19e-Lar. encyclop., Littré, Guérin 1892, Quillet 1965 et ds Adeline, Lex. termes art, 1884. − GASTR. Coquille St-Jacques (p. réf. aux coquillages portés par les Pèlerins de St-Jacques-de-Compostelle). Coquillage du genre peigne consommé dans sa coquille; la coquille elle-même. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés petites madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques (Proust, Swann,1913, p. 45). ♦ P. méton. Mets (composé de viandes blanches, poisson, champignons, etc. liés par une sauce béchamel) consommé dans une coquille (généralement une coquille St-Jacques). Les « coquilles aux champignons » du café de « Chartres » (Jouy, Hermite,t. 2, 1812, p. 236). − PAPETERIE ♦ Papier portant (à l'origine) la marque d'une coquille. La fabrication d'Angoulême s'occupait alors presque uniquement des papiers à écrire dits écu, poulet, écolier, coquille, qui, naturellement, sont tous collés (Balzac, Illus. perdues,1843, p. 744). ♦ Format de ce papier, 44 cm X 56 cm (d'apr. Lar. 20e). Le format « coquille » des pierres lithographiques employées dans le commerce est de : 49 X 59 centimètres (Chelet, Manuel lithogr.,1933, p. 25). 2. Enveloppe calcaire rigide de l'œuf, en particulier lorsqu'elle est vide. (Quasi-)synon. coque.Voir (...) un petit monstre sortir d'une coquille comme un poussin (Chateaubr., Génie,t. 1, 1803, p. 203).Cinq ou six petites maximes qui (...) tiendraient ensemble dans une coquille d'œuf (Quinet, Ahasverus,1833, 3ejournée, p. 227). ♦ Coquille d'œuf. P. méton. (adj. inv.). Couleur d'une coquille d'œuf, jaune très pâle. (Attesté ds Pt Rob., Lar. Lang. fr.). − Expr. fig., p. iron., fam. [À propos d'un adolescent, p. réf. au poussin sortant de l'œuf couvé] Sortir de sa coquille. Sortir de l'enfance, être très jeune, sans expérience. Un lycéen, qui sort de sa coquille, Tout triomphant, Dans ses bras m'étouffant, De me faire un enfant Me proteste qu'il grille (Béranger, Chans.,t. 1, Bonne fille ou Mœurs du temps, 1829, p. 41). 3. P. ext. Enveloppe ligneuse, dure, de certains fruits ou semences : 2. Quant aux fruits qui viennent au sommet des grands arbres, ils sont, pour l'ordinaire, revêtus de coques dures et d'enveloppes molles ou élastiques, dont l'épaisseur est proportionnée à leur volume. Ainsi, la noix est revêtue de ses coquilles et de son brou; ...
Bernardin de Saint-Pierre, Harmonies de la nature,1814, p. 95. ♦ Au fig. Coquille (de noix). Petite embarcation. Napoléon met le pied sur une coquille de noix, un petit navire de rien du tout qui s'appelait La fortune (Balzac, Méd. camp.,1833, p. 175). B.− [P. anal.] 1. [P. anal. de forme] Chose ayant ou rappelant la forme d'une coquille, le plus souvent de mollusque. Mains en coquille. Et c'était à qui le mangerait de baisers, cet agnelet, bavant comme un limaçon, sur ses molles coquilles de coton et de laine (Cladel, Ompdrailles,1879, p. 133).Une feuille séchée, qui tombait, coquille d'or rouge où restait une goutte de pluie (A. France, Lys rouge,1894, p. 329): 3. ... l'ovale du visage, bien éclairé par la lumière crème qui filtrait à travers la porcelaine du globe, s'encadrait à la perfection dans la chevelure noire, dont les tresses étaient roulées en coquilles sur les oreilles.
Daniel-Rops, Mort, où est ta victoire?1934, p. 23. − Spécialement a) ARCHIT. Voûte formée par l'assemblage des marches d'un escalier en colimaçon. Il le prit par le bras et l'entraîna dans la coquille de l'escalier (Ponson du Terr., Rocambole,t. 5, 1859, p. 304). b) ARTS DÉCORATIFS et ARTS MÉN. ♦ Récipient ayant la forme d'une coquille. Coquille de peintre. Une salière à deux coquilles que domine une figure de naïade assise (Grandjean, Orfèvr. XIXes. en Eur.,1962, p. 52).En partic. Coquille d'œuf. Porcelaine japonaise ou chinoise de très faible épaisseur. Une fine porcelaine coquille d'œuf de la Chine (Goncourt, Journal,1889, p. 1026). ♦ Partie creuse d'une fontaine, d'un bénitier. Plus bas un bénitier dans sa coquille ronde Garde un peu de cette eau que fuit l'esprit immonde (M. de Guérin, Poésies,1839, p. 89). ♦ Ornement (en particulier d'une stèle ou d'une niche) taillé sur le contour d'un quart-de-rond et caractéristique du style Louis XV. Sur la façade, les fenêtres étaient surmontées de la coquille de Louis XV (A. France, Jocaste,1879, p. 15). c) COUT. Dessin de broderie ornant certains articles. (Attesté ds Lar. encyclop.). ♦ P. métaph. Si un merle avait gratté mon autel, (...) si quelque coquille s'était détachée du feston ou quelque fleur de la couronne (Sand, Hist. vie,t. 3, 1855, p. 27). d) ART CULIN. ♦ Petite quantité de beurre roulée en spirale. Aligner des coquilles de beurre dans le ravier (Martin du G., Thib.,Été 14, 1936, p. 572). ♦ Boursouflure de la croûte du pain. Rem. Attesté ds Besch. 1845, Lar. 19e-20e, Littré, Guérin 1892, DG, Rob., Quillet 1965. e) MUS. Partie supérieure du violon enroulée en spirale. Le ménétrier allait en avant avec son violon empanaché de rubans à la coquille (Flaub., MmeBovary,t. 1, 1857, p. 30). f) TYPOGR. Faute résultant de la substitution d'une lettre à une autre : 4. ... une revue parisienne venait de publier un de ses poèmes avec des fautes d'impression, coquilles aussi larges que des bénitiers, vastes comme la conque d'Aphrodite.
A. France, Le Lys rouge,1894, p. 125. Rem. Cet emploi anal. se rattache peut-être à l'accept. A 1 b spéc., gastr. coquille St Jacques (certains imposteurs faisaient le commerce de fausses coquilles, les coquilles St Jacques marquant l'accomplissement d'un pèlerinage à St Jacques-de-Compostelle); ou plus simplement à la forme que prend p. ex. une lettre renversée et comme retournée sur elle-même. 2. [P. anal. de forme et de fonction (de protection, de garantie, de bonne activation, etc.)] a) ARM. Partie d'une arme blanche qui protège la main. Et ces épées dont la coquille est fouillée à jour comme une dentelle (Du Camp, Hollande,1859, p. 64). − Arg. Cuirasse : 5. ... le sourd lui détachait (...) toutes les pièces de son armure, (...) la cuirasse, les brassards. On eût dit un singe qui épluche une noix. Quasimodo jetait à ses pieds, morceau à morceau, la coquille de fer de l'écolier.
Hugo, Notre-Dame de Paris,1832, p. 482. − P. ext., SP. Appareil de protection du bas-ventre porté par les boxeurs. Le footballeur prête sa culotte, le boxeur sa coquille, aussi simplement que le coureur prête ses souliers (Montherl., Olymp.,1924, p. 313). b) CHIR. Plâtre amovible maintenant la colonne vertébrale. Rem. Attesté ds Lar. encyclop., Quillet 1965, Pt Rob., Rob. Suppl. 1970, Lar. Lang. fr. c) ART CULIN. Ustensile ouvert d'un côté et dans lequel on rôtit la viande. Je leur fis voir mon pot-au-feu économique, ma coquille à rôtir, mon tournebroche à pendule (Brillat-Sav., Physiol. goût,1825, p. 180). d) MÉCAN. Pièce recouverte de métal, servant à guider et à supporter des organes tournants (d'apr. Alpha, Auto, t. 4, 1975). Une mince coquille d'acier se plaçant dans la tête de bielle (Chapelain, Cours mod. techn. automob.,1956, p. 48). e) MÉTALL. Moule solide autour duquel on fait passer l'eau pour refroidir subitement le métal; chaque moitié d'un moule formé de deux parties. Le moule [d'un obus de rupture en acier coulé] se compose de trois parties : une coquille métallique pour l'ogive, une autre coquille de même nature pour le corps de l'obus, et enfin un moule en sable pour la masselotte (Ledieu, Cadiat, Nouv. matér. naval,1890, p. 81). ♦ Coulage en coquille. Procédé de coulage utilisant ces moules. Le coulage en coquille donne au métal [bronze] plus d'homogénéité (Ledieu, Cadiat, Nouv. matér. naval,1890, p. 81). Prononc. et Orth. : [kɔkij]. Ds Ac. depuis 1694. Étymol. et Hist. 1. Ca 1170 au fig. corquille « chose de peu de valeur » (Richeut, 1125 ds Meon, Nouveau Rec., t. I, p. 73); d'où 1350 vendre ses coquilles à qqn (G. Le Muisit, Poésies, éd. Kervyn de Lettenhove, t. 2, p. 260 : Vos cokilles trop bien saviés à quy vendiés); 2. 1262-68 coquille « mollusque (l'animal et sa coquille) » (Brunet Latin, Trésor, I, 333, éd. F. J. Carmody, p. 130); d'où 1362 lat. médiév. coquilhia « objet en forme de coquille » (texte lat. ds Du Cange : coquilhia argenti); 1376 « id. » (Inventaire, ibid. : Coquille d'argent); 3. 1393 « enveloppe dure d'un animal » (Ménagier de Paris, éd. Soc. des Bibliophiles fr., t. 2, p. 152 : coquilles des escrevisses); 1393 « coquille d'œuf » ibid., t. 2, p. 68; 4. 1723 « faute typographique » (M. D. Fertel, La Science pratique de l'imprimerie, p. 194 ds IGLF). Du lat. vulg. *conchilia (neutre plur. pris comme fém. du lat. class. conchylium, lui-même empr. au gr. κ
ο
γ
χ
υ
́
λ
ι
ο
ν) croisé avec coccum (v. coque et cagouille); le sens 4 s'explique peut-être par vendre ses coquilles « tromper » d'où coquille « erreur ». Fréq. abs. littér. : 1 099. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 1 953, b) 1 389; xxes. : a) 1 095, b) 1 603. DÉR. 1. Coquilleux, euse, adj.[En parlant d'un terrain, d'une roche] Qui contient des coquilles. Il [Pitault] nous enseignait comment on déjoue les ruses et la malveillance de la pierre, la fière et la franche, la rousse ou la coquilleuse (Arnoux, Juif Errant,1931, p. 154).P. métaph. Difficultueux. Esprit coquilleux (cf. Nouv. Lar. ill., Lar. 20e; attesté aussi ds Littré, Guérin1892, Quillet 1965).− [kɔkijø], fém. [-jø:z]. − 1resattest. a) av. 1607 « qui contient des coquilles » (Vauquelin, Past. s. le tomb. de Rouxel ds Gdf. Compl.) b) 1609 esprit coquilleux (François de Sales, Vie dévote, II, 20, ibid.); de coquille, suff. -eux*. 2. Coquillettes, subst. fém. plur.Pâtes alimentaires en forme de coquilles. Un paquet de coquillettes; rôti de veau aux coquillettes (Rob. Suppl. 1970; attesté aussi ds Lar. Lang. fr. avec le même sens et ds Guérin 1892 avec le sens anc. de « petite coquille »). − [kɔkijεt]. − 1resattest. a) fin xiiies. « petite coquille » ici, hérald. (J. Bretel, Tournois Chauvency, 662 ds T.-L.), b) alim. début xxes. BBG. − Dat. Amis Lex. fr. Lex. dern. 1975, no1, p. 2. − Gottsch. Redens. 1930, p. 85; pp. 125-127. − Goug. Mots t. 1 1962, p. 85. − Rog. 1965, p. 42, 201. − Sain. Arg. 1972 [1907], p. 7, 65, 191, 273. − Sain. Sources t. 1 1972 [1925], p. 107, 146; t. 2 1972 [1925], p. 95, 98. − Vincent (A.). Les N. d'objets creux comme n. de lieux. Mél. Dauzat (A.). Paris, 1951, pp. 385-396. |