| CONVICTION, subst. fém. A.− DROIT 1. Vx. Preuve matérielle d'un crime, d'un délit, d'une faute. Fournir la conviction d'un vol : 1. ... le chef de votre municipalité, et le chef de votre milice (...) ont fait échapper des prisons le traître Bonne de Savardin, pour vous enlever les pièces de conviction de la perfidie du Ministère, et peut-être de leur propre perfidie.
Marat, Les Pamphlets,C'en est fait de nous, 1790, p. 207. 2. Pièce à conviction. Objet fournissant cette preuve : 2. Aux époques naïves et chez les peuples primitifs, le voleur était exposé à la réprobation générale, affublé de l'objet même de son larcin, de la pièce à conviction, ce pot sur la tête qu'il a soutiré, cette bourse à son cou dont par un coup de rasoir adroit il a débarrassé le légitime propriétaire.
Claudel, Un Poète regarde la Croix,1938, p. 108. B.− Domaine de la vie spirituelle et/ou active. 1. Certitude de l'esprit fondée sur des preuves jugées suffisantes. Plus tard ces jeunes filles perdraient cet accent de conviction enthousiaste qui donnait du charme aux choses les plus simples (Proust, J. filles en fleurs,1918, p. 908): 3. Ne confondez pas la foi avec la conviction. La conviction est l'acte de l'esprit qui adhère à ce qu'il voit ou croit voir. La foi est l'acte de la volonté qui se soumet, souvent sans conviction, quelquefois contre la conviction même, à ce qu'une raison extérieure et plus élevée déclare vrai.
Lamennais, Lettres inédites... à la baronne Cottu,1829, p. 207. 4. De notre passage à travers l'Amérique est résultée cette conviction, je dirai mieux, cette certitude : que la catastrophe [le naufrage du Britannia] n'a eu lieu ni sur les côtes du Pacifique, ni sur les côtes de l'Atlantique.
Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 2, 1868, p. 10. SYNT. Une conviction absolue, inébranlable, profonde; l'intime conviction; avoir la conviction de qqc., avoir la conviction que; amener, arriver à une conviction; s'enfoncer dans une conviction; ébranler, partager une conviction; asseoir sa conviction. − Spéc., p. méton., souvent au plur. Opinions, idées, principes considérés comme fondamentaux. Conviction morale, religieuse, politique. L'homme convaincu, qui se refuse à la guerre et se fait fusiller pour sa conviction, je lui accorde toute ma sympathie, toute ma pitié (Martin du G., Les Thib.,Été 14, 1936, p. 538): 5. ... ma conviction religieuse, en grandissant, a dévoré mes autres convictions : il n'est ici-bas chrétien plus croyant, et homme plus incrédule que moi.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 598. 2. Locutions − Par conviction. Le jeune abbé avoit une âme grande, ambitieuse, une de ces âmes enfin qui ne doivent rien concevoir de petit; il étoit chrétien par conviction et non par grimace (Balzac, Annette,t. 1, 1824, p. 49). − Avec conviction ♦ Fam. Avec sérieux, avec application, en croyant à ce qu'on fait ou dit : 6. Son répertoire d'une non-hispanolité totale ne prétendait pas à l'originalité, les musiciens l'accompagnaient de travers et ses cothurnes étaient légèrement éculés mais elle chantait avec conviction le destin des matelots et des légionnaires...
Queneau, Loin de Rueil,1944, p. 132. ♦ Avec chaleur, enthousiasme. J'ai parlé avec conviction et franchise (Sainte-Beuve, Tabl. fr.,1828, p. 4). − Sans conviction. Sans enthousiasme, sans application : 7. D'ailleurs, vers ce pays nouveau de sinistre mémoire, on allait sans entrain, sans conviction, non volontairement, mais sous la pression de la fatalité.
Verne, Les Enfants du capitaine Grant,t. 3, 1868, p. 36. − Manquer de conviction. Manquer d'enthousiasme, d'application. L'absence de conviction : 8. Il se frottait le crâne à travers son calot, objectant « qu'on n'en aurait pas de trop pour le voyage », d'une voix molle où perçait le manque de conviction et la tentation effrénée de prendre tout de même un acompte sur les réjouissances à venir.
Courteline, Le Train de 8 h 47,1888, 1repart., 7, p. 76. Prononc. et Orth. : [kɔ
̃viksjɔ
̃]. Ds Ac. 1694-1932. Étymol. et Hist. 1. 1579 « action de prouver la culpabilité de quelqu'un » (J. Bodin, Démonomanie, p. 543, éd. de 1598 ds R. Hist. litt. Fr., t. 8, p. 493); 1623 « preuve de culpabilité » (Richelieu, Lettres, éd. D. Avenel, t. I, p. 761 ds Haschke Richelieu, p. 98); 1790 pièce de conviction (Le Moniteur, t. 3, p. 59); 1825 pièce à conviction (A. Dumas, La Chasse et l'amour, 15, p. 59); 2. 1688 « certitude » (La Bruyère, Caractères, 16 ds Littré). Empr. au lat. chrét. convictio « démonstration convaincante, fait d'être convaincu ». Fréq. abs. littér. : 2 494. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 3 174, b) 3 905; xxes. : a) 3 703, b) 3 577. DÉR. Convictionnel, elle, adj.Susceptible d'entraîner la conviction. Il faut abandonner là tout cela et reprendre le travail dans un autre coin où gisent une vieille sonnette de vélo (...) et un cure-dent, preuve convictionnelle de quelque visite diurne après le repas de midi (Queneau, Les Enfants du limon,1938, p. 193).− Seule transcr. ds Besch. 1845 et ds Littré : kon-vi-ksio-nèl. − 1reattest. 1838 (Ac. Compl. 1842); de conviction, suff. -el (-al*). |