| CONVENIR, verbe trans. I.− Vieilli, absol. [Le suj. désigne deux ou plusieurs choses] Aller bien ensemble, s'accorder. Le silence et le sérieux conviennent absolument (Staël, Lettres jeun.,1787, p. 157).Ce en quoi des choses conviennent résulte de leurs propriétés communes; ce en quoi elles diffèrent résulte de leurs propriétés particulières (Proudhon, Créat. ordre,1843, p. 419). − Emploi pronom. [En parlant de deux pers., âmes, caractères, etc.] Aller bien l'un avec l'autre, être faits l'un pour l'autre : 1. Sans doute, ma fille, les plus belles amours furent celles de cet homme et de cette femme, sortis de la main du Créateur. (...). Parfaits de l'ame et du corps, ils se convenoient en tout; Ève avoit été créée pour Adam, et Adam pour Ève.
Chateaubriand, Génie du christianisme,t. 2, 1803, p. 248. II.− [Le suj. désigne une pers. ou une chose] Convenir à.Convenir mal, à merveille à. A.− [Le suj. désigne une chose] 1. Convenir à qqc.Être approprié, adapté à cette chose. Convenir à la situation; le mot qui convient. Le marbre convient à l'œuvre d'art où dans sa pleine force l'artiste, le chef veulent réaliser leur fleur de vie, leur idéal (Barrès, Cahiers,t. 2, 1898-1902, p. 45): 2. ... vous vous convaincrez aisément de l'impossibilité de faire à Paris toutes les lois qui conviennent aux colonies et qui leur soient bien adaptées.
Baudry des Lozières, Voyage à la Louisiane,1802, p. 291. 2. Convenir à qqn.Être bon pour lui, correspondre à ses goûts. Convenir à l'homme, au peuple. Tu ne peux souffrir ce qui te convient et tu n'as de penchant que pour ce qui te nuit (Amiel, Journal,1866, p. 255). − Emploi impers. Il convient à qqn de + inf.Il lui plaît de : 3. Dans ce moment un aide de camp du gouverneur frappe à ma porte, et me demande s'il me convient de recevoir son général. Pour toute réponse, je me rends à l'appartement de Son Excellence...
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe,t. 4, 1848, p. 445. 3. Absol. Être conforme aux usages. Elle [Malvina] avait à un haut degré le sentiment de ce qui sied et de ce qui convient (Reybaud, J. Paturot,1842, p. 397): 4. ... il leur [aux cadavres « très illustres »] refait une vie terrestre toute pleine de mérites et de vertus, car il le faut, car cela convient, car cela importe au bon ordre des choses humaines.
Lemaitre, Les Contemporains,1885, p. 191. B.− [Le suj. désigne une pers.] Convenir à qqc. ou à qqn.Être fait pour quelque chose ou pour quelqu'un. Madame d'Arbigny ne vous convient pas, vos caractères n'ont aucun rapport ensemble (Staël, Corinne,t. 2, 1807, p. 283).Je m'aperçus bien vite que le professorat ne me convenait pas du tout, ou, pour mieux dire, que je ne convenais pas du tout à la tâche toute spéciale du professorat (Sand, Hist. vie,t. 4, 1855, p. 452). C.− Emploi impers. Il convient de + inf. ou il convient que + subj. (cf. supra II A 3).Il convient de faire, d'observer. Il est conforme aux exigences de la situation et/ou des convenances. J'avais prononcé ces quelques mots d'un ton peut-être plus amer qu'il n'eût convenu (Daniel-Rops, Mort,1934, p. 254).Je ne sais quoi avertissait ma pudeur, ma fierté qu'il convenait de ne pas m'abandonner mollement (Arnoux, Roi,1956, p. 250). III.− [Le suj. désigne une pers.] Convenir de ou que. A.− [Le suj. désigne une ou plusieurs pers.] 1. Convenir (ensemble) ou convenir avec qqn.Se mettre d'accord. a) Convenir de + inf. ou convenir que + ind. (ou cond.) ou subj.Se mettre d'accord avec quelqu'un pour faire quelque chose ou sur une attitude à prendre. Et même j'avais convenu avec lui, ajouta-t-il, qu'au besoin je remettrais de quelques jours mon départ (Gide, Faux-monn.,1925, p. 1131).Solange a dû vous dire que nous étions convenus que j'aie trois mois par an de vacances conjugales, où je partirais au loin, me détendre (Montherl., Démon bien,1937, p. 1286): 5. Comme la nuit s'approchoit, je lui proposai de s'arrêter à une maison que nous rencontrâmes à une lieue de la forêt; elle y consentit : nous convînmes qu'elle s'y reposeroit et y passeroit la nuit...
Mmede Genlis, Les Chevaliers du Cygne,t. 1, 1795, p. 174. b) Convenir de qqc.Se mettre d'accord sur quelque chose. Convenir du prix (de qqc.); convenir d'un rendez-vous, d'un signal. Durant tout ce temps, il fut encore question de la paix, mais l'on ne put convenir de rien de plus qu'une trève (Barante, Hist. ducs Bourg.,t. 2, 1821-24, p. 176). Rem. On rencontre ds la docum. des emplois passifs. Vous me permettrez de demander instamment à ce que cet arrangement d'intérêts soit parfaitement convenu (Balzac, Corresp., 1830, p. 459). Cf. à ce sujet Colin 1971 : ,,Bien que convenir ne soit pas transitif direct, le passif est possible et correct.`` 2. Convenir de qqc. ou convenir que + ind.Reconnaître, admettre quelque chose ou que. Convenir avec qqn de qqc.Être d'accord avec quelqu'un sur quelque chose. Être forcé de convenir, convenir volontiers de, convenir des faits. Qu'on le nie ou qu'on en convienne, Il n'est qu'un Paris sous les cieux (Pommier, Paris,1866, p. 15).Au moment de se séparer d'elle, il ne pouvait se défendre d'une tristesse dont il n'eût jamais convenu (Mauriac, Th. Desqueyroux,1927, p. 277): 6. Je présume trop bien de votre bonne foi, pour douter un instant que vous hésitiez à convenir de votre méprise.
Lamennais, L'Avenir,1830-31, p. 254. − Fréq. en incise. Il m'en coûte, j'en conviens, de me justifier d'une lettre que vous avez connue par un moyen si indigne de vous et de moi (Staël, Lettres jeun.,1787, p. 170). − Fam. [Tournure ell.] Venir ici [au bal de l'Opéra] pour réciter le calendrier, tu conviendras... (Goncourt, Ch. Demailly,1860, p. 62). Rem. La règle traditionnelle est d'employer convenir : a) avec l'auxiliaire être dans le sens de « se mettre d'accord, reconnaître » (cf. supra III), b) avec l'auxiliaire avoir dans le sens de « être approprié » (cf. supra II); mais cette règle n'est pas toujours suivie, et l'usage tend à employer avoir comme seul auxiliaire, dans les 2 cas (cf. à ce suj. Thomas 1956, Colin 1971 et Dupré 1972). B.− Emploi impers. Il est convenu que + ind. ou de + inf.Il est décidé d'un commun accord. Il fut convenu entre eux, par un accord tacite, qu'ils garderaient leur liberté (Zola, Nana,1880, p. 1430). Rem. L'expr. fréq. ce qu'on est convenu d'appeler, relève à la fois de l'emploi impers. (supra) et de l'emploi III A 1 a. Nous longeâmes le palais de la reine, qui est un de ces édifices que l'on est convenu d'appeler de bon goût (Gautier, Tra los montes, 1843, p. 71). − Expr. fam. Comme il est convenu, comme c'est convenu. Comme il est décidé. Madame, veuillez m'excuser si je ne vais pas chez vous, ce soir comme c'était convenu (Ponson du Terr., Rocambole,t. 5, 1859, p. 56). ♦ Fréq. (C'est) convenu. (C'est) d'accord. Il lâcha tout pour une somme tellement dérisoire, que Gouy, d'abord écarquilla les yeux, et s'écriant : « convenu », lui frappa dans la main (Flaub., Bouvard,t. 1, 1880, p. 57).C'est entendu, c'est tout vu, c'est convenu; à demain, Monsieur le Curé. Couillon qui s'en dédit! (Maupass., Contes et nouv.,t. 2, Confess. Th. Sabot, 1883, p. 39). IV.− Emploi pronom., rare, sens passif. Être décidé : 7. [la peyrade :] − ... laissez-moi conduire cette longue et difficile affaire; si vous commettez une indiscrétion sur ce qui se dira, se tramera, se conviendra entre nous, je vous laisse, et votre serviteur!
Balzac, Les Petits bourgeois,1850, p. 83. Prononc. et Orth. : [kɔ
̃vni:ʀ], (je) conviens [kɔ
̃vjε
̃]. Ds Ac. depuis 1694. Étymol. et Hist. A. 1. Mil. du xies. impers. « il est bon que, il faut que » (Alexis, éd. C. Storey, 411); 2. début du xiies. « être convenable pour, plaire à (quelqu'un) » (Psautier d'Oxford, éd. F. Michel 64, 1 [te decet hymnus]); 3. ca 1165 « aller bien avec, être approprié à (quelque chose ou quelqu'un) » (B. de Sainte-Maure, Troie, éd. L. Constans, 5425); ca 1275 part. prés. adj. « qui convient » (J. de Meun, Rose, éd. F. Lecoy, 7641); 4. 1538 intrans. « s'accorder, être en conformité » (Est.). B. 1. 1243 convint que impers. « on tomba d'accord, il fut décidé que » (Ph. Mouskes, Chronique rimée, éd. De Reiffenberg, 16473); 1752 part. passé adj. « déterminé, fixé » (Trév. Suppl.); 1838 subst. (Stendhal, Mém. d'un touriste, t. 3, p. 209); 2. xiiies. « reconnaître, avouer » (Doc. A. Ille-et-Vilaine ds Gdf. Compl.). Du lat. class. convenire « se rassembler, convenir, s'adapter; s'accorder sur quelque chose ». Fréq. abs. littér. : 6 824. Fréq. rel. littér. : xixes. : a) 14 636, b) 8 367; xxes. : a) 7 025, b) 7 823. Bbg. Darm. Vie 1932, p. 133, 194. − Rickard (P.). (Il) estuet, (il) convient... In : [Mél. Harmer (L. Ch.)]. London, 1970, pp. 65-92. |